L'édito

Parlons d’argent

Pour notre numéro de septembre, difficile de trouver trois femmes qui affirment haut et fort qu’elles aiment l’argent… Et pourtant, nous sommes nombreux à en vouloir plus, du cash, écrit notre éditrice Sophie Banford.

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Pour ce numéro, je rêvais d’une page couverture qui aurait annoncé : « Elles aiment le cash et elles s’assument. » Mais, problème : une seule des trois filles affirme haut et fort aimer l’argent…

Et pourtant. Que celui ou celle qui n’aime pas l’argent se lève. On en veut toujours plus. Qui n’a jamais rêvé de ce qu’il ferait s’il gagnait un gros lot ? Des milliers de livres sur « l’art de faire de l’argent » ont été publiés et se vendent encore par millions d’exemplaires. Tôt ou tard, on négocie pour obtenir un meilleur salaire ou on change d’emploi pour jouir de meilleures conditions. Les entrepreneurs d’ici vendent à des capitaux étrangers quand ils offrent davantage. Et les employeurs changent de fournisseurs pour diminuer leurs coûts et ainsi faire plus de profits.

Le problème avec le cash, outre les inégalités sociales, bien sûr, c’est ce qu’il représente. Parce que c’est un puissant révélateur. Il fait ressortir nos travers, l’envie, l’égoïsme, l’avarice, la complaisance. Vous savez de quoi je parle et vous avez probablement déjà des exemples en tête : au travail, en couple, entre amis, en famille… L’argent se classe d’ailleurs parmi les trois principales sources de conflit dans le couple, et au premier rang des disputes familiales.

Personnellement, je déteste l’argent quand il sert de repère social, d’unité de mesure de notre valeur comme individu. Le publicitaire français Jacques Séguéla a déjà déclaré : « Si tu n’as pas de Rolex à 50 ans, tu as raté ta vie. » PA-THÉ-TI-QUE. Un con, c’est un con. Riche ou pauvre. Le plaisir que j’ai à côtoyer quelqu’un n’a rien à voir avec la Maserati ou la Toyota qu’il conduit.

Je méprise ceux qui se sentent supérieurs en raison de l’épaisseur de leur portefeuille.

Et j’évite ceux qui croient que tout s’achète, y compris l’amour, le bonheur et le fun.

Je comprends cependant tous ceux qui utilisent l’argent pour ce qu’il est, soit un outil de liberté. Et j’admire ceux qui le partagent, ceux qui en font abstraction dans le choix de leurs amis. Ceux-là, et particulièrement ceux qui ont travaillé d’arrache-pied pour se donner cette liberté, je m’en inspire.

Ayant travaillé l’été comme gardienne d’enfants dès l’âge de 13 ans, pendant que mes amies étaient au camp, j’ai goûté tôt au plaisir de consommer. Chaque vendredi, j’allais au dépanneur chercher les nouvelles aventures d’Archie que j’accompagnais de sacs de bonbons à un cent, choisis avec minutie. C’était le meilleur moment de la semaine : lire mes BD en avalant 20 doses de sucre.

Je me souviens très bien de l’émotion associée à mon pouvoir d’achat : le bonheur de faire ce que je voulais de ma paie, sans avoir à attendre après qui que ce soit. Sans avoir à le demander. Un sentiment d’indépendance auquel je suis restée accrochée.

Je n’ai jamais cessé d’aimer l’argent, ou plutôt ce qu’il me permet de faire : voyager en famille, faire des escapades au resto, voir des spectacles, manger de la crème glacée à la tire d’érable du Bilboquet.

Et, oui, j’en prendrais plus. Ce qui me permettrait de louer des villas dans de magnifiques endroits et d’y inviter famille et amis pour les vacances. Je subventionnerais des gens qui veulent s’en sortir. Je donnerais davantage à la Fondation du Dr Julien.

Alors je me garde de juger ceux qui osent dire qu’ils aiment l’argent. Mais je n’excuserai jamais ceux d’entre eux qui manquent de générosité ou qui se montrent « mauvais gagnants » en exhibant leur richesse pour se démarquer des autres.

De toute façon, on est tous le riche de l’un et le pauvre de l’autre.

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