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Un mercredi soir, près de chez vous…
— Chum Fils a une « classe neige » la semaine prochaine ; on doit remplir la fiche d’autorisation ce soir. Et Fillette avait oublié de nous dire qu’elle doit apporter un dessert pour une fête à l’école demain. Pas d’arachides ni de trucs emballés individuellement – pas assez écolo.
— Moi Cibolac… Coudonc, est-ce qu’on a fait une brassée de blanc cette semaine ? Je ne trouve plus mon p’tit chandail… tsé, mon p’tit chandail ?
— Chum (ne pigeant pas de quel chandail je parle) Pas vu… Filleeeeeettte, sandwich au jambon ou reste de couscous dans ton lunch ? […] OK, mais tu le manges, cette fois, hein ?
— Moi Fils, cinq minutes et c’est la routine du dodo. […] Change-de-ton-immédiatement, sinon remplace « cinq minutes » par « maintenant » !
— Chum Monsieur Placements a encore laissé un message. Il faut vraiment qu’on cotise plus à nos REER si on veut prendre notre retraite avant d’entrer au CHSLD. Il veut savoir quand on peut le rencontrer.
— Moi Ar-ke ! Il n’y a aucun moment de libre dans ma vie pour monsieur Placements. De toute façon, au rythme où ça va, le concept de retraite va devenir un souvenir folklorique d’ici 20 ans. J’ai déjà prévu mourir sur mon clavier d’ordi…
— Chum Tu peux toujours appeler madame Impôts pour savoir combien ton déni va te coûter cette année.
— Moi [grognements] OK, jeudi soir. Fiiiiils, c’est l’heure !
J’ai parfois l’impression d’être coprésidente d’une PME conjugale, comme si Chum et moi gérions une petite business. À notre ordre du jour : un nombre effarant de discussions « transactionnelles » et de préoccupations domestiques. Dans notre cas, il s’agit d’enfants, pour d’autres, ce sont des parents vieillissants, deux carrières ultra-exigeantes, une situation financière difficile, ou tout ça à la fois ! Entre les obligations, le partage des tâches, les soucis et le devoir de se mettre d’accord sur tous les enjeux communs, comment garder la jauge Bonheur et Plaisir à un niveau acceptable ?
C’est LA grande question. Pas pour rien que le thème « couple » a toujours la cote dans les soupers de filles et autour de la machine à café du bureau. On ventile, on s’enthousiasme, on pose des questions pour savoir comment les autres y arrivent. Qui plus est, il y a toujours dans l’air l’option « rupture de contrat » dont on peut se prévaloir à tout moment.
Vivre à deux est donc un choix sans cesse renouvelé et qui n’a jamais été aussi compliqué. C’est d’ailleurs la prémisse de l’essai Oser le couple – Les clés de la vie à deux, de la psychologue Rose-Marie Charest et du sociologue français Jean-Claude Kaufmann (Armand Colin). « Sommés de réussir notre relation amoureuse comme le reste de notre vie, nous attendons beaucoup de la vie à deux : pas question de vivre un bonheur tiède […] L’attente de la durée a été remplacée par l’attente de la qualité », écrivent-ils.
Et comme si ce n’était pas déjà assez complexe, il faut ajouter à notre obsession de la satisfaction celle d’assouvir nos besoins personnels d’abord, un autre concept bien de notre temps. « Autrefois, la société et les institutions structuraient l’individu. Aujourd’hui, l’individu-roi est au centre et impose sa loi », souligne Jean-Claude Kaufmann.
En somme, on se bâtit d’abord le « moi » avant de construire une rallonge vers le « nous » en prenant bien soin de ne pas ébranler la fondation du bâtiment principal dans les rénos. Ce qui n’est pas mauvais en soi, dans une certaine mesure, mais augmente certainement le coefficient de difficulté. Et fait des histoires de couples un sujet plus passionnant que jamais.
Crystelle Crépeau, rédactrice en chef adjointe
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