Quinze ans. Au moment où je rédige ces lignes, mon chéri et moi célébrons nos 15 ans ensemble. Pas mal pour deux trentenaires !
Facile ? Pas tous les jours. Ces années n’ont pas été qu’une enfilade de jours heureux, nos cœurs battant toujours à l’unisson. À travers les (nombreux) moments euphoriques et enivrants, il y a aussi eu le stress professionnel qui contamine l’autre, les prises de bec, les petits travers exaspérants... Mais il y a surtout eu deux personnes qui s’aiment et qui se choisissent jour après jour.
Une chance qu’on s’a...
Y a-t-il un ingrédient secret pour réussir sa relation amoureuse ou existe-t-il au contraire autant de recettes que de couples ? Chacun son histoire, chacun sa petite mélodie ? J’aime imaginer derrière les portes closes des langages inventés que seules les âmes sœurs connaissent, somme de toutes ces années passées à deux.
Alors qu’un nouveau mariage sur deux se termine par un divorce et que les possibilités de rencontrer quelqu’un de plus « intéressant » sont infinies, comment font ceux qui résistent ? Ceux qui se regardent toujours avec tendresse, admiration, désir, même quand la passion des débuts s’est assagie pour laisser place à autre chose ?
« Nous nous disons souvent à quel point nous sommes chanceux d’être encore si amoureux après tant d’années, d’être encore émerveillés l’un devant l’autre », me raconte Chantal, ma maman, en couple avec mon père depuis 42 ans.
Difficile d’être désabusée face à l’amour quand on a pour modèles des parents qui parlent ainsi de leur relation, même après toutes ces années. « Qu’est-ce que nous avons fait de spécial pour que ça fonctionne ? ajoute-t-elle. Nous avons un profond respect l’un pour l’autre, nous nous donnons la liberté d’être qui nous sommes. Et nous avons toujours pris soin de notre couple, en réservant beaucoup de temps pour nos moments à deux. »
C’est vrai. Mes parents s’écrivent de sublimes mots doux pour chaque petite occasion. Ils soupent ensemble tous les soirs en prenant le temps de dresser une jolie table.
Ce serait là l’une des clés pour comprendre les unions qui survivent au passage des années. Professeure de sociologie à l’UQÀM, Chiara Piazzesi cite une étude britannique parue en 2015 qui a analysé les relations amoureuses au 21e siècle. « On y démontrait que les couples durables alimentent leur relation avec de petits gestes quotidiens, des pensées à l’égard de l’autre, qu’ils administrent bien le temps passé ensemble et celui accordé à des activités séparées. »
Meg John Barker, professeure de psychologie à l’Université ouverte de Londres, fait le même constat. Après avoir interviewé des milliers de couples, elle publiait en 2016 The Secrets of Enduring Love. « L’un de leurs points communs est qu’ils trouvent continuellement des manières de se démontrer leur affection, par exemple en se laissant des notes ou en se remerciant pour une tâche effectuée dans la maison. »
Photo: Andréanne GauthierL’idéal versus... la réalité
Mélissa et Marc-André sont dans la mi-trentaine. Ensemble depuis 20 ans et parents de deux jeunes enfants, ils ont des carrières et une vie de famille prenantes.
« Je pourrais prétendre qu’on a des attentions l’un pour l’autre au quotidien, mais ce n’est pas vrai, confie Mélissa. On n’est pas comme ça. Mon chum me démontre autrement qu’il m’aime. Il m’offre beaucoup de liberté, que ce soit pour sortir avec une amie ou pour aller m’entraîner le soir. » Surtout, d’après elle, ils ont conscience que cette période plus difficile pour leur couple n’est qu’une passe. Que les enfants vieilliront et qu’ils retrouveront plus de temps pour la vie à deux.
Mélissa pointe un autre des ingrédients clés des unions réussies : ne pas croire que l’aventure est forcément idyllique du matin au soir. « Parfois, les gens ont l’impression que les difficultés dans la vie amoureuse ne sont pas normales. Mais elles le sont », avance Martine Cinq-Mars, psychologue en pratique privée à Montréal. Soucis financiers, éducation des enfants, manque de communication, les causes de discorde possibles ne manquent pas.
Une vie de couple tout en tons pastel reste un grand mythe, selon la psychologue Meg John Barker. « Les partenaires des relations qui fonctionnent bien s’attendent à rencontrer des écueils », constate-t-elle. Dans un reportage sur le mariage paru l’an dernier dans le magazine Time, le thérapeute américain John Gottman résume ainsi sa pensée à ce sujet : « Une âme sœur ne se trouve pas, elle se fabrique. »
En plus d’affronter d’inévitables embûches, les tourtereaux modernes doivent composer avec une nouvelle variable. Si le mariage peut aujourd’hui être plus satisfaisant que jamais dans l’histoire – parce que nous cherchons quelqu’un qui nous aidera à grandir comme individu –, il peut aussi être cruellement décevant si l’être aimé ne remplit pas cette « promesse ». C’est ce qu’on apprend dans une étude américaine sur le mariage, publiée par l’Association for Psychological Science en 2015.
« Nous espérons que nos relations intimes comblent tous nos besoins », avance la Dre Barker. Les gens se sentent donc trahis quand leur bien-aimé ne répond pas aux attentes contradictoires qu’ils ont envers lui : être un amant passionné de même qu’un compagnon dans le train-train quotidien, quelqu’un qui nous aide à nous remettre en question tout en nous acceptant tel que nous sommes, qui nous procure un sentiment de sécurité, mais aussi du plaisir et de l’excitation... « C’est lourd à porter pour une seule personne », conclut-elle.
