Le titre : Retour à Killybegs
L’auteur : Sorj Chalandon (59 ans)
L’exergue : « Savez-vous ce que disent les arbres lorsque la hache entre dans la forêt? Regardez! Le manche est l’un des nôtres! » Un mur de Belfast.
L’histoire : Comment devient-on traître? La vie d’un ancien leader de l’IRA (Irish Republican Army), devenu agent double au profit des Anglais, est décortiquée de son enfance misérable jusqu’au jour où il est assassiné par ses camarades.
L’univers : La belle et rude Irlande en guerre, avec ses pubs, ses attentats, ses prisons et sa mer houleuse, sert de cadre à ce livre, où l’auteur, qui connaissait très bien le traître, donne la voie à l’ami qui l’a trahi. Pas pour le pardonner. Mais pour chercher les raisons qui poussent un homme à la trahison.
La voix : Le « Je » du traître narrateur est sobre et incisif, très près de ses émotions. « Pour écrire Retour à Killybegs, je me suis glissé deux ans dans la peau d’un traître », raconte l’auteur. Un tour de force que cet ancien journaliste à Libération, aujourd’hui au Canard enchaîné, réussit haut la main.
Les premières phrases : « Quand mon père me battait, il criait en anglais, comme s’il ne voulait pas mêler notre langue à ça. Il frappait bouche tordue, en hurlant des mots de soldat. Quand mon père me battait, il n’était plus mon père, seulement Patraig Meehan. Gueule cassée, regard glace, Meehan vent mauvais qu’on évitait en changeant de trottoir. Quand mon père avait bu, il cognait le sol, déchirait l’air, blessait les mots. »
La raison de le lire : Parce que c’est le roman réel d’une amitié fauchée en plein vol. Parce que, même romancée, cette histoire sort des tripes de Sorj Chalandon, qui est au sommet de son art.
En un mot : Tragique.
Éditeur : Grasset – 334 pages.
(Par Luc Bouchard)