Santé

David Servan-Shreiber : ses stratégies anticancer

Oui, on peut tenir cette maladie à distance, affirme le docteur David Servan-Schreiber – qui l’a eue deux fois?! – dans son ouvrage Anticancer, édition revue et augmentée.

« Il y a 17 ans, je me suis découvert un cancer au cerveau. » C’est par cette phrase-choc que démarre Anticancer, le livre du Français David Servan-Schreiber. Il est alors, selon ses propres mots, « un jeune interne de 30 ans, ambitieux et arrogant, qui figure parmi les étoiles montantes de la psychiatrie américaine ».

À cette époque, le sort des gens et leur souffrance ne l’intéressent pas vraiment. « Je voulais faire de la recherche et faire avancer de grandes idées », raconte-t-il. Il ignore à quel point sa vie va basculer.

Les aliments anticancer sont plus efficaces ensemble que séparément.
Le curcuma, épice indienne, réduit l’inflammation, les champignons stimulent le système immunitaire, les fruits à noyau (pêche, prune, nectarine), les petits fruits, le chou et le brocoli empêchent la croissance des cellules précancéreuses. Et consommer ces aliments ensemble décuple leurs effets.
Université de l’Illinois, 2007

Après avoir gagné son combat contre le cancer dans les années 1990, il demande à son cancérologue s’il peut faire quelque chose pour empêcher le mal de revenir. « Vivez une vie normale tout simplement, lui avait-il répondu. Si la tumeur réapparaît, nous la détecterons. »

Le jeune interne reprend donc son existence « normale ». Une vie à courir dans les corridors d’un grand hôpital et à se nourrir d’aliments gras et sucrés. Son plat favori : chili au bœuf haché accompagné d’un Coke, qu’il engloutit en deux mi­nutes en prenant l’ascenseur. Sur le plan personnel, il est au bord de la rupture avec sa deuxième conjointe, la mère de son enfant…

L’huile d’olive a un effet préventif.
L’huile d’olive renferme des antioxydants qui, absorbés par nos tissus graisseux, « restent sur place » pour nous protéger du cancer du sein, du côlon et de l’utérus.
Centre allemand de recherche sur le cancer, Heidelberg

Un jour, cependant, les résultats de ses tests de routine – un ex-cancéreux est toujours en liberté surveillée – reviennent positifs. Une petite boule s’est reformée dans son cerveau. « Apprendre qu’on a un cancer est un choc. Mais savoir qu’on fait une rechute, c’est terrible. » Il raconte les heures terrifiantes qui ont suivi. Le sentiment d’urgence qui l’a poussé à chercher des réponses. Un cancer, c’est peut-être un accident. Mais deux ? À ce moment-là, David Servan-Schreiber commence à éplucher les recherches. Il participe à des congrès. « J’ai appris que nous avons tous un cancer qui dort en nous, écrit-il. Notre corps fabrique des cellules défectueuses en permanence. Mais il est aussi doté d’un mécanisme capable de déjouer le processus de formation des tumeurs. Il revient à chacun de nous de s’en servir. »

Selon le neuropsychiatre, certaines cultures y parviennent bien mieux que la nôtre. En Asie, les cancers qui affligent l’Occident (du sein, du côlon ou de la prostate) sont de 7 à 60 fois moins fréquents. On a trouvé dans la prostate d’Asiatiques décédés d’autres causes autant de tumeurs précancéreuses que chez les Occidentaux. Or, quelque chose dans la façon de vivre de ces peuples empêche ces tumeurs de se développer. Quoi ? C’est la question à laquelle Anticancer tente de répondre.

La méditation est bonne pour la santé.
On a mesuré l’effet de la méditation sur des cadres stressés de grandes entreprises. Après huit semaines de pratique, les régions de leur cerveau associées à la bonne humeur étaient plus actives et leur système immunitaire réagissait plus efficacement.
Université du Wisconsin

Une première édition d’Anticancer a été publiée en 2007 et traduite en 35 langues. Pourquoi une deuxième édition trois ans plus tard ? « De nouvelles études sur la relation entre les habitudes de vie et le cancer ont été publiées, répond le psy­chiatre. Des découvertes importantes qui devaient être connues du public. »

Des exemples ? Un rapport de 517 pages du Fonds mondial de recherche contre le cancer, qui conclut que 40 % des cancers pourraient être évités grâce à de simples changements dans l’alimentation (plus de grains entiers, de fruits et légumes, moins de viande) et à l’activité physique.

Une autre étude, publiée en 2008 dans le journal Cancer, a attiré l’attention du docteur Servan-Schreiber. On a divisé en deux un groupe de femmes traitées avec succès pour un cancer du sein. Au premier sous-groupe, on a recommandé de ne rien faire de spécial. Les participantes du second sous-groupe, elles, ont eu droit à des conseils en nutrition, en activité physique et en gestion du stress. On leur a aussi suggéré de faire appel à leurs amis dans les moments difficiles. Onze ans plus tard, le taux de mortalité de celles qui avaient modifié leurs habitudes de vie était de 68 % inférieur à celui des autres.

