Elle change le Québec… en signant une pièce de théâtre documentaire qui fait réfléchir.
À l’époque où on lui propose de créer J’aime Hydro – qui examine la relation entre les Québécois et la société d’État –, la comédienne Christine Beaulieu, 33 ans, est en pleine remise en question. «Je me demandais à quoi servait mon métier.» D’abord effrayée par l’immensité du sujet, dont elle ne connaît rien, elle se laisse vite prendre au jeu. En plus de s’occuper de la recherche et de l’écriture, elle joue son propre personnage dans la pièce, qui dure près de quatre heures.
«Je pense que ça répond à un besoin, dit Christine. C’est la démarche honnête d’une personne qui n’est associée à aucun lobby, business ou parti politique.» Le sujet est en lui-même complexe et sensible, puisque Hydro-Québec fait partie intégrante de l’identité québécoise. La pièce soulève plusieurs interrogations, dont celle-ci: construit-on trop de barrages hydroélectriques dans la province? Évidemment, la réponse diffère selon qu’elle vient du PDG de la société d’État, d’un citoyen de la Côte-Nord en quête de travail ou d’un Innu qui voit son territoire saccagé. «C’était important pour moi de représenter chacun d’eux, mais je voulais aussi être libre d’approfondir ma propre réflexion», souligne-t-elle.
Dire que J’aime Hydro a marqué son parcours professionnel serait un euphémisme. «Je donne accès à ce que je suis, à mes peines d’amour, à mes réflexions sur la société, l’environnement…» Cette candeur et cette ouverture, Christine Beaulieu les revendique, convaincue qu’elles peuvent représenter de grandes forces.
Celle que le grand public a découverte sous les traits de la très assumée Roxanne, dans le film Le mirage en 2015, joue plus que jamais, et dans une multitude de registres. On pourra la voir sous peu dans Lâcher prise (ICI Radio-Canada Télé), où elle incarne «une femme brisée, démunie», très loin des personnages forts qu’on lui confie habituellement. Mais expérimenter l’inconnu n’est pas un problème pour elle. «J’aime Hydro m’a obligée à sortir de mon milieu. On devrait tous faire ça à un moment donné, qu’on travaille dans une école, un hôpital ou un parti politique. Rester de son bord, avec du monde qui pense pareil, c’est dangereux. Maintenant, je comprends mieux comment notre société fonctionne, et je l’apprécie encore plus.»
J’aime Hydro est présentement en tournée à travers la province. Le livre éponyme est paru l’automne dernier, chez Atelier 10. [C.R.P.]
Elle change le Québec… en investissant un boys’ club : la direction d’orchestre.
Dina Gilbert n’avait pas 30 ans quand elle est devenue la première femme chef assistante de l’Orchestre symphonique de Montréal. Un baptême du feu ébouriffant pour cette Beauceronne hyperactive qui a dû apprendre les moindres accords, soupirs et barres de mesure d’un répertoire de 150 œuvres afin de pouvoir remplacer le maestro Kent Nagano au pied levé. À l’époque elle dormait à peine cinq heures par nuit pour étudier ses partitions. «Je n’ai pas plus de temps morts aujourd’hui! admet la brunette de 32 ans, qui a pris de l’assurance depuis son aventure de trois ans à l’OSM. Ça m’arrive encore d’avoir le syndrome de l’imposteur, surtout quand ça fait longtemps que je n’ai pas dirigé, mais le fait que ma candidature a été retenue pour divers postes de chef m’a donné confiance.»
En effet, on s’arrache Dina Gilbert. Déjà chef de trois orchestres, dont deux situés aux extrêmes du pays – Kamloops et Rimouski –, elle est souvent invitée à en diriger d’autres à l’étranger (jusqu’au Japon!). Elle ne s’en plaint pas. «Je veux faire ça toute ma vie, je n’ai pas de plan B.» Elle n’est d’ailleurs que reconnaissance à l’endroit des maestras qui ont permis à des filles comme elle d’avoir la carrière dont elles rêvaient – dont Ethel Stark qui a fondé à Montréal le premier orchestre féminin canadien. «Les femmes chefs, mais aussi les musiciennes, se faisaient dire que leur beauté – ou leur laideur – allait déranger les musiciens, qu’elles ne pouvaient jouer de tel instrument ou faire tel geste… Moi, je n’ai pas vécu ça.»
