Chroniqueuse du mois

Aidons-nous entre mères plutôt que de sans cesse nous juger!

Isabelle partait pour une longue fin de semaine avec sa famille. Mais juste avant, cette mère à la maison terminait quelques courses. C’est à ce moment que la crise a commencé…

Photo: iStock.com/Paffy69

À l’épicerie, deux de ses quatre enfants se sont mis à hurler devant les regards ébahis des clients. À la caisse, la file était longue, interminable. Et les deux enfants qui continuaient à hurler et à se frapper. La situation était si insoutenable que cette maman a craqué, là, en public. Des larmes roulaient sur ses joues. Elle avait envie d’être seule. À cet instant, elle n’avait plus envie de vivre son rôle de maman, un rôle qui pourtant la comble de bonheur.

C’est alors qu’une caissière l’a vue et lui a offert de passer à une autre caisse. Devant tout le monde. Elle a demandé à Isabelle si elle avait besoin d’aide. Elle lui a aussi dit de ne pas lâcher. «J’ai senti la compassion, l’entraide et la compréhension. J’ai senti le village», dit Isabelle qui se remémore les faits.

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Ça prend un village…

 Le fameux village! Au-delà du soutien concret pour garder les enfants, les parents ont besoin d’un grand village compatissant. «Je n’ai pas besoin de me faire dire que je suis bonne, que je devrais les envoyer à la garderie pour avoir une pause ni même que je me trouve du temps pour moi (qui est une autre chose à planifier). J’ai besoin de compassion, d’entraide et de compréhension», précise Isabelle.

En fait, elle exprime tout haut ce que plusieurs parents souhaitent aussi : une validation de leurs émotions. Parce que des fois, la parentalité, c’est dur. Même si on aime nos petits anges cornus jusqu’au bout des ongles, être parent nous donne parfois du fil à retordre. Entre le beau et le difficile, les sentiments se confrontent. Comment aimer autant tout en voulant fuir ?

Une amie d’enfance me racontait que lorsqu’elle est devenue mère, elle a confronté sa propre mère. Elle ne comprenait pas comment sa mère avait pu supporter les enfants sans broncher, sans pleurer, sans être découragée. Sa mère, à la maison depuis toujours, lui a avoué avoir parfois hurlé le visage enfoui dans un oreiller. Soulagement. Mon amie se sentait normale, comprise, entendue dans ses émotions contradictoires.

Un peu solidarité s.v.p.!

La solidarité qu’a vécue Isabelle à l’épicerie n’est pas qu’une anecdote. Les réseaux sociaux mettent à l’occasion la lumière sur ces actions. Ça me fait d’ailleurs penser à ce cercle de mères à l’aéroport de Los Angeles dont on a tant parlé. Des femmes ont spontanément aidé une mère enceinte qui voyageait seule avec son petit garçon en pleine crise – en larmes, elle était complètement anéantie par les agissements de son petit. L’une s’est mise à chanter une chanson à l’enfant, l’autre lui a offert un fruit, une dame s’est occupée de la jeune maman…

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Récemment, j’ai expérimenté cette solidarité maternelle. J’étais au Salon de l’apprentissage avec mes deux enfants, en avril dernier. Il était passé 13 h. Mon fils avait faim. Il était aussi surstimulé par tout le bruit et les gens autour. Il n’écoutait plus. Je savais que la crise s’en venait.

Il m’a lancé ses souliers. Il criait et ne voulait plus m’entendre. Et là, une femme est venue lui parler doucement. Elle lui a demandé son nom. Elle lui a demandé si elle pouvait conserver le soulier qu’il venait de lancer. Elle lui a demandé si elle pouvait avoir l’autre… Et il l’a écouté. Il a ri. Il s’est calmé.

Je l’ai remerciée. «J’en ai aussi. Je sais…», m’a-t-elle dit.

Une main tendue

J’ai senti à ce moment une main tendue, une solidarité toute maternelle. Je l’ai remerciée à nouveau, abasourdie par tant de bonté. Je comprends ce qu’Isabelle a ressenti. C’est un geste qui dit : « Je te comprends », « Je suis avec toi ». Un geste qui permet de croire qu’il existe encore une parcelle de ce village dont les parents rêvent tant.

On n’a pas toujours le réflexe de demander de l’aide dès l’apparition des difficultés. Souvent, on attend d’être à bout, et même là… Et si, collectivement, on était plus attentif à ce qui se passe autour de nous? Et si on regardait avec notre cœur pour tendre la main?

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Chroniqueuse du mois

Journaliste dans l’âme et mère curieuse de deux tannants de quatre et sept ans, Mariève Paradis est éditrice de Planète F Magazine depuis 2014. La maternité lui a fait redécouvrir la société dans laquelle elle vit, à travers le prisme de la parentalité. Récipiendaire de deux prix en journalisme, d’un diplôme d’honneur de l’Université de Montréal et d’une médaille d’argent d’éditrice indépendante de l’année 2016 aux Canadian Online Publishing Awards, elle aime réfléchir sur les enjeux de société qui jalonnent son parcours de parent.

Les opinions émises dans cet article n’engagent que l’auteure et ne reflètent pas nécessairement celles de Châtelaine.

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