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Vie pratique

Économiser de façon futée: le couponnage 2.0

Les coupons de rabais se déclinent désormais en format numérique. Avec Internet, chasser les bonnes affaires n’a jamais été aussi facile. À moins que ce ne soit les bonnes affaires qui nous pourchassent…
Par Anne Fleischman
Économiser de façon futée: le couponnage 2.0 Photo: iStock/Steve Debenport

Le portefeuille d’Isabelle Havasy, 42 ans, déborde de papiers multicolores. Une liasse de rectangles orange lui assure des dizaines de dollars d’économie sur sa prochaine paire de chaussures; quelques carrés rouges, des réductions sur de futurs achats dans une boutique de vêtements.

Les doigts agiles, elle pianote sur son téléphone pour me montrer comment elle déniche d’autres aubaines, en ligne cette fois. «Il y en a un peu partout, il suffit de fouiller. Je ne magasine jamais au plein prix», lance-t-elle en faisant défiler à toute vitesse la liste des messages promotionnels qui remplissent sa boîte de courriels. «Certaines personnes se créent des adresses spécifiques pour éviter d’être submergées. Moi, ça ne me dérange pas. J’adore faire de bons deals!»

Un sentiment d’exclusivité

Ma boîte de réception est pour le moment épargnée par ce déferlement. Remplir des formulaires pour bénéficier d’offres spéciales ne fait pas encore partie de mes habitudes. Mais j’ai peut-être tort. Isabelle, elle, profite de tous les soldes qui passent. Et son cas est loin d’être unique: 72% des consommateurs québécois utilisent circulaires, coupons, cartes de fidélité et autres quand vient le temps de faire leur épicerie, selon un sondage Léger réalisé en 2016. Le domaine de l’alimentation n’est pas le seul concerné: des vêtements aux billets d’avion, toutes les économies sont bonnes à prendre. «Environ le tiers des Québécois ne magasinent qu’à prix réduit. Mais afficher les rabais en grosses lettres dans les vitrines, c’est souvent mauvais pour l’image d’une marque. Les bons de réduction constituent donc une excellente stratégie», souligne Louis Fabien, professeur à HEC Montréal et spécialiste de l’expérience client.

C’est précisément le côté confidentiel du coupon qui fait tout son charme. Découpé dans une circulaire, imprimé à la maison ou copié/collé sous la forme d’un code promotionnel, il titille la fierté de l’économe qui sommeille en nous. Selon Deny Bélisle, professeur en marketing à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke, «contrairement aux soldes affichés et accessibles à tous, il crée une impression d’exclusivité, car le consommateur se réjouit d’avoir déniché une bonne affaire à laquelle son voisin n’a peut-être pas eu accès. Il apporte donc une touche ludique à l’expérience», note-t-il. Faire miroiter des économies représente aussi une excellente technique pour attirer des clients ou lancer de nouveaux produits… surtout si le rabais se termine bientôt!

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C’est ce qu’avance Charlotte Cahour, spécialiste des achats média chez AOD Marketing. Pour elle, les coupons sont souvent conçus pour susciter un sentiment d’urgence. «Non seulement on croit être privilégié d’avoir trouvé une telle offre, mais en plus on se sent obligé de l’utiliser parce qu’elle ne dure qu’un temps. Sur Internet, des marques ajoutent même des décomptes pour augmenter la pression», précise-t-elle.

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Bye-bye ciseaux!

Fin septembre, j’ai décidé d’économiser à mon tour. Armée de mon téléphone chargé de coupons débusqués sur Internet, je suis partie à l’assaut de mon épicerie. Je pensais y croiser des couponneuses traditionnelles avec, sous le bras, leur gros cartable plein de bons de réduction. J’ai plutôt vu des clientes concentrées sur les produits, cellulaire à la main, choisissant leurs articles avec soin en comparant les prix en ligne. Au rayon des confitures, j’ai même échangé des conseils technos sur les nouvelles applis avec une sympathique mère de famille. Il faut dire que, depuis quelques années, les applications qui cherchent les aubaines à notre place ou qui vérifient automatiquement les rabais chez les détaillants pullulent, modifiant les habitudes des consommateurs.

La caissière, elle, n’en était de toute évidence pas à sa première acheteuse adepte des économies en mode 2.0: elle s’est contentée de jeter un œil blasé à l’écran de mon portable. «L’augmentation du couponning numérique n’a pas attiré davantage de gens. Ce sont les mêmes personnes qui se sont converties», commente Johanne Héroux, directrice principale, Affaires corporatives et communications et affaires communautaires chez Loblaw.

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Dis-moi ce que tu achètes…

Les privilèges associés aux coupons sont rarement gratuits. Ristournes sur le magasinage à venir après un achat à plein prix (ou au-delà d’un certain montant), cadeaux de remerciement pour avoir transmis les coordonnées d’une amie, accès à des programmes de fidélité…

Tout ça se mérite. Avec Internet, ces récompenses sont de plus en plus liées à un geste en apparence anodin: le partage de nos informations personnelles.

Ainsi, les cartes de points des marchands se révèlent d’excellents moyens pour eux de nous offrir des spéciaux sur mesure. Résultat: des campagnes hyper efficaces qui renvoient le marketing de masse à la préhistoire.

La nouvelle maman achète des couches? Des offres pour du lait maternisé pourraient bientôt lui pleuvoir dessus. «Quand je reçois un courriel contenant une réduction ou une publicité ciblée, il s’adresse en fait à un groupe de gens ayant les mêmes habitudes de consommation que moi», nuance Deny Bélisle.

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La personnalisation des coupons se développe à un rythme effréné. Grâce aux médias sociaux, par exemple, les marques recueillent des tonnes de données sur nos intérêts (grâce aux «likes») ou notre niveau de scolarité. Des renseignements précieux pour nous envoyer au bon moment une offre irrésistible!

Un pas supplémentaire a été franchi avec l’avènement des téléphones intelligents. Des applications permettent en effet de faire apparaître des soldes dès qu’on s’approche de certaines boutiques. «Ce nouvel outil, le géorepérage, n’est pas un problème quand on a accepté les conditions et compris le principe de la géolocalisation. Il peut même améliorer l’expérience de magasinage. Mais dans le cas contraire, le risque d’intrusion dans la vie privée est bien réel», signale Louis Fabien.

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Des économies, vraiment?

Les bons numériques ont maintenant la cote. Une simple recherche, avec les mots «coupons» + «rabais» + «Québec», nous amène sur une dizaine de sites destinés à faciliter notre récolte de codes promotionnels. Magalie Poulin, 42 ans, regrette pour sa part la raréfaction de la version papier. «Avec le numérique, on fait moins d’économies. Avant, on pouvait amasser les coupons pour un même produit. Cela n’est plus possible», déplore cette Gaspésienne qui vient de faire le plein de savon à lessive pour plusieurs années à venir. «J’ai acheté 42 bouteilles de détergent et d’assouplisseur La Parisienne à 2,50 $ chacune, alors que leur prix courant est de 7,99 $. Et avec mes bons accumulés, j’ai obtenu 18 contenants de Sunlight gratuitement.» Mais elle a une autre bonne raison de remplir ses étagères, précise-t-elle. «J’adore jouer avec les chiffres et déjouer le système!»

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Magalie fait partie des «couponneuses de l’extrême», qui réussissent à épargner plusieurs milliers de dollars par année en épicerie. Sur sa page Facebook (Coupons et trucs éconos), elle conseille les 12 000 membres de sa communauté. «Économiser gros, c’est très faisable. Mais c’est une passion qui consomme beaucoup de temps», raconte-t-elle. Même son de cloche du côté de Lili Marchand, 50 ans, qui a créé en 2011 le premier site francophone de couponnage au pays, OnMagasine.ca. «Toujours aller d’un magasin à un autre pour obtenir les meilleurs prix, ça finit par coûter très cher en essence. Certaines applications permettent de prendre une photo de sa facture pour se faire rembourser un montant après coup chez les marchands participants. Ça évite de faire de la recherche.» Des ennuis de santé ont amené Lili à poser un regard de plus en plus critique sur la qualité des produits pour lesquels la plupart des coupons s’appliquent. «Les grosses compagnies en produisent énormément, alors les réductions concernent des aliments transformés. Souvent de la malbouffe, rarement des fruits et des légumes…», déplore-t-elle.

Les bons de réduction constituent une arme à double tranchant pour les commerçants. «En habituant la clientèle à tout acheter à moindre coût, on fait baisser le prix de référence. Quand le client reçoit une infolettre avec des rabais tous les deux jours, il perd la notion de ce que coûtent vraiment les biens de consommation», conclut Sylvain Sénécal, codirecteur du Tech3Lab, un laboratoire de recherche de HEC Montréal où l’on analyse les interactions entre les interfaces technologiques et les consommateurs.

J’y songerai la prochaine fois qu’on me demandera de payer un article au plein prix…

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