De l’appui, elle en a eu en masse, de la part de feu son père d’abord, un féministe fier de ses six filles. Aujourd’hui elle donne en retour, par exemple en dirigeant des orchestres devant des enfants – dont celui des Grands Ballets canadiens pour Casse-Noisette –, en partie pour leur montrer qu’un chef peut aussi être une chef. «J’ai d’abord choisi ce métier parce que je l’aimais, mais si ça peut en inspirer d’autres en plus, tant mieux.» Elle met un point d’honneur à inclure des compositrices dans ses programmations. «Et ce n’est pas un effort: de l’excellente musique écrite par des femmes, il y en a beaucoup.» Comme celle de la Française Louise Farrenc, morte en 1875, dont elle présentera la Symphonie no 3 en février à Rimouski. «Je n’en reviens pas qu’on n’ait encore quasiment jamais joué ses œuvres. C’est vraiment hot.»
Elle s’est aussi donné pour mission de démocratiser la musique symphonique, elle qui l’a découverte tard, à 17 ans. Ainsi, elle n’hésite pas à s’embarquer dans des projets novateurs qui la sortent de sa zone de confort – «Je refuse d’écouter mes peurs!» Les concerts hip-hop qu’elle a réalisés avec l’Orchestre philharmonique de Radio France en sont un exemple. «Si les formules hybrides du genre peuvent attirer de nouveaux spectateurs, allons-y. On fait des concerts pour servir la musique, oui, mais aussi pour toucher les gens.» [M.-H.P.]
Elle change le Québec… en plaçant le bonheur au cœur du travail.
Le travail a été – et est encore – une source de bonheur pour Rose-Marie Charest. Pas étonnant qu’elle cherche à porter ce message dans les différents milieux où elle prodigue, l’œil pétillant, conférences et formations. «Le travail a mauvaise presse, déplore-t-elle. Or, il peut contribuer beaucoup à notre réalisation personnelle et à notre sentiment d’appartenance. Tout le monde a envie de regarder sa journée avec satisfaction. Mais pour ça, il faut être capable de se dire: ce que j’ai fait est suffisamment bon.» En 2015, après 17 années de services, elle a quitté la présidence de l’Ordre des psychologues du Québec pour se consacrer à la communication. Pour «sortir la psychologie du bureau» et épauler les personnes dans leur rapport avec le travail et ses défis, qu’il s’agisse des relations entre générations ou de la gestion du changement dans les organisations. Un mandat qu’elle poursuit également à titre de directrice du programme RÉUSSIR en leadership et en communication, lancé au printemps 2017 en association avec Infopresse. [C.R.P.]
Elle change le Québec… en poussant de jeunes Inuits à croire en eux et à aller jusqu’au bout de leurs possibilités.
Cette enseignante du Grand Nord québécois est la meilleure prof du monde ! C’est la Fondation Varkey (un organisme philanthropique voué à l’éducation, basé à Dubaï) qui l’a dit, en la couronnant de son prix 2017 parmi 20 000 candidats des quatre coins du globe.
Engagée, empathique, passionnée par l’enseignement et le sport, cette Néo-Écossaise est arrivée à Salluit en 2010 après avoir travaillé comme volontaire pendant cinq ans auprès de réfugiés au Botswana, en Tanzanie et en République démocratique du Congo. Sa mission à l’école Ikusik? Imaginer différents projets pour intéresser à l’école des adolescents à haut risque de décrochage et… d’alcoolisme, de toxicomanie, de grossesses non désirées, sans parler du suicide. «Au Nunavik, le taux est 10 fois plus élevé qu’ailleurs au Canada», rappelle-t-elle.
