L'édito

Pensionnats autochtones : des enfants qu’on ne peut oublier

La question autochtone ne soulève pas les passions au cours de la présente campagne électorale. Et pourtant ! La société et les gouvernements doivent s’attaquer à cet enjeu surtout depuis la découverte de sépultures non identifiées près d’anciens pensionnats autochtones, cet été, croit notre rédactrice en chef, Johanne Lauzon.

 

Pensionnats autochtones

Photo : La Presse Canadienne/Sean Kilpatrick

Des fleurs, des peluches et de petites chaussures de toutes les couleurs. La photo, prise devant le pensionnat de Kamloops, en Colombie-Britannique, frappe par sa symbolique. La découverte des sépultures non identifiées de 215 enfants autochtones à cet endroit, puis de 751 autres à Marieval, en Saskatchewan, en a secoué plus d’un, cet été.

Comment a-t-on pu arracher à leur mère et à leur père plus de 150 000 enfants et les enfermer dans des « écoles » où ils subissaient des sévices sexuels, de la maltraitance et de la malnutrition ? Érigés en système, les pensionnats autochtones ont scolarisé et évangélisé des jeunes de 4 à 16 ans de 1831 à… 1996. Vous avez bien lu : cela a duré 165 ans !

Comment a-t-on pu ainsi adopter une politique visant à assimiler les nations autochtones – et à les faire disparaître – en violentant autant de jeunes pendant 165 ans, du Yukon à la Nouvelle-Écosse en passant par le Québec et l’Ontario ? Nos gouvernements ont des comptes à rendre. Ils doivent reconnaître le génocide qu’ils ont perpétré avec la complicité des congrégations religieuses. Le Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR) a dénombré plus de 4 100 enfants morts dans ces 139 pensionnats – mais ce nombre est en deçà de la douloureuse réalité puisque les registres sont incomplets. Une imprécision inacceptable.

Comment a-t-on pu laisser des générations et des générations de Québécois et de Canadiens dans l’ignorance de la réalité des Premières Nations, des Inuits ou des Métis ? J’ai honte d’en connaître si peu sur eux. Je cherche d’ailleurs à faire du rattrapage en explorant leurs œuvres, en lisant des romans, des essais et des reportages sur leurs réalités – Espaces Autochtones, un site d’information de Radio-Canada, est d’ailleurs l’une de mes sources privilégiées.

Comment a-t-on pu dresser ce mur d’incompréhension entre les Blancs et les Autochtones ? Il est primordial que la société et l’État reconnaissent enfin les injustices qu’ont subies – et subissent encore – ces derniers, et l’invisibilité dans laquelle ils ont été maintenus. Et que dire de leurs conditions de vie ? Plusieurs résident encore dans des villages sans eau potable ni électricité.

Les élèves et étudiants québécois doivent y être sensibilisés. À quand un programme national d’échanges pour les jeunes ? À l’école primaire et secondaire comme au cégep, l’ajout de cours portant sur l’histoire, la culture et les langues des 11 nations autochtones du Québec est plus que nécessaire.

Des liens sont à tisser entre nous. Comme le dit dans nos pages l’anthropologue Marie-Pierre Bousquet : « Il y a des étapes à suivre. Ça commence par l’éducation, puis il faudra trouver une forme de réparation avant de chercher à se réconcilier. Ce processus exigera beaucoup de temps, car on ne peut pas se réconcilier avec quelqu’un qu’on ne connaît pas. » (À lire dans notre numéro de septembre/octobre en page 30.)

Saluons enfin la grande résilience de nos compatriotes autochtones. Et taisons-nous pour mieux les entendre, les écouter. Ils sauront nous guider.

 

Des lectures pour mieux connaître l’autre

Des essais et des récits qui m’ont accompagnée au cours des dernières semaines.

En suivant Shimun, par Laure Morali, Boréal. D’origine française, l’autrice nous amène avec elle au-delà de la route, sur la Côte-Nord, en terre innue et nous convie à une rencontre fascinante avec Shimun, un sage nomade qui a fait de la forêt sa maison.

« C’est le Québec qui est né dans mon pays ! » – Carnet de rencontres, d’Ani Kuni à Kiuna, par Emmanuelle Dufour, Écosociété. La quête d’une jeune Québécoise qui cherche à mieux comprendre son lien aux 11 nations autochtones et nous met face à notre propre méconnaissance. Une bd très pertinente.

Renouer avec la Terre et tout ce qui nous unit – Pour trouver notre voie, par Tanya Talaga, traduit par Catherine Ego, XYZ. La chroniqueuse ojibwe du Globe and Mail propose ses réflexions d’une grande lucidité pour mieux réparer le passé. Tant d’événements et de lieux ont cherché à détruire les cultures et les langues autochtones depuis la Nouvelle-France jusqu’à nos jours.

Petit traité sur le racisme, par Dany Laferrière, Boréal. L’académicien y va d’un lumineux bouquin pour aborder la question du racisme. Avec sa verve habituelle et son intelligence pétillante, il nous fait voir le monde sous un angle nouveau. Voilà une lecture essentielle.

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