Club de lecture

Spécial prix littéraires : 4 auteurs déjà primés

En cette fin de saison des prix littéraires, Châtelaine.com en profite pour tirer son chapeau à quatre anciens lauréats… à lire ou à relire.


 

Le titre : Chagrin d’école (prix Renaudot 2007)

L’auteur : Daniel Pennac (67 ans)

L’exergue : « Statistiquement tout s’explique, personnellement tout se complique. »

L’histoire : C’est un livre sur les défis auxquels font face les élèves en difficulté. Un bouquin dans lequel l’auteur de la célèbre saga des Malaussène revient avec tendresse sur son enfance de cancre et sa carrière d’enseignant.

L’univers : À travers ses souvenirs de prof, Daniel Pennac revisite non seulement la relation privilégiée entre les enseignants et les élèves, il nous rappelle aussi que les mauvais élèves ont besoin d’un bon professeur pour les remettre sur le bon chemin.

La voix : Grand érudit, Daniel Pennac sait partager ses connaissances par le biais de l’humour. Ce qui donne un ton léger, mais pondéré à son Chagrin d’école.

Les premières phrases : « Commençons par l’épilogue : Maman, quasi centenaire, regardant un film sur un auteur qu’elle connaît bien. On voit l’auteur chez lui, à Paris, entouré de ses livres, dans sa bibliothèque qui est aussi son bureau. La fenêtre ouvre sur une cour d’école. Raffut de récré. On apprend que, pendant un quart de siècle, l’auteur exerça le métier de professeur et que s’il a choisi cet appartement donnant sur deux cours de récréation, c’est à la façon d’un cheminot qui prendrait sa retraite au-dessus d’une gare de triage. »

La raison de le lire : « Pour apprendre, les enfants ont besoin d’attention, d’affection, de respect, d’autorité intellectuelle et morale. De régularité, aussi. Pas question pour un enseignant d’entrer dans la classe, un jour, de bonne humeur, et l’autre, de mauvaise humeur. Le professeur qui n’est pas d’humeur égale commet une faute professionnelle grave », déclarait l’auteur dans une entrevue à Châtelaine, en mai 2008.

En un mot : Ludoéducatif.

Éditeur : Gallimard – 305 pages – publié en 2007.



 

Le titre : Premier bilan après l’apocalypse

L’auteur : Frédéric Beigbeder (46 ans ; a remporté le prix Interallié 2003 pour Windows on the World et le prix Renaudot 2009 pour Un roman français)

L’exergue : « Mon Dieu! mon Dieu! qu’il existe donc peu de livres qu’on puisse relire, soupira des Esseintes, regardant le domestique qui descendait l’escabelle où il était juché et s’effaçait pour lui permettre d’embrasser d’un coup tous les rayons. »

J.K. Huysmans, À rebours, 1884.

L’histoire : Dix ans après Dernier inventaire avant liquidation, dans lequel il résumait à sa façon les 50 livres du 20e siècle choisis par les lecteurs du quotidien Le Monde, Frédéric Beigbeder revient avec un plaidoyer pour la survie du livre imprimé, à une époque où le numérique bouleverse nos habitudes de lecture, en nous proposant ses 100 livres préférés à lire sur papier avant qu’il ne soit trop tard

L’univers : Éditeur, critique littéraire, noceur, cinéaste… Beigbeder s’est lentement, mais sûrement imposé comme un personnage incontournable de la vie médiatico-littéraire française. Arrogant et pédant pour les uns, sa dérision outrageante et sa mauvaise foi font le délice des autres.

La voix : À la fois fanfaron et intelligent, le style Beigbeder est aussi pétillant et moderne que mordant.

Les premières phrases : « Les livres sont des tigres de papier, aux dents de carton, des fauves fatigués, sur le point de se laisser dévorer. Pourquoi s’obstiner à lire sur un objet pareil? Des feuilles fragiles, inflammables, reliées, imprimées, sans batterie électrique? Tu es obsolète, ô vieux livre bientôt jauni, nid à poussière, cauchemar de déménageur, ralentisseur de temps, usine à silence. Tu as perdu la guerre du goût. Les lecteurs de livres en papier sont de vieux maniaques, chaque jour un peu plus vieux, chaque soir plus maniaques. Ils préfèrent caresser un ouvrage qu’ils peuvent respirer, plier, annoter, poser et reprendre, n’importe où, n’importe quand, sans avoir à le brancher sur le secteur. Tragédie de la sénilité. »

La raison de le lire : Parce que, quoi qu’on en dise, on découvre plein de choses, d’anecdotes et d’auteurs dans ce Premier bilan après l’apocalypse. Et puis, parce qu’il donne des munitions aux amoureux de livres en papier pour défendre leur cause devant le numérique.

En un mot : Éclatant.

Éditeur : Grasset – 430 pages – publié en 2011.



