«Si j’ai pu le faire, tout le monde le peut», lance-t-elle humblement.
Caroline St-Hilaire est pour ainsi dire «tombée dans la politique quand elle était petite», accompagnant son père, conseiller municipal, dans son porte-à-porte. Elle n’avait pourtant jamais envisagé de devenir elle-même candidate.
«Ça a pris d’autres personnes qui y croyaient plus que moi pour me convaincre de faire le saut», confie-t-elle, évoquant l’ancien candidat à la chefferie du Bloc québécois, Rodrigue Biron, qui le lui avait suggéré.
Le premier réflexe de la jeune femme alors âgée de 27 ans a été de douter. «Comme la grande majorité des femmes à qui on propose de se présenter aux élections, j’ai tout de suite vu ce qui devait m’en empêcher: mon manque d’expérience, de réseau, de connaissances. Mais, après réflexion, j’ai décidé de me lancer. Je n’avais rien à perdre.»
Bien sûr, elle a vite dû faire face à un lot de préjugés. Contrairement à ses collègues masculins, elle a parfois été jugée davantage sur son apparence que sur ses idées. Loin d’être un frein, les remarques et les attaques sont devenues pour elle des catalyseurs. «Ça m’a seulement poussée à performer encore plus», assure-t-elle.
De la même façon, Caroline St-Hilaire n’a jamais considéré sa surdité comme un handicap. Elle en parle publiquement pour la première fois dans son livre. Malgré tous les inconvénients de vivre avec des appareils auditifs, elle refuse que cela l’empêche d’avancer.
Concilier les rôles
Souvent, les femmes qui se lancent en politique le font plus tard que les hommes, quand leurs enfants sont grands. L’horaire exigeant des députés a de quoi en décourager plus d’une. Mais pas Caroline St-Hilaire. Pour elle, il était essentiel que les jeunes femmes aient aussi une voix au Parlement.
Ses deux fils, maintenant adolescents, elle les a portés et élevés pendant son mandat. Elle a posé des questions en chambre alors qu’elle était «enceinte jusqu’aux oreilles», a allaité dans son bureau et a même dû faire installer une table à langer au parlement.
Grâce à son conjoint et à sa famille élargie, elle a pu se consacrer à la politique du lundi au jeudi, à Ottawa, et retrouver ses enfants les trois autres jours de la semaine.
«Je mentirais si je disais que ça ne m’a pas déchirée. Mais c’est pour mon cœur de mère que ça a été difficile. Mes fils, eux, étaient bien entourés. Aujourd’hui, ils me disent qu’ils sont fiers de moi, et mon aîné songe à une carrière en politique, alors je sais que j’ai bien fait.»
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Y croire encore
Caroline St-Hilaire avoue comprendre le cynisme ambiant envers la politique. La mesquinerie, les lignes de parti, les médias qui ne parlent que des scandales et rarement des bons coups, tout ça l’a souvent découragée.
Mais ni son expérience, ni les scandales qui ont marqué la scène municipale québécoise dans les dernières années n’ont pu entacher l’impression que la politicienne se fait de son milieu.
«Pour moi, la politique, c’est très noble, c’est vouloir se mettre au service des gens. C’est ce que je voyais à la maison, quand mon père était conseiller municipal. Je l’ai vu se désâmer pour son monde», soutient-elle.
Même si elle quitte ses fonctions de mairesse de Longueuil sans avoir encore d’idée précise sur ce qui occupera son avenir, elle conservera toujours un lien avec la politique. «Ça fait partie de moi. C’est pour ça que j’ai accepté de participer à l’émission La Joute, à LCN. Et puis, ça va aussi me permettre de retrouver une liberté de parole que j’avais en quelque sorte perdue», fait-elle valoir.
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Savoir quitter
En février, Caroline St-Hilaire a annoncé qu’elle ne briguerait pas un troisième mandat à la mairie de Longueuil. Devant une salle remplie de gens d’affaires de sa municipalité, elle a prononcé son discours sans céder aux larmes.
«Un homme qui pleure en annonçant son départ, c’est touchant. Une femme, c’est un burnout, un signe que quelque chose ne va pas», affirme-t-elle.
Elle ne voulait pas non plus qu’on dise, encore une fois, que la politique est dure pour les femmes. «C’est difficile pour tout le monde. Peut-être qu’on prend ça plus à cœur ou plus personnel, simplement.»
Depuis, elle a pleuré quelques fois, en faisant ses boîtes ou quand des membres de son équipe quittaient. Mais elle ne regrette aucunement sa décision.
«Le confort piège les esprits légers», comme lui répète souvent son mari, Maka Koto, député du Parti québécois.
Elle en était à ce point. Non pas que Longueuil ne présente pas de nouveaux défis. Le développement immobilier, industriel, les relations avec l’agglomération sauront mettre à l’épreuve le ou la maire qui lui succédera. Mais Caroline St-Hilaire ne sera pas celle qui livrera ces batailles.
Elle a mené sa ville où elle voulait la conduire. Maintenant, elle prend une nouvelle voie.
Se faire entendre, biographie de Caroline St-Hilaire, par Geneviève Lefebvre, Libre Expression, 208 pages.