Être en couple, c’est bon pour le cœurBonne nouvelle pour ceux qui arrivent à éviter les pièges et les dangers tout au long de la route : une union durable comporte de nombreux bénéfices pour la santé, physique et psychologique. On sait depuis quelques années que les hommes en couple ont une espérance de vie plus longue que ceux qui sont célibataires – pour les femmes, les avantages ne sont pas aussi clairs. Un chercheur de l’Université de Rochester publiait en 2011 les résultats d’une étude concluant que les personnes ayant subi une chirurgie cardiaque avaient de meilleures chances de survie 15 ans plus tard lorsqu’elles étaient mariées.
Toujours le même amant ?
Et qu’en est-il de la vie sexuelle de ces duos au long cours ? On a tendance à associer les vieux couples à une ennuyeuse routine sous la couette. C’est pourtant loin d’être leur réalité, pour peu qu’ils acceptent que cet aspect de la vie à deux se transforme au fil du temps.
Il faut entendre Mélissa parler de sa vie sexuelle avec son Marc-André pour comprendre qu’ils n’ont rien à envier aux jeunes amoureux qui voient l’autre dans leur soupe. « La passion avec un grand P a laissé place à autre chose. Si l’on cherche uniquement les papillons dans l’estomac, le désir animal ou des relations sexuelles très fréquentes, j’imagine qu’on passe à un autre appel lorsque tout ça diminue. Mais si l’on souhaite plutôt une intimité profonde, un respect mutuel, une sexualité épanouie, une confiance aveugle, une liberté d’expérimenter sans avoir peur d’être jugé, les années comptent pour beaucoup. »
À toi, pour toujours
En vacances en Gaspésie dans les années 1970, mon père se dirige vers ma mère, sa demande de mariage pliée dans la main. Deux petites cases pour répondre « oui » ou « non ». « Demander ta mère en mariage est mon plus beau souvenir de notre vie à deux, me raconte-t-il. C’était la confirmation qu’on avait envie d’être ensemble pour toujours. » Papa parle aujourd’hui de son couple comme de sa plus grande fierté. « Je ne veux jamais avoir à remettre cela en question, c’est quelque chose que je protège. »
Est-ce que je me rendrai à 30, 40 ou 50 ans de bonheur avec mon Stéphane ? Je l’espère. Est-ce qu’on réussira à prendre soin l’un de l’autre et à toujours s’émerveiller ? J’ai envie d’y croire.
J’ai une dernière question, qui me brûle les lèvres... Mon amour, veux-tu m’épouser ?
Caroline Bellerose, 47 ans, comptable et Martin Crête, 46 ans, courtier en assurances, ont deux garçons de 19 et 22 ans.
Quel est le secret de votre couple ?
Martin : On est toujours ensemble. On fait du vélo en tandem, on fait les courses ensemble, elle cuisine, je fais la vaisselle à côté. On fait des promenades le soir en se tenant la main. On a toujours quelque chose à se raconter. Pour certains, c’est important de se réserver de grands espaces pour soi dans la vie à deux. Nous, c’est l’inverse. Notre couple a pris presque toute la place dans nos vies et c’est parfait comme ça.
Caroline : On rit beaucoup ensemble, on ne se prend pas au sérieux. Et j’ajouterais que Martin a toujours de petites attentions pour moi.
Le plus gros défi de votre couple ?
Caroline : Même si on échange beaucoup, je dirais que ça demeure la communication. J’ai plus de difficulté que Martin à exprimer les choses qui me dérangent au quotidien.
Qu’avez-vous appris de l’autre ?
Martin : Elle m’a appris qu’on peut donner de son temps sans compter aux gens qui nous entourent. Elle a toujours des gestes, des attentions pour ses amis, pour les enfants. Je pense que ça a déteint sur moi.
Caroline : La spontanéité. J’ai tendance à réfléchir un peu trop avant d’agir, mais grâce à lui et avec lui, on peut briser la routine. Sans sa spontanéité, nous n’aurions pas autant de beaux souvenirs ensemble !
Votre prochain projet ?
Martin : Un voyage de trois semaines en Grèce l’été prochain, pour souligner nos 25 ans de mariage.
Un mot pour décrire votre couple ?
Martin et Caroline : Unisson.
Camille Lavoie, 49 ans, illustratrice et professeure de dessin et François Hill, 51 ans, développeur de logiciels. Il a deux filles de 21 et 28 ans d’une union précédente.
Quel est le secret de votre couple ?
François : L’admiration qu’on a l’un pour l’autre. Elle a des talents que j’admire et des qualités auxquelles j’attache de l’importance, comme l’empathie, l’honnêteté, l’humour.
Camille : Moi, je nous vois comme un petit pays, un territoire qu’on se partage. Où la communication est toujours ouverte. On s’obstine, on argumente, on négocie, mais on ne se déclare jamais la guerre.
Être en couple depuis longtemps, qu’est-ce que ça apporte ?
Camille : C’est confortable, simple, authentique, mature. Comme deux instruments qui ont beaucoup joué ensemble. La musique est peut-être plus prévisible, mais plus profonde, plus nuancée, plus douce…
Qu’avez-vous appris de l’autre ?
Camille : Le sens de l’expression : « On traversera le pont une fois rendu à la rivière. » J’avais tendance à trop me projeter dans le futur. Lui, il est plus terre à terre.
François : Moi c’est l’inverse ! J’ai appris à rêver un peu plus, à planifier des choses.
Une chose que vous admirez chez l’autre ?
François : Sa créativité débordante !
Camille : Sa droiture.
Votre plus beau souvenir ?
Camille : Les voyages. L’Écosse, le Japon, il y en a eu plein.
Votre prochain projet ?
François : Un autre voyage ! On veut s’acheter un Westfalia et partir quelques mois sur la route. Vers le Yukon.
Un mot pour décrire votre couple ?
Camille : Cool.
François : Complicité.
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