Certainement. Vous êtes peut-être atteinte de ce qu’on appelle une hypothyroïdie infraclinique. Ce terme désigne un trouble fréquent caractérisé par une déficience de la glande thyroïde, bien que la personne ne présente aucun des symptômes de l’hypothyroïdie déclarée : prise de poids, frilosité, chute des cheveux, ralentissement progressif des capacités intellectuelles, etc.
C’est souvent au hasard d’un test sanguin de routine que l’on détecte ce problème, révélé par un taux d’hormones hypophysaires (thyréostimuline ou TSH) supérieur à 5 – l’hypophyse est une glande située à la base du crâne qui règle l’action de la glande thyroïde. Une TSH supérieure à 10 indique une hypothyroïdie franche et exige un traitement au Synthroid.
Jusqu’à une époque récente, on ne traitait pas les personnes asymptomatiques qui présentaient un taux de TSH élevé mais inférieur à 10 (sauf les jeunes femmes, une fonction thyroïdienne insuffisante nuisant à la fertilité).
Or, plusieurs études ont montré, ces dernières années, que l’hypothyroïdie infraclinique augmente le risque de maladies cardiovasculaires – infarctus ou accident vasculaire cérébral – de 50 %, indépendamment des autres risques connus (tels que l’âge, un taux de cholestérol élevé ou le tabagisme).
Le traitement
Il n’y a pas de consensus dans la profession médicale, mais on a de plus en plus tendance à prescrire du Synthroid aux personnes dont la TSH est élevée, surtout si elles présentent des risques cardiovasculaires. On commence habituellement par une faible dose (50 µg) ; deux mois plus tard, on procède à une analyse sanguine et on modifie la dose au besoin.
La TSH redevient normale au bout d’un an chez la moitié des gens atteints d’hypothyroïdie infraclinique ; elle demeure stable chez près de 40 % d’entre eux, et 10 % seulement évoluent vers une hypothyroïdie franche.
Il n’y a aucun inconvénient à prendre du Synthroid dans votre cas. En effet, il ne s’agit pas d’un médicament, mais d’une molécule identique aux hormones thyroïdiennes fabriquées par l’organisme. Elle est traitée par le foie, qui en adapte la sécrétion. Le Synthroid met la glande thyroïde au repos, sans nuire à sa capacité de reprendre un jour du service.
Des tests périodiques qui mesurent la TSH indiqueront à votre médecin si votre glande thyroïde est revenue ou non à la normale. Si oui, vous pourrez interrompre la médication et votre glande thyroïde prendra le relais.
Dominique Garrel est endocrinologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal et à l’Institut de recherches cliniques de Montréal.