Société

«Cougars»: casser le mythe

Pour son premier documentaire, Amour cougar: au-delà du mythe, la journaliste et chroniqueuse Karima Brikh a choisi de s’intéresser à ces femmes de 45 ans et plus qui fréquentent des hommes plus jeunes qu’elles. Elle brise au passage de nombreux préjugés et nous fait constater que la réalité est très loin de l’image qu’on se fait d’elles.

Guillaume et Marie-Annick. Photo: Vital Productions

«Le terme a un côté un peu vulgaire, je trouve. On s’imagine une femme désespérée, hypersexuelle, qui part à la chasse aux jeunes. Ça n’a rien à voir avec celles que j’ai rencontrées», fait valoir Karima Brikh.

Une actrice, une consultante en communications, une DJ, les femmes qui ont accepté de se raconter à la journaliste ont entre 48 et 85 ans et des parcours qui ne sortent pas vraiment de l’ordinaire. Elles ont été en couple avec des hommes de leur âge ou plus vieux pendant un temps, puis se sont retrouvées célibataires dans la quarantaine, avec ou sans enfants. Ce n’est qu’à ce moment qu’elles ont commencé à avoir des partenaires plus jeunes.

«C’est vraiment juste une question de connexion, de longueur d’onde. Comme n’importe quelle histoire d’amour, finalement», soutient la journaliste, citant l’exemple de la DJ Trish, qui a réalisé qu’elle avait tout simplement plus d’intérêts en commun avec des hommes plus jeunes.

Attirantes

C’est d’ailleurs souvent le regard de ces jeunes qui déclenche la première étincelle. Ça a été le cas pour la comédienne Patricia Tulasne, qui, sans pour autant les rechercher, s’attirait les faveurs d’hommes dans la vingtaine alors que ceux de son âge ne s’intéressaient pas à elle.

«Il y a comme une barrière pour les gars de mon âge. En haut de 40 ans, c’est fini. On est tellement considérées comme de la merde par les plus vieux, on devient transparentes. Alors, quand ces jeunes-là nous disent qu’ils nous trouvent belles, ça décomplexe. C’est formidable», confie-t-elle dans le documentaire.

Pour faire le tour de la question, Karima Brikh a également rencontré trois jeunes hommes qui fréquentent des femmes plus âgées qu’eux. À leurs yeux, l’assurance et l’expérience de leur compagne valent bien plus que les corps fermes des filles de leur âge.

Photo: Vital Productions

«Ces gars-là ne se sentent pas du tout menacés dans leur virilité parce qu’ils sortent avec une femme forte et autonome. Au contraire! Il faut qu’ils s’assument et qu’ils soient pas mal confiants pour être avec une femme qui n’attend pas après eux», croit la journaliste.

Ont-elles peur que leur Adonis les quitte pour une fille de leur âge? Pas vraiment, répondent les six cougars interrogées. Après tout, elles courraient le même risque en étant en couple avec un homme de leur génération.

«Le plus grand frein à la pérennité d’une relation, c’est probablement les enfants, si lui en veut, estime la documentariste. À leur âge, soit les femmes en ont déjà et n’en veulent plus, soit elles ont passé la ménopause et ne peuvent simplement plus. Mais c’est un problème que rencontrent aussi les hommes âgés en couple avec des plus jeunes», souligne-t-elle.

C’est ce qui est arrivé à Minou Petrowski, qui témoigne de son expérience dans Amour cougar: au-delà du mythe. L’auteure et critique de cinéma a dû laisser l’amour de sa vie, avec qui elle a été en couple pendant 10 ans. Ne pouvant fonder avec lui une famille, elle a préféré mettre fin à leur relation afin qu’il n’ait pas à se priver d’être père.

Hors norme

Le jugement des autres peut aussi être difficile à vivre. Si on a accepté il y a des siècles qu’un homme puisse fréquenter une femme beaucoup plus jeune que lui, l’inverse reste mal vu.

«L’un des hommes que j’ai interviewés avoue dans le documentaire qu’il n’a pas poursuivi la relation parce qu’il ne pouvait s’imaginer présenter sa compagne à sa famille. Pour un autre, qui ne fait qu’une brève apparition, il s’agit d’un véritable coming out, puisqu’aucun de ses collègues de travail n’est au courant qu’il fréquente une femme de 30 ans son aînée», souligne Karima Brikh.

Rémi et Andrée. Photo: Vital Productions

Il existe un double standard dans notre société pour plusieurs aspects de la sexualité des femmes, selon la sociologue et chercheuse Mélanie Alarie, qui intervient dans le film. Elles ne devraient pas avoir trop de partenaires et devraient attendre d’être séduites, par exemple. À partir d’un certain âge, la norme de genre voudrait carrément qu’elles cessent de se présenter comme des êtres sexuels.

«Ça choque beaucoup de gens, c’est certain. Quand on voit quelqu’un se permettre quelque chose qu’on ne s’autoriserait pas, ça nous force à nous remettre en question, ça nous chicote», estime Karima Brikh.

Le phénomène n’ira toutefois pas en s’amenuisant, croit-elle. Amené dans l’espace public au début des années 2000 avec les histoires d’amour de Demi Moore, de Jennifer Lopez ou de Madonna, il prendra sans doute de l’ampleur.

«C’est relativement nouveau que les femmes deviennent célibataires dans la quarantaine. La génération de nos grands-parents n’a pas vraiment vécu ça. Avec l’espérance de vie qui augmente et le grand nombre de divorces et de séparations, j’ai l’impression qu’on n’a pas fini d’en voir, des cougars», conclut la réalisatrice du film.

Elle espère qu’entre-temps ces relations seront devenues normales et ne seront plus aussi marginalisées. Son documentaire pourrait bien contribuer à tracer cette voie.


Amour cougar: au-delà du mythe sera présenté en reprise à RDI le 1er mai, à 20 h.

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