Presque personne ne le connaît. Mais, grâce à lui, le Québec récupère chaque année 5,5 millions de kilos de meubles, de vêtements, de vaisselle, d’accessoires. Et permet à 200 personnes de se refaire une vie.
Il y a les pubs mettant en vedette Marc Labrèche ou Guylaine Tremblay. Il y a les 11 magasins Fripe-Prix et les 3 librairies. Les 13 centres de don et les 90 cloches où on peut aller porter les trucs qui encombrent nos armoires. Mais Renaissance, c’est beaucoup plus. C’est la réalisation d’une idée, conçue et mise en œuvre par Pierre Legault et qui, depuis 1994, change la vie de milliers de gens.
Drôle de bonhomme. Il a du talent comme dix et un leadership d’enfer. Tout ce qu’il faut pour faire comme ses amis, brasser de grosses affaires et gagner beaucoup d’argent. Mais ça l’ennuie. Ce qui l’allume, lui, c’est d’aider les gens.
Tout a commencé à cause d’une petite Nathalie, placée au centre d’accueil où il était psychoéducateur. Un dimanche soir, elle est revenue en crise d’une fin de semaine passée dans sa famille : sa mère avait vendu son lit pour pouvoir acheter à manger. Il s’est dit que ça n’avait pas de sens. Et a décidé de faire quelque chose.
Le quelque chose a été Moisson Montréal. Les débuts ont été plus que modestes. « On allait chercher des restes de patates pilées à l’Hôpital Saint-Luc pour ensuite les porter à l’Accueil Bonneau », raconte-t-il. C’était en 1984. Aujourd’hui, Moisson Montréal, qui récupère et redistribue chaque année l’équivalent de 40 millions de dollars de nourriture, est devenue la plus grosse banque alimentaire au Canada. Mais il y a longtemps que Pierre Legault en est parti.
« Les banques alimentaires, c’est une nécessité, explique-t-il. Mais c’est un poisson. Moi, je voulais la canne à pêche... En 1990, mon conseil d’administration m’a garanti six mois de salaire – j’avais six jeunes enfants –, et je suis allé fonder Renaissance. »
Son idée : faire d’une pierre trois coups. Un : recueillir, dans des centres de don, des biens utilisables. Deux : les revendre à bas prix à travers une chaîne de magasins (les Fripe-Prix). Trois : embaucher des gens capables mais mal pris, les aider à réintégrer le marché du travail. Près de la moitié des 400 emplois de Renaissance sont occupés par ces « apprentis ».
« Celui qui est au chômage depuis des années pense qu’il ne vaut plus rien, dit-il. Nous, dès le deuxième jour, on le met au boulot. Il reçoit un salaire, il quitte l’aide sociale. On lui donne des défis atteignables, il les pulvérise. Il se reconstruit une estime de soi. Après quelques mois, il va se trouver un boulot ailleurs. On a fait notre job. »
Ce miracle est arrivé plus de 2 600 fois depuis 1994. « C’est rentable pour tout le monde, dit Pierre Legault. Un assisté social coûte environ 8 000 $ par an à l’État. Le remettre au travail coûte 16 000 $ au total. Ensuite, il travaille, paie de l’impôt. L’État récupère son investissement en moins de deux ans. »
Plusieurs disent que Renaissance est un modèle pour le 21e siècle. « Dégager une marge de profit, c’est bien. Mais pourquoi ne se donnerait-on pas aussi des objectifs humains, des objectifs écologiques ? »
Pierre Legault n’a pas 60 ans, ses enfants sont grands, ses petits-enfants poussent. Il compte continuer à faire progresser Renaissance. Mais il a quand même d’autres idées : « Je rêve de mettre sur pied un parc d’attractions avec des activités qui aideraient les enfants à développer leur sensibilité, leur lien avec la nature, une forme de spiritualité. Je ne sais pas vraiment. Mais c’est une idée qui me revient souvent... »
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louise.gendron@chatelaine.rogers.com
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