Les dures réalités du Grand Nord québécois ne sont pas seulement liées à l’isolement. Elles participent de traumatismes qui remontent à la colonisation et au dépérissement des traditions ancestrales. Le tout est exacerbé par «un sous-financement public chronique et une pénurie d’enseignants», dit la jeune femme.
À son contact, ses élèves – qu’elle appelle ses «étoiles du Nord» – ont appris à s’engager dans leur milieu. Ensemble, ils ont entre autres créé le premier centre de mise en forme du village. «Mon objectif était de faire en sorte qu’ils se perçoivent comme des solutions aux défis que leur pose leur milieu», explique-t-elle.
Elle a en outre réussi à augmenter de 500% la participation des filles à un programme de compétences pratiques (cuisine communautaire, nutrition, éducation des enfants…) en l’adaptant pour elles. Ce genre de cours n’attirait jusqu’alors que les garçons.
Le prix de la Fondation est assorti d’une bourse d’un million de dollars. Maggie MacDonnell, en congé de maternité, compte utiliser une partie de cette somme pour fonder Qajaq («kayak» en inuktitut), un organisme sans but lucratif visant à faire renaître la pratique de ce sport chez les jeunes Inuits, une façon de servir trois objectifs: protection de l’environnement, activité physique et réappropriation de la culture. [C.P.]
Elle change le Québec… en facilitant l’entrée des femmes et des jeunes dans l’arène politique.
Lorsque l’ex-conseillère de l’arrondissement de Verdun, à Montréal, dit qu’elle a « porté » le dossier du congé parental des élus municipaux, elle ne fait pas de figure de style. En 2015, quand elle défendait cette cause, elle était enceinte de son deuxième enfant !
Pourquoi militait-elle pour ce congé ? « Certainement pas pour en obtenir encore plus pour les élus, comme l’a titré un média ! » lance la jeune femme de 33 ans. Il faut plutôt savoir qu’avant juin 2016 et l’adoption d’un amendement au projet de loi 83 (Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale concernant notamment le financement politique), les élus municipaux du Québec risquaient le renvoi en s’absentant plus de 90 jours de leur poste. Cela s’avérait donc incompatible avec le désir de devenir mère ou père, biologique ou adoptif.
Recrutée pour faire partie du comité de travail sur les mesures de conciliation travail-famille mis sur pied par l’ex-maire Denis Coderre au printemps 2015, elle a travaillé avec d’autres élus à formuler des recommandations sur cet enjeu. Ces représentations auprès du gouvernement du Québec ont porté fruit: les hommes et les femmes siégeant aux conseils de ville de la province ont maintenant droit à un congé parental de 18 semaines.
À l’heure actuelle, au Québec, les femmes sont encore trop peu nombreuses dans les conseils municipaux. Selon elle, c’est toute la démocratie qui en souffre : « Les jeunes femmes et les jeunes parents étant moins représentés, leurs voix ne sont pas entendues. » Quant à la fameuse conciliation au quotidien, « c’est tout sauf l’équilibre ! » confesse-t-elle. « Si on peut vivre avec le chaos, accepter que rien n’est parfait, la recherche de conciliation se passera bien. Car il peut arriver que notre enfant se mouche avec notre bord de robe juste au moment où on doit partir ! » [C.P.]
Elle change le Québec… en démontrant que nos rêves ne sont pas à des années-lumière du possible.
Pour celles qui tentent de se tailler une place dans un domaine à 110 % masculin, la scientifique d’origine innue a ce conseil : « Gardez la tête haute et cessez de vous remettre en question, cette place vous appartient ! »
Longtemps seule fille de son groupe universitaire, la jeune chercheuse de 31 ans a surmonté bien des difficultés liées à son sexe… Le fait d’être en âge de fonder une famille l’a aussi désavantagée dans sa quête d’un emploi dans un secteur hyper pointu. Mais qu’à cela ne tienne : elle est aujourd’hui astronome résidente à l’Observatoire Canada-France-Hawaii, sur l’île d’Hawaii, où elle forme ses pairs à l’utilisation de SITELLE. Cet instrument, qu’elle a contribué à mettre au point dans le cadre du doctorat qu’elle a mené à l’Université Laval, à Québec, permet de mieux comprendre le cycle de formation des étoiles. « C’est une contribution qui fait briller le Québec et le Canada », dit-elle. [C.P.]
