Le titre : Paris est une fête
L’auteur : Ernest Hemingway
L’histoire : Hemingway nous fait vivre sa jeunesse parisienne dans les années 1920, où il apprit le métier d’écrivain et croisa de nombreuses légendes (Gertrude Stein, Ezra Pound, James Joyce, le couple Fitzgerald). Plus qu’une simple réédition, cette nouvelle version de Paris est une fête présente huit courts textes inédits et serait plus fidèle à l’esprit de l’auteur que l’édition originale, publiée en 1964 à titre posthume… Elle a été revisitée par le dernier des fils Hemingway encore en vie, Patrick, ainsi que Sean, petit-fils d’Ernest et neveu de Patrick.
L’univers : Cette série de nouvelles est une œuvre d’imagination, le récit de souvenirs lointains façonné par un imaginaire fertile... « À partir des choses qui vous sont arrivées et à partir de toutes les choses que vous connaissez et de toutes celles que vous ne connaissez pas, vous fabriquez, grâce à votre imagination, quelque chose qui n’est pas une représentation de ce qui a été, mais une chose tout à fait nouvelle, plus vraie encore que tout ce qui est vrai et vivant », explique l’auteur au magazine Paris Review, en 1958.
La voix : « Ce qu’il faut, c’est écrire une seule phrase vraie. Écris la phrase la plus vraie que tu connaisses », dicte-t-il dans Paris est une fête.
Extrait de la nouvelle Un bon café sur la place Saint-Michel : « Et puis, il y avait la mauvaise saison. Elle pouvait faire son apparition du jour au lendemain, à la fin de l’automne. Il fallait alors fermer les fenêtres, la nuit, pour empêcher la pluie d’entrer, et le vent froid arrachait les feuilles des arbres, sur la place de la Contrescarpe. Les feuilles gisaient, détrempées, sous la pluie, et le vent cinglait de pluie les gros autobus verts, au terminus, et le café des Amateurs était bondé derrière ses vitres embuées par la chaleur et la fumée. C’était un café triste et mal tenu, où les ivrognes du quartier s’agglutinaient, et j’en étais toujours écarté par l’odeur de corps mal lavés et la senteur aigre de soulerie qui y régnaient. »
La raison de le lire : Encore plus agréable qu’une coupe de champagne rosé à La Closerie des Lilas.
En un mot : Délice.
Éditeur : Folio Herman – 346 pages.
Le titre : Dans le café de la jeunesse perdue
L’auteur : Patrick Modiano
L’histoire : Le triste destin de Louki, qui a fui son domicile conjugal, et de ceux qui ont croisé sa route dans le Paris des années 1960.
L’univers : Modiano entraîne ses personnages (et ses lecteurs) de l’Odéon à Pigalle, de la rive gauche à la rive droite. Au fil du temps, on a parfois l’impression qu’il réécrit le même livre. C’est un peu vrai, mais sa capacité à transposer ses souvenirs de jeunesse en fiction est toujours fascinante...
La voix : Des phrases simples, mais travaillées, une écriture tout en pudeur. Le charme poétique de Modiano repose sur un curieux mélange : une extrême précision géographique couplée à une chronologie quelque peu décousue.
Extrait : « Elle ne venait pas à une heure régulière. Vous la trouviez assise là très tôt le matin. Ou alors, elle apparaissait vers minuit et restait jusqu’au moment de la fermeture. C’était le café qui fermait le plus tard dans le quartier avec Le Bouquet et La Pergola, et celui dont la clientèle était la plus étrange. Je me demande, avec le temps, si ce n’était pas sa seule présence qui donnait à ce lieu et à ces gens leur étrangeté, comme si elle les avait imprégnés tous de son parfum. »
La raison de le lire : Parce que Modiano exprime avec brio l’envie d’être ailleurs et l’espoir d’une autre vie.
En trois mots : Mélancolie du souvenir.
Éditeur : Folio – 160 pages.
Le titre : Paris au pied de la lettre : un guide littéraire
Les auteurs : Collectif. Dans le désordre : Verlaine, Balzac, Aragon, Zola, Hemingway, Proust, Breton, et cetera.
L’histoire : Paris raconté par de grands écrivains. Un voyage dans le temps sans nostalgie, entre vieilles pierres et bistros de quartier.
L’univers : Hétéroclite puisque multiple. À chaque page, comme au détour de chaque ruelle qui ricoche sur la Seine, apparaît un nouveau point de vue sur la ville.
La voix : Bigarrée. Un livre choral démontrant combien Paris exerce depuis toujours une fascination sur les hommes de lettres.
Extrait Du côté de chez Swann de Marcel Proust : « Ainsi c’était la saison où le bois de Boulogne trahit le plus d’essences diverses et juxtapose le plus de parties distinctes en un assemblage composite. Et c’était aussi l’heure. Dans les endroits où les arbres gardaient encore leurs feuilles, ils semblaient subir une altération de leur matière à partir du point où ils étaient touchés par la lumière du soleil, presque horizontale le matin comme elle le redeviendrait quelques heures plus tard au moment où dans le crépuscule commençant, elle s’allume comme une lampe, projette à distance sur le feuillage un reflet artificiel et chaud, et fait flamber les suprêmes feuilles d’un arbre qui reste le candélabre incombustible et terne de son faîte incendié. »
La raison de le lire : Parce que la Ville Lumière respire du souffle de ceux qui la décrivent.
En un mot : Littéraire.
Éditeur : Éditions Inculte – 218 pages.
Le titre : Suite à un accident grave de voyageur
L’auteur : Éric Fottorino
L’histoire : En septembre 2012, trois inconnus se suicident en se jetant sous une rame de métro que fréquente quasi quotidiennement le journaliste et écrivain Éric Fottorino. Ce sera l’occasion pour lui de poursuivre la réflexion sur le suicide, entamée dans L’homme qui m’aimait tout bas, où il relatait son expérience face à la mort volontaire de son père adoptif…
L’univers : En une soixantaine de pages, Fottorino dénonce l’indifférence collective devant les suicides d’inconnus dans le métro. Dans les médias, zéro information sur les suicidés, alors qu’on y détaille les retards et les « trafics perturbés ». « L’expression trafic perturbé m’est apparue dans toute sa froideur, écrit-il. Officiellement, aucun être humain n’avait été perturbé. Le trafic, juste le trafic. Des trains avaient eu du retard. »
La voix : Tranchante. « Le suicide sur les voies n’est pas une vie perdue, c’est du temps perdu », dixit l’ancien directeur du Monde.
Extrait : « Ces rapides font un vacarme d’enfer quand leur souffle balaie les quais. Un fracas de métal qui vous transperce les nerfs jusqu’aux os. Par réflexe, il m’arrive de me boucher les oreilles. Je serre les dents et ferme les yeux en attendant que la déflagration s’estompe. Ce ne sont pas des choses à dire quand on est adulte. J’ai gardé cette peur d’enfant qui me prenait jadis dans les gares. La peur de me perdre, de perdre mes parents, de perdre la vie. La peur d’être abandonné ou que quelqu’un me pousse dans le dos. C’est une frayeur irrépressible. À la différence des trains, elle n’est jamais en retard. »
La raison de le lire : Pour son style percutant qui cherche à nous extraire de notre indifférence.
En un mot : Déconcertant.
Éditeur : Gallimard – 64 pages.
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