 

Le titre : Le cas Sneijder

L’auteur : Jean-Paul Dubois (61 ans ; a remporté le prix Femina 2004 pour Une vie française)

L’exergue : « La partie rationnelle de notre cerveau savait que les accidents sont des accidents et qu’ils ne démontrent que le néant absurde de tout ce qui est, pourtant nous voulons plaquer des grilles de lecture sur ce qui nous entoure, nous entrecroisons des lignes vectorisées qui reviennent toujours à nous, au point de départ, en tout cas au point d’appui d’Archimède qui permet de hisser ce monde lourd, confus, encombré, jusqu’à une forme schématique que nous pouvons traiter. »

John Updike

L’histoire : Seul survivant d’un accident d’ascenseur rarissime dans lequel sa fille a perdu la vie, Paul Sneijder, 60 ans, remet en question le fragile échafaudage sur lequel repose son existence.

L’univers : Sans parler de recette, on trouve dans Le cas Sneijder tous les ingrédients qui font le succès de Jean-Paul Dubois : sombre mélancolie, humour grinçant, regard lucide, mais corrosif sur la famille et la société.

La voix : « Le mieux est l’ennemi du bien », écrit-il, page 16. Ces six mots illustrent très bien le style Dubois. Sobre et simple, Dubois sait taper dans le mille. À l’image de cette autre phrase, page 17 : « Maria Landes rencontra mon père de façon assez logique, pour peu que l’on considère le hasard comme un partenaire attentif et bienveillant dans l’ordonnance de nos existences. »

Les premières phrases : « Je me souviens de tout ce que j’ai fait, dit ou entendu. Des êtres et des choses, de l’essentiel comme du détail, fût-il mièvre, insignifiant ou superfétatoire. Je garde, je stocke, j’accumule, sans discernement ni hiérarchie, m’encombrant d’un accablant fardeau qui en permanence travaille mon âme et mes os. Je voudrais parfois libérer mon esprit et me déprendre de ma mémoire. Trancher dans le passé avec un hachoir de boucher. Mais cela m’est impossible. Je ne souffre ni d’hypermnésie ni d’un de ces troubles modernes de comportement solubles dans le Bromazépam. Je crois savoir ce qui ne fonctionne pas chez moi. Je n’oublie rien. Je suis privé de cette capacité d’effacement qui nous permet de nous alléger du poids de notre passé. »

La raison de le lire : Parce que Jean-Paul Dubois propose à ses lecteurs un univers particulier, sombre et lumineux à la fois, avec lequel il est toujours agréable de renouer. Et parce que l’histoire se déroule à Montréal et qu’il est toujours amusant de découvrir le regard d’un Français sur la société québécoise.

En un mot : Spleenétique.

Éditeur : Éditions de l’Olivier – 218 pages – publié en 2011.

 



 

Le titre : Ouragan

L’auteur : Laurent Gaudé (39 ans ; a remporté le prix Goncourt 2004 pour Le Soleil des Scorta)

Les exergues : « Le vent hélas je l’entendrai encore nègre nègre nègre depuis le fond du ciel immémorial. »

Aimé Césaire, Corps perdu.

« (…) lorsque tout est achevé, on répond avec l’ensemble de sa vie aux questions que le monde vous a posées. Les questions auxquelles il faut répondre sont : Qui es-tu? Qu’as-tu fait? … À qui es-tu resté fidèle? »

Sàndor Màrai, Les Braises.

L’histoire : La Nouvelle-Orléans, 2005. Pendant que l’Amérique bombe le torse en Irak, elle abandonne une partie de sa population pauvre et noire à elle-même. À travers une dizaine de personnages, Ouragan traite d’une catastrophe naturelle et de la capacité des hommes à rester dignes face à la tragédie.

L’univers : Alors que des milliers d’habitants s’éloignent de la ville menacée, d’autres y restent pour affronter la fureur du ciel. C’est le cas de cette vieille négresse aux épaules fatiguées, mais fières. De cette mère qui élève seule son petit garçon qu’elle peine à aimer. De son ancien amoureux qui se décide, malgré l’imminence du désastre, à la retrouver. Et puis, il y a ce taulard qui parvient à s’évader de sa prison avec d’autres détenus et ce révérend illuminé qui espère prouver à quel point il peut servir Dieu à l’occasion de ce cataclysme…

La voix : C’est un roman choral dans lequel Laurent Gaudé donne une voix à des personnages qui n’en ont habituellement pas dans notre société. À des êtres humains aux prises avec une nature déchaînée.

Les premières phrases : « Moi, Josephine Linc. Steelson, négresse depuis presque cent ans, j’ai ouvert la fenêtre ce matin, à l’heure où les autres dorment encore, j’ai humé l’air et j’ai dit : “Ça sent la chienne.” Dieu sait que j’en ai vu des petites et des vicieuses, mais celle-là, j’ai dit, elle dépasse toutes les autres, c’est une sacrée garce qui vient, et les bayous vont bientôt se mettre à clapoter comme des flaques d’eau à l’approche du train. C’était bien avant qu’ils en parlent à la télévision, bien avant que les culs blancs ne s’agitent et nous disent à nous, vieilles négresses fatiguées, comment nous devions agir. »

La raison de le lire : Pour la voix unique de la vieille Josephine et de tous les autres. Et pour ne pas oublier le passage de Katrina, ce drame humain qui fit 1836 victimes et disparus à La Nouvelle-Orléans, dont une majorité de Noirs, qui avaient le malheur d’habiter les quartiers pauvres (donc négligeables) de cette ville surnommée The Big Easy.

En un mot : Soufflant.

Éditeur : Actes Sud – 189 pages – publié en 2010.

 

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