Société

Conjoint de fait : se protéger

Vous vivez en couple, mais sans contrat de mariage ? Savez-vous que vous n’avez pas les mêmes droits que les couples mariés ?


 

Aux yeux du Code civil du Québec, les conjoints de fait – qu’ils soient de même sexe ou de sexe opposé – ne sont ni plus ni moins que de purs étrangers et ce, peu importe depuis combien d’années ils sont ensemble. C’est votre cas ? En pratique, ça peut vouloir dire ceci :

• Si votre conjoint est propriétaire de la maison familiale, il peut la vendre sans même vous consulter.

• En cas de séparation, vous ne pouvez pas demander de pension alimentaire pour vous – uniquement pour vos enfants.

• Vous n’avez pas droit au partage des biens acquis par votre conjoint pendant votre vie commune (meubles, maison, chalet) – oubliez, donc, les dispositions touchant le patrimoine familial : elles ne concernent que les gens mariés ou unis civilement.

 

Comment vous protéger ?

• Achetez, si possible, une maison en copropriété. Les institutions financières prennent en compte la capacité de payer du couple emprunteur et non son état civil. Si l’un des deux copropriétaires investit une somme supérieure, précisez-le dans l’acte d’achat. Sinon, légalement, les parts de chacun seront considérées comme égales.

Signez un contrat de cohabitation (ou de vie commune). Vous pourrez y écrire la valeur des biens et les responsabilités de chacun et, si vous êtes copropriétaires, comment se fera le partage des dépenses liées à l’immeuble.

Vous pourrez aussi déterminer qui, en cas de rupture, gardera la résidence familiale et dans quelles conditions. Vous pourrez prévoir une certaine répartition de vos avoirs ainsi que le versement d’une compensation pour la personne qui, par exemple, aurait laissé son travail pour rester à la maison avec les enfants. Bref, à vous de faire en sorte que ce contrat constitue une bonne protection pour chacun.

Vous pouvez rédiger vous-même ce document et le faire signer par deux témoins qui n’ont pas de liens de parenté avec vous. La brochure Contrat de vie commune (Les Publications du Québec) peut vous aider en ce sens (4,95 $, en vente dans plusieurs librairies). Toutefois, mieux vaut consulter un notaire ou un avocat, surtout si votre situation est complexe – vous avez des enfants d’une autre union ou êtes propriétaire d’une entreprise. Un professionnel saura aussi vous indiquer ce qui ne peut pas être inclus dans un tel contrat : les dons après un décès, par exemple, ou les dispositions sur la garde des enfants. Le Réseau juridique du Québec donne aussi des informations en la matière dans Internet.

• Assurez-vous que vos testaments sont à jour. Un conjoint de fait ne sera jamais l’héritier légal de son partenaire si cela n’est pas écrit noir sur blanc dans le testament. En l’absence de testament, les biens de votre conjoint décédé pourraient fort bien être répartis entre ses héritiers légaux (désignés par la loi), sans que vous en receviez une miette. Scénario catastrophe : si vous aviez acheté une maison avec votre conjoint de fait, vous pourriez vous retrouver avec de nouveaux copropriétaires, soit les enfants de votre conjoint, ses parents, ses frères et sœurs ou même… son ex-femme, si le divorce n’a pas été prononcé !

Autres documents et précautions utiles

• Rédigez un mandat en cas d’inaptitude. Vous pourrez désigner votre conjoint de fait pour s’occuper de vous et de vos affaires si jamais un jour vous devenez incapable de le faire.

• N’oubliez pas de désigner votre conjoint de fait comme légataire de votre assurance vie, si c’est ce que vous souhaitez.

• Vous avez déjà été mariée dans le passé ? Si ce n’est pas fait, entreprenez les démarches nécessaires pour que cette union soit dissoute légalement. Sinon, c’est votre ex qui pourrait profiter de certains avantages au moment de votre décès.

