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Opinions

Les fantômes du devoir conjugal

Pourquoi est-ce que je me sens encore coupable de refuser les avances de mon chum?
Mélanie Couture
Les fantômes du devoir conjugal Photo: iStock.com/Gilaxia

Un soir, fatiguée, couchée en cuillère avec mon chum à jaser de grand ménage, je l’ai senti durcir sur mes fesses… Mon premier réflexe a été de penser: « Ah oui? Pendant qu’on parle fenêtres sales? » Ensuite je me suis dit, c’est vrai qu’elles sont accueillantes, mes fesses, et enfin, je me suis sentie responsable de la suite des événements, responsable de son érection. Comme si le laisser en plan faisait de moi une personne sans compassion, une méchante.

Pourtant, c’était une érection, pas une suffocation! Son pénis n’allait pas mourir étouffé si je ne faisais rien. Savez-vous ce qui arrive au pénis en érection quand on n’y touche pas? Il redevient flasque. Simple de même.

J’ai un bac en sexologie et je suis en couple avec un homme qui ne me montre aucun signe de frustration si je refuse ses avances. Parfois, c’est moi qui dis non, parfois c’est lui. Alors pourquoi ai-je encore ce petit sentiment de culpabilité quand c’est moi qui refuse?

Parce que, en tant que femme, j’ai appris à plaire et ça ne date pas d’hier.

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L’influenceur le plus populaire au Québec – le curé – a eu ses jours de gloire de la fin des années 1800 jusqu’à la Révolution tranquille. Y’avait du monde à messe, le clergé rappelait constamment aux couples de faire leur devoir conjugal et les femmes étaient perçues par l’Église comme des usines à fabriquer de futurs fidèles.

« Ça fait longtemps que vous n’avez pas été engrossée, madame Tremblay. Il ne faut pas décevoir Dieu ni votre mari… Votre plus jeune a un an, c’est pour quand le onzième? » — Des centaines de curés en 1890 au Québec

C’était l’époque où la sexualité était contrôlée par des hommes en soutane et où les femmes devaient se soumettre aux envies de leur mari. Même si certaines étaient rebelles et indépendantes, quand le pouvoir martèle que toutes les femmes doivent être soumises, ça laisse sa trace sur un gâteau, comme dirait Passe-Montagne.

Cent trente ans plus tard, je constate que cette trace s’est étendue jusque dans mon lit. Cette responsabilité que je ressens devant le pénis au garde-à-vous, c’est le devoir conjugal 2.0. Pourtant, la sexualité est un partage, une expérience, un privilège, une satisfaction mutuelle. Ce n’est pas une obligation. Personne ne possède un droit acquis sur le corps de l’autre parce qu’il ou elle est en couple.

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Alors, maintenant, chaque fois que je dis non, je botte le clergé en bas de mon lit. Je me rappelle que c’est normal que mon chum ait des érections même si on parle de fenêtres sales, ensuite je pense à toutes les fois où il a dû en avoir en mon absence et où il a su gérer sa tumescence. C’est un homme intelligent, il sait prendre soin de son corps sans que rien n’explose. Et il sait surtout que mon refus signifie que c’est seulement partie remise… 

Les fantômes du devoir conjugal Photo: Marie-Ève Rompré

L’humoriste et bachelière en sexologie. Mélanie Couture poursuit sa tournée du Québec avec Pure Couture, son premier one woman show. Elle a aussi deux romans à son actif: 21 amants (Recto-Verso) et À la conquête du clan (Les Éditions de l’Homme).

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À lire aussi: Sexe: le devoir conjugal existe-t-il encore?

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