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L'édito

Parlons-en!

Les réflexions de notre rédactrice en chef adjointe sur la Charte des valeurs.
Par Crystelle Crépeau
crystelle-crepeau-400 Photo : Maude Chauvin

Bon, c’est officiel : on connaît maintenant l’ordre du jour des malaises de nos prochains partys de famille. Si les carrés rouges ont soufflé sur les braises de la dissension, la fameuse Charte des valeurs l’enflammera littéralement. On voit déjà le beau-frère, l’apéro à peine terminé, décréter un éloquent « Si y sont pas contents, qu’ils retournent chez eux ! » et la cousine devenir hystérique en lui tapant sur la tête à coups de Charte canadienne des droits et libertés. Ouf, je suis épuisée à l’avance.

Mais vivre dans une démocratie, c’est aussi ça. C’est accepter qu’un problème qui n’en est pas nécessairement un pour nous fasse l’objet d’un débat public – voire d’une réglementation –, même s’il ne montre pas le côté le plus reluisant de notre société et qu’on aimerait bien le cacher au reste du monde, comme un petit frère dont on a un peu honte.

Si une part importante de la population québécoise s’inquiète des conséquences que pourrait avoir la présence de plus en plus marquée d’immigrants qui placent la religion au sommet de leur échelle des valeurs, il faut en parler. Si ces gens réclament que leur gouvernement établisse des balises claires pour encadrer le port de symboles religieux, il faut les entendre. À quoi sert de vivre dans une démocratie si on ne peut remettre en question ce qui, jusqu’ici, était considéré comme admis ?

Et, non, le fait que de nombreuses voix en faveur de la Charte proviennent de régions où on ne s’enfarge pas dans les hijabs n’est pas un argument pour faire avorter le débat. Qui s’offusque quand un Montréalais qui n’a vu que du bitume s’inquiète d’un projet hydroélectrique à Péribonka ? Les valeurs protégées par l’État, tout comme nos ressources naturelles, sont des questions qui dépassent largement le quotidien de chacun.

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Pour déterminer si le Québec doit prendre la route du statu quo ou aller ajouter des paragraphes à son contrat social, nous devons nous donner le droit d’élucider la question. De s’obstiner un peu – c’est inévitable – mais, surtout, d’exposer dans l’espace public des points de vue mesurés et des faits.

En tant que citoyenne, j’ai besoin de savoir ce qui se fait ailleurs dans le monde (et pas seulement en France, de grâce). Des pays, des villes et des cantons composent avec cette réalité depuis bien plus longtemps que nous. Certains ont voté des lois pour encadrer le port de signes religieux, quelques-uns se sont par la suite rétractés. Pourquoi ?

Je veux aussi avoir l’heure juste sur les fameux accommodements raisonnables. Demeurent-ils marginaux ? De quelle façon une législation pourrait-elle faciliter leur gestion ? Est-il vrai que les profs ne savent plus où donner de la tête ?

J’ai besoin qu’on me rappelle le combat qu’a mené le Québec pour obtenir l’égalité hommes-femmes, mais aussi d’entendre celles pour qui une loi aurait des conséquences néfastes. On nous dit que beaucoup de femmes se retireraient du marché du travail, alors que d’autres y verraient un levier pour s’affranchir. Qu’en est-il réellement ? Ce n’est pas en cristallisant le débat autour de deux camps que nous aurons toute l’information nécessaire pour prendre une décision éclairée. Ni évoluer et, qui sait, changer d’idée sur cette question explosive.

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Et puis, tiens, commençons donc par nous assurer que chacun comprenne bien les trois piliers sur lesquels repose la Charte, telle que proposée (des règles claires pour encadrer les demandes d’accommodements, les valeurs québécoises et la neutralité religieuse de l’État). Je me rends tout de suite à nosvaleurs.gouv.qc.ca et j’en imprime quelques copies pour le beau-frère et la cousine.

Des réactions ? N’hésitez surtout pas à m’écrire ! redaction@chatelaine.rogers.com

À lire et à voir : Châtelaine a demandé à quatre jeunes femmes aux points de vue différents de s’asseoir ensemble et d’établir « leur » charte.

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