Si vous voulez éviter le mariage ou l’union civile parce que vous avez horreur des contrats, résignez-vous au moins à avoir tous deux des testaments qui vous protègent mutuellement… Pas question de contrat de vie commune pour vous ? Conservez alors précieusement les factures de vos achats importants et écrivez dessus qui les a payées. Et si vous envisagez de quitter le marché de l’emploi pour vous occuper de votre progéniture, pensez bien aux conséquences possibles : en cas de rupture, par exemple, rien n’obligera votre ex-conjoint à vous dédommager pour ces années sans salaire consacrées aux enfants.

Quand la loi unit les conjoints de fait

Le Code civil du Québec constitue le fondement de toutes les lois québécoises, mais certaines d’entre elles peuvent néanmoins ajouter des éléments au Code ou y déroger – d’où, sans doute, la confusion qui règne autour du cadre juridique de l’union de fait…

Même si le Code civil ne réglemente pas l’union de fait, un grand nombre de lois à caractère social, québécoises et canadiennes, elles, mettent les conjoints de fait sur le même pied que les partenaires mariés ou unis civilement. Cependant, les critères accordant ce statut varient selon les législations. Ainsi, d’après la Loi sur les impôts, au Québec, pour être considérés conjoints de fait, les deux partenaires doivent cohabiter depuis 12 mois consécutifs, ou encore cohabiter et avoir un ou des enfants communs. D’autres lois, celle sur les accidents du travail par exemple, exigent que le couple vive ensemble depuis trois ans, ou seulement depuis un an s’il a des enfants communs.

Les fonds de pension

En cas de décès, votre conjoint de fait devient automatiquement bénéficiaire de votre fonds de pension dès que vous comptez trois ans de vie commune, si ce fonds est soumis aux lois provinciales (écoles publiques, hôpitaux, etc.). Dans le cas des régimes de retraite soumis aux lois fédérales (ceux de plusieurs institutions financières, par exemple), on parle plutôt d’une année de vie maritale. Ceci ne peut être changé par testament sauf si le conjoint renonce à ce droit.

Les assurances privées

Certaines compagnies d’assurances privées (pour les médicaments, par exemple) considèrent les conjoints de fait comme des conjoints mariés après trois ans de cohabitation – ou un an quand il y a des enfants. Mais il n’y a pas de règles universelles : renseignez-vous auprès de votre assureur.

Les enfants d’abord

Qu’ils soient nés de parents mariés, unis civilement ou conjoints de fait, tous les enfants sont égaux aux yeux de la loi. C’est dire que les parents ont les mêmes droits et responsabilités à leur égard, y compris l’obligation alimentaire (la pension). Lors d’une séparation, les conjoints de fait peuvent profiter des services gratuits de médiation familiale (comme les parents mariés ou unis civilement). À la naissance, les parents conjoints de fait doivent signer tous deux le certificat de naissance de leur progéniture (la signature d’un seul parent suffit chez les couples mariés ou unis civilement) et le faire parvenir au Directeur de l’état civil dans les 30 jours suivant l’heureux événement.

En cas de rupture de votre couple, une entente à l’amiable est toujours souhaitable. Mais il se peut que, malgré vos efforts, vous ayez tout de même à aller devant le juge. Par exemple…

• Si votre ex-conjoint ne respecte pas votre contrat de vie commune ou certains de ses éléments.

• Si vous ne parvenez pas à vous entendre sur l’usage ou la vente de votre maison en copropriété. Le tribunal pourrait en forcer la vente.

• Si vous voulez maintenir des liens avec les enfants de votre ex à qui vous êtes très attachée (ou que vous avez pratiquement élevés).

• Si vous voulez obtenir une compensation pour avoir participé à la mise sur pied et à la réussite d’une entreprise enregistrée au seul nom de votre ex-partenaire. Ou encore si vous estimez avoir contribué à l’enrichissement de votre ex tandis que vous vous appauvrissiez, et voulez recevoir une compensation. Dans ces deux cas, vous aurez le lourd fardeau de la preuve.

À explorer

• Dossier sur l’union de fait du ministère de la Justice du Québec

Nous remercions de leur collaboration Me Marc-André Lamontagne, notaire, et Me Marc Gélinas, avocat.

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