Elle change le Québec… en montrant aux jeunes filles de 10 à 18 ans que technologie et entrepreneuriat ne sont pas que l’affaire des gars.
C’est à elle qu’on doit le lancement de la section montréalaise de Technovation au Québec, un concours international qui invite les adolescentes à concevoir une application mobile, ainsi qu’un plan d’affaires pour la mettre en marché. En 2016, deux Québécoises de 12 ans se sont d’ailleurs rendues en finale à San Francisco, avec une appli visant à contrer le gaspillage de nourriture. « J’aurais aimé qu’un tel programme existe quand j’étais étudiante. J’ai découvert tard ma fibre entrepreneuriale, parce que ça ne faisait pas partie des possibles qu’on nous présentait », raconte Stéphanie, 43 ans, qui investit bénévolement jusqu’à 30 heures par semaine dans Technovation, en marge de son poste de conseillère en relations internationales à la Ville de Montréal. Sa paie : quand des jeunes inscrites au concours lui disent qu’elles n’auraient pas envisagé de faire carrière en techno sans cette occasion. Cette année, elle œuvre à attirer plus de participantes issues des minorités culturelles, une cause qui tient particulièrement à cœur à cette fille d’immigrants haïtiens. [M.-H.P.]
Elle change le Québec… en instaurant ici une agriculture urbaine responsable.
Dans son Vermont natal, Lauren Rathmell était loin d’imaginer qu’un jour elle fournirait en légumes 10 000 familles québécoises par semaine ! À la fin de ses études en biochimie à l’Université McGill, elle s’interroge sur la pertinence du modèle d’approvisionnement alimentaire urbain. Est-ce logique qu’un poivron franchisse trois fuseaux horaires avant de se retrouver dans notre assiette ? De cette réflexion naît, en 2011, l’initiative de faire pousser des légumes en ville et de ne les cueillir que lorsqu’ils sont à point et… déjà vendus aux consommateurs.
Aujourd’hui, les Fermes Lufa en produisent une centaine de variétés à longueur d’année dans trois serres hydroponiques juchées sur le toit d’immeubles montréalais et lavallois. Captation d’eau de pluie à des fins d’irrigation, compostage des déchets organiques, distribution directe… « Oui, c’est beaucoup de travail, tout ça, mais c’est tellement gratifiant de nourrir les gens localement ! » s’exclame l’entrepreneure de 29 ans. [C.P.]
Elle change le Québec… en sensibilisant la population à la crise des opioïdes et aux préjugés sur la dépendance aux substances.
Depuis 16 ans, plus de 2 500 Québécois sont morts intoxiqués par des opioïdes, une puissante famille de médicaments utilisés pour soulager la douleur qui sont délivrés sur ordonnance, mais qu’on trouve aussi sur le marché noir. Le phénomène ne cesse de s’amplifier au pays. Or, bien des décès et des surdoses pourraient être évités si on améliorait l’accès à la méthadone et à la buprénorphine, deux médicaments de substitution aux opioïdes efficaces pour arrêter de consommer, croit Marie-Ève Morin. « Peu de médecins sont formés pour prescrire ces traitements pourtant simples, et c’est plutôt déplorable. »
Manifestement, l’omnipraticienne adore ses patients, qui le lui rendent bien – certains lui apportent même de petits cadeaux à l’occasion. « Ce sont des gens qu’il est hyper gratifiant de soigner, car le moindre soutien peut faire une grande différence dans leur vie, souligne la fondatrice de la chaleureuse clinique Caméléon, qui offre depuis deux ans des soins médicaux à ceux pris dans les griffes de dépendances diverses. Dans la salle d’attente, une faune bigarrée défile – ingénieurs, mères de famille, transsexuels, artistes… Pourtant, depuis qu’il est beaucoup question des opioïdes, les médias tendent à ne présenter que les piqueries et les prostituées des quartiers défavorisés, dénonce-t-elle, alors que le problème touche toutes les sphères de la société.
