L'édito

Quand cesserons-nous de nous indigner pour rien?

L’heure est à la colère. On s’indigne pour un oui ou pour un non. Qu’a-t-on fait de la compassion et de la tolérance?

Photo: iStock.com/Agrobacter

Je m’indigne, donc je suis. L’époque est à l’indignation. On est devenus si chatouilleux qu’on n’entend plus à rire.

Des exemples dont j’ai été témoin récemment? À un carrefour, une automobiliste passe au feu rouge et s’offusque – le majeur bien dressé! – devant le concert de klaxons. Dans un resto, un homme s’impatiente outre mesure alors que l’attente est plutôt raisonnable. Au bureau, une collègue s’enflamme contre l’emploi d’un mot inoffensif dans un échange de courriels…

Ces anecdotes illustrent bien ce réflexe que nous avons d’être outrés en permanence. De cette colère latente parsemée de condescendance et de sentiment d’injustice qui occupe toute la place publique – et qui ébranle nos espaces privés. « Des événements les plus graves aux plus dérisoires, tout est en effet sujet à indignation. Tout devient sérieux, pesant, insupportable », peut-on lire sur le site de France Culture en guise d’introduction à une émission radio sur le sujet.

Est-ce l’influence des réseaux sociaux, où chacun crie haut et fort ce qu’il pense, ce qu’il ressent? Et tant pis si cela blesse autrui.

« L’indignation de leurs utilisateurs est un des carburants qui font tourner Twitter ou Facebook. Elle est recherchée et encouragée par ces multinationales, car elle est au cœur même du fonctionnement des plateformes qu’elles ont créées. Le contenu à fort quotient émotionnel génère le plus de likes, de commentaires, de partages – une des émotions qui rapportent le plus est la colère », écrit avec à-propos Luc Vinogradoff, chroniqueur au quotidien français Le Monde.

Parfois, aussi, l’indignation actionne un moteur extraordinairement puissant: l’effet qui s’ensuit peut changer le monde. On n’a qu’à penser à #MoiAussi, qui a transformé le rapport entre les femmes et les hommes – ceux qui, du moins, se croyaient tout-puissants. Mais ces mouvements portés par la fureur citoyenne doivent s’accompagner de valeurs humanistes fortes, comme l’indulgence, la tolérance et la compassion.

Sinon, à quoi bon?

Il est inutile de nous insurger contre des peccadilles. Gardons nos énergies pour lutter contre les multiples formes de discrimination en nous ouvrant notamment aux personnes « jugées » différentes – qu’elles soient issues de la diversité sexuelle, de l’immigration, des peuples autochtones ou qu’elles affichent un handicap.

Il est grand temps d’ouvrir nos bras. Et de cesser de nous « pomper » pour rien.

C’est ce que je nous souhaite pour la prochaine décennie.

Johanne Lauzon, rédactrice en chef

Écrivez-moi à  johanne.lauzon@stjoseph.com

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