Le sucre et les aliments raffinés sont à éviter.
Ce n’est pas l’obésité qui est associée au cancer du sein, mais plutôt un taux élevé d’insuline dans le sang – qui va souvent de pair avec l’embonpoint. Il importe donc de moins manger d’aliments qui font grimper le taux d’insuline : pain et riz blanc, craquelins, miel, sirop d’érable, confitures, céréales raffinées et sucrées… On privilégie aussi (sans en abuser !) les sucrants à index glycémique bas, comme le sirop d’agave (extrait de la sève d’un cactus), le miel d’acacia et le sucre de fleur de coco (ou de cocotier). On trouve ces produits dans les magasins d’aliments naturels et certains supermarchés.
La Women’s Health Initiative, étude portant sur 100 000 femmes.

« C’est une différence énorme, explique-t-il. Et voilà enfin une étude menée sur de nombreuses années. On avait reproché à ma première édition de ne pas être assez scientifique parce qu’elle ne citait pas suffisamment d’études de ce genre ! » Au bout du fil, il a un petit rire. Malgré la distance entre Montréal et Paris et l’inévitable décalage qui module les conversations d’outre-mer, la finesse, l’intelligence et l’humour sont perceptibles. Voilà un homme qui a été secoué par la vie et qui en est ressorti meilleur, plus attentif. Il n’est pas du genre à marteler ses convictions : il dépose ses arguments un à un, avec légèreté.

L’inflammation a-t-elle un rôle à jouer ?
De nombreux chercheurs se demandent si le cancer n’a pas une composante inflammatoire. Ils explorent cette piste… Or, on peut calmer l’inflammation dans l’organisme en modifiant son alimentation : on veille à consommer du curcuma, des oméga-3, des agrumes (oranges, mandarines, pamplemousses) et du jus de grenade. Par contre, d’autres aliments mettent, pour ainsi dire, de l’huile sur le feu : les sucres raffinés (sucre de canne, sirop de maïs, glucose), les farines blanches (pain blanc, pâtes blanches, riz blanc, bagel…) et les huiles végétales (soya, tournesol, maïs, huiles hydrogénées). Malheureusement, le stress joue également un rôle néfaste !

David Servan-Schreiber consacre un chapitre aux aliments anticancer et aux travaux du Québécois Richard Béliveau. (« Nous nous sommes rencontrés après la sortie d’un de ses livres et nous sommes tombés dans les bras l’un de l’autre », dit-il en riant).

Le thé vert prévient le cancer du sein.
Trois tasses de thé vert par jour diminuent de 57 % les risques de rechute de cancer du sein.
Études menées au Japon

Anticancer aborde, dans une section très bien documentée, le lien entre le mental et le cancer. « Un chapitre entièrement remanié », précise celui qui a étudié à l’Université McGill, à Montréal. Pour survivre 17 ans à un cancer envahissant, qui tue normalement en quelques mois, le docteur Servan-Schreiber a sûrement suivi à la lettre toutes les recommandations de son ouvrage. Vraiment toutes, sans exception ? Silence.

« Ce que je n’ai pas réglé, c’est que je travaille et voyage trop » finit-il par ré­pondre. Le médecin et auteur partage toujours son temps entre la France et les États-Unis. Il enseigne à Pittsburgh et travaille à un programme de recherche à Houston, entre autres. « Et puis, les livres Guérir et Anticancer m’ont plongé au cœur d’un ouragan… J’ai trop d’obligations dont je n’arrive pas à me défaire. »

Se sentir impuissante rend vulnérable.
Le sentiment de désespoir et d’abandon aurait un effet néfaste sur la santé. Dans une enquête menée auprès de Finlandais, les participants qui vivaient beaucoup d’impuissance et de découragement avaient, six ans plus tard, un taux de mortalité trois fois supérieur à ceux qui étaient plus sereins. Une synthèse de 165 études réalisée en 2008 a confirmé ces résultats.
Université de Californie à Berkeley et University College de Londres

Il hésite, avant d’ajouter : « Mais j’ai le sentiment très fort que ce que je fais a du sens. Pouvoir aider d’autres personnes grâce à la souffrance que l’on a vécue, c’est une manière formidable de la dépasser. Mes livres me relient à tous ces gens et, finalement, cela compense mes excès. »

L’amitié améliore le taux de survie.
Les femmes atteintes d’un cancer du sein qui peuvent citer le nom de 10 amis ont 4 fois plus de chances de survivre à la maladie.
La Nurse Health Study, citée dans le Journal of Clinical Oncology

Anticancer : les gestes quotidiens pour la santé du corps et de l’esprit, Éditions Robert Laffont

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