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Lysa Jordan, le triomphe des couleurs

Les femmes qui m’inspirent ont le cœur grand ouvert, et l’esprit encore plus. Elles sont authentiques et passionnées, mais ce qui m’émeut surtout, c’est cette force tranquille qui les habite. Voici l’histoire de l’une d’entre elles: l’artiste Lysa Jordan.

Chroniqueuse du mois

 

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Photo: Sergio Castano

Quand, par hasard sur Instagram, j’ai découvert les œuvres de Lysa Jordan, j’ai été charmée. Sa technique, ses choix de couleurs, le mélange des médiums… j’aimais tout!

Le deuxième coup de cœur que j’ai eu, c’est quand je l’ai rencontrée.

Lysa se tenait debout à côté de sa table, une boutique éphémère aménagée à l’entrée de Pottery Barn, au Quartier DIX30. Ça prenait une artiste bien fascinante pour me faire sortir de mon Plateau chéri, en voiture, un samedi matin.

Lysa est très jolie. Je ne le savais pas parce qu’on ne la voit jamais sur ses photos. «Je n’aime pas trop me mettre de l’avant», explique-t-elle, ce qui rend son ascension d’autant plus impressionnante, quand on sait que l’autopromotion est le premier (et souvent le seul!) moyen de se faire connaître comme artiste peintre. Mais Lysa captive par sa force tranquille, sa lumière et, surtout, sa grande sensibilité.

En dix minutes, j’ai eu le temps d’hésiter entre deux toiles que j’adorais, d’acheter la plus grande (je vis de démesure) et de discuter avec elle de sa démarche. Je lui glisse que son histoire me fait étrangement penser à celle de Raphaëlle, le personnage principal de mon nouveau roman Les petites tempêtes. Il sortait alors tout juste de l’imprimerie, mais n’était pas encore en librairie. «Je veux trop le lire! En as-tu un avec toi?» Vingt minutes plus tard, je repartais avec sa toile sous le bras, elle avec mon livre dédicacé, et la promesse de nous reparler très vite.

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C’est rare les coups de cœur en amitié. L’impression de se reconnaître, de se rejoindre un peu. C’est stimulant et apaisant à la fois.

 C’est la grand-mère de Lysa, Denise Lacerte Jordan, qui l’a initiée à la peinture. Comme ses parents travaillaient tard, Denise allait les chercher à l’école, elle et sa sœur. Elles mangeaient des pommes et du fromage, écoutaient des vinyles de musique classique et peignaient toutes les trois dans son atelier. Lysa explorait tous les médiums, et chaque fois qu’elle posait une question à sa grand-mère, elle lui répondait: «Essaye-le!»

Malgré sa passion pour l’art, Lysa poursuit ensuite des études en… administration! «Tout le monde me disait qu’aller en arts, c’était perdre son temps et son argent.» Cependant, avant d’amorcer la dernière session de son baccalauréat, elle lâche tout.
«J’ai réalisé que dans une vie on a environ 500 000 heures. J’ai décidé que je voulais les passer à faire quelque chose que j’aimais.»

Elle entre donc à l’Université de Sherbrooke en Arts visuels, un programme qui la motive et lui donne confiance en elle: «C’est une chose dont je manquais beaucoup à ce moment-là.»

Après cette étape, il lui en manque encore un peu, si bien qu’elle s’inscrit dans une technique en design d’intérieur, un domaine dans lequel elle travaillera durant trois ans. Jusqu’au jour où son chum ne lui donne pas le choix: «Regarde, je gagne assez d’argent pour payer les factures, prends les prochains mois et donne-toi la chance de voir si ça marche avec la peinture. Tu dois au moins essayer.»

Rapidement, la magie opère. West Elm lui offre l’occasion d’exposer dans ses magasins: ici, à Montréal, puis à New York. «J’ai vendu plusieurs œuvres et reçu quelques commandes. Quand quelqu’un qui ne te connaît pas achète un de tes tableaux, c’est fou! Tu te dis: “OK, je ne suis pas complètement dans le champ”.»

Ça fait maintenant un an que Lysa peut vivre de son art, mais elle a décidé de quand même conserver un contrat à temps partiel comme designer d’intérieur. «C’est un travail plus technique qui me stimule, et ça m’apporte de la discipline. Quand je rentre de ma journée, j’ai hâte de peindre! J’ai réalisé que ça devenait aliénant pour moi de ne faire que ça.»

Je comprends tout à fait le besoin de Lysa, moi qui plaide pour les avantages de porter plusieurs chapeaux, de prendre part à des projets variés qui s’alimentent les uns les autres.

Le conseil de sa grand-mère me revient en tête. «Essaye-le!» Comme Denise, j’ai la conviction que lorsqu’on ose et qu’on se laisse porter par nos passions, on ne peut pas se tromper. Et si, par des jours plus gris, je venais à l’oublier, je regarderai l’immense toile de Lysa dans mon bureau. Et je sourirai.

www.lysajordan.com


Valérie Chevalier

Valérie Chevalier est comédienne (Lance et compte, La petite reine) et animatrice (Cochon dingue, La Voix). Elle est aussi l’auteure de trois romans: Tu peux toujours courir, La théorie du drap contour et Les petites tempêtes, publiés chez Hurtubise.

 

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