Permettez que je revienne sur une petite nouvelle qui m’a fait bondir samedi. On hésite à accoler le nom de Roland Giguère à la maison des arts et lettres d’Ahuntsic qui ouvrira ses portes en 2013.
La raison invoquée par la Commission scolaire de Montréal? Le poète (et peintre) s’est suicidé en 2003, dans la rivière tout près, en plus.
J’ai relu le paragraphe deux fois pour être certaine que je n’avais pas la berlue. On excommuniait les suicidés autrefois, les envoyant aux limbes directement puisqu’ils n’avaient pas le droit d’être enterrés dans le cimetière auprès des pratiquants et des repentis, des souffrants et des méchants, des riches et des manants.
« Mauvaise image » avance la représentante chargée du dossier.
C’est drôle, j’ai tout de suite pensé à cette toile de Roland Giguère (cadeau d’une amie qui l’a connu) que j’ai chez moi et au dos de laquelle on peut lire un petit mot de la main de Gérald Godin et Pauline Julien, daté du 25 juin 1990. La lithographie s’intitule « Cavalier seul« …
Et je me suis demandé si quelqu’un hésiterait à donner un prix « Pauline-Julien » parce que la chanteuse s’est suicidée. Poser la question, c’est y répondre.
La poésie est encore le parent pauvre du suicide.
M LE MAUDIT
Il habite une maison de mots sanglants
au coin de sa solitude
une maison de mots meurtris par l’habitude
il vocifère sous sa lampe de chevet
il s’étale se déploie se brise en mille morts
pendant qu’on s’acharne au pied de la lettre
il louvoie dans la forêt des symboles
attaqué par les mythes
troué de toutes parts
dévoré par les signes
il agonise en couleurs dans sa nuit blanche
Roland Giguère, Forêt vierge folle, 1988