Dès le début de sa pratique, celle qui se destinait d’abord à une carrière en musique – « le piano a toujours été ma drogue de prédilection ! » – s’est intéressée aux gens dans la marge, car leur sensibilité à fleur de peau la fascine. « J’ai commencé à l’hôpital Saint-François d’Assise, dans le quartier Limoilou. À l’époque c’était un peu le Hochelaga de Québec, il y avait beaucoup de toxicomanes, de gens atteints du VIH, de l’hépatite C, de problèmes de santé mentale. Or, c’est auprès d’eux que je me suis sentie utile pour la première fois de ma vie. »
Elle-même détonne dans le paysage de la communauté médicale, avec ses Doc Martens fleuris et sa robe noire pas trop BCBG. « C’est vrai, et ça me fait plaisir ! Je suis une rebelle qui aime faire les choses autrement. Quand j’étais petite, je rêvais de devenir une punk sur la rue Sainte-Catherine. » Son sentiment de ne pas correspondre au profil type de l’étudiant en médecine – ce demi-dieu hyper compétitif et sans faille – l’a d’ailleurs conduite à l’anorexie pendant le doctorat. Un épisode très souffrant qui l’aide peut-être à mieux comprendre la détresse des gens qu’elle accueille dans son bureau vert lime, puisqu’on compare de plus en plus les troubles alimentaires à la toxicomanie.
Son rêve ? Publier un récit autobiographique un jour. Mais surtout, ouvrir d’autres cliniques Caméléon à Montréal. « Le nom Caméléon, c’est en l’honneur de Darwin, qui a écrit : “Ce n’est pas le plus fort de l’espèce qui survit, ni le plus intelligent. C’est celui qui sait le mieux s’adapter au changement.” Beaucoup de mes patients s’en sortent et deviennent même des overachievers. Ils démarrent des entreprises, font des bébés, retournent à l’école. C’est extraordinaire de les voir aller. Pour moi, ça vaut de l’or. Ils sont ce que j’ai de plus précieux. » [M.-H.P.]
Elle change le Québec… en permettant à de jeunes sportives d’aspirer elles aussi à percer au hockey professionnel.
On dit qu’elle est l’une des meilleures joueuses de la planète, la « Sidney Crosby du hockey féminin ». Des éloges qui lui donnent toujours des « sueurs », confie-t-elle au téléphone depuis Calgary, où elle s’entraîne avec l’équipe nationale canadienne en vue des Jeux olympiques de Pyeongchang cet hiver. « Ça me gêne vraiment ! Je me dis que c’est un sport d’équipe, que si j’ai marqué des buts, c’est parce que j’étais à la bonne place au bon moment… » Je lui mentionne une étude démontrant que les filles ont tendance à attribuer leurs succès aux autres, mais à porter seules le blâme quand ça tourne mal – au contraire des gars. Elle éclate de rire. « Ouais… C’est pas mal moi, ça ! »
Mais pilons un peu sur l’une des valeurs qu’elle dit chérir le plus, l’humilité, pour étaler quelques-uns de ses exploits. L’attaquante de 26 ans s’est illustrée aux Jeux de Vancouver en comptant cinq buts, contribuant de manière spectaculaire à l’obtention de la médaille d’or ; deux ans plus tard, en 2012, elle était sacrée championne du monde ; puis aux Jeux de Sotchi, en 2014, elle a encore aidé son équipe à remporter l’or en marquant trois buts décisifs en fin de match. Pas gênant comme feuille de route.
En juin dernier, la numéro 29 des Canadiennes de Montréal est aussi devenue la première hockeyeuse à tenir la vedette d’une vaste campagne publicitaire, celle de Gatorade, avec affiche format géant au centre-ville de Toronto. « Ça m’a fait chaud au cœur. J’espère que cette visibilité ouvrira la voie à d’autres filles. »
Car, au-delà de la médaille d’or qu’elle rêve d’avoir au cou aux Jeux de la Corée du Sud, la diplômée en psychologie de l’Université de Boston caresse aussi l’ambition de rendre le hockey plus égalitaire. Pour l’instant les injustices sont criantes : presque toutes ses consœurs des Canadiennes sont forcées d’avoir un emploi de jour, puisque le revenu de quelques milliers de dollars qui leur est versé par la LNHF (équivalent féminin de la LNH) ne met pas de beurre sur leur pain. On est loin des collections de Lamborghini de leurs homologues de la LNH… « C’est choquant. Surtout qu’on s’entraîne de la même façon que les gars. » D’ailleurs, les gens qui pensent que les filles ne sont pas vites, vites sur la glace ramassent leur mâchoire par terre quand ils les voient jouer pour la première fois. « Ils viennent souvent nous le dire après le match. Ça nous rend fières, mais en même temps, ça montre qu’il y a toujours des préjugés. »
En s’investissant pour promouvoir sa passion auprès des fillettes, elle réalise que bien des parents sont eux aussi aveuglés par ces stéréotypes. « Le hockey exige beaucoup d’implication de leur part, sur le plan des déplacements par exemple, et j’ai parfois l’impression qu’ils seraient davantage prêts à faire ces efforts pour leur fils, parce qu’ils ne voient pas que c’est tout autant un sport de filles. Il y a comme un blocage. C’est dommage parce que ce sont souvent les parents qui nous donnent la première chance de faire quelque chose qu’on aime. »
Elle sait de quoi elle parle : papa et maman Poulin sont ses alliés indéfectibles depuis ses débuts sur la glace, en Beauce, à cinq ans. « Ils m’avaient d’abord inscrite en patinage artistique, mais ils ont bien vu que j’enviais mon frère à l’aréna… Alors je me suis ramassée toute seule de fille parmi les gars du hockey mineur, avec mon équipement de marché aux puces ! » En entrevue, elle évoque souvent son clan. Ils étaient là aux Jeux de Vancouver, avec frérot Pierre-Alexandre, quand elle a remporté sa première médaille d’or. Ça pleurait à chaudes larmes. « C’est ma plus grande fierté, qu’ils aient été là. Je ne viens pas d’une famille riche, mon père et ma mère cumulaient chacun deux emplois pour que je puisse me consacrer au hockey. Aujourd’hui, ils sont à la retraite, mais ils ont encore des petits boulots pour se permettre de venir me voir jouer. Je leur dois tout ce que j’ai. » [M.-H.P.]
Elle change le Québec… en mettant les progrès technologiques au service de la santé.
Si elle figure déjà au cœur de nos vies, l’intelligence artificielle n’a pas fini de transformer nos sociétés, juge Joëlle Pineau. « Toutes nos interactions avec le monde numérique passent par elle. » La scientifique de 43 ans en connaît long sur le sujet : c’est elle qui a été choisie pour diriger le laboratoire du FAIR (Facebook Artificial Intelligence Research) à Montréal – le quatrième à ouvrir dans le monde, après ceux de New York, de Paris et de Menlo Park, en Californie.
Professeure en sciences informatiques à l’Université McGill depuis 2004, elle s’intéresse aux applications de l’intelligence artificielle en santé. Parmi ses projets en cours : la création d’un fauteuil roulant intelligent, capable de se déplacer partout de façon autonome.
Ce qui l’a incitée à accepter de prendre la tête du FAIR de Montréal ? L’accès à de nouvelles ressources, la possibilité de construire son équipe et celle de recruter des chercheurs de haut niveau. Aussi, la philosophie derrière ce projet. « Je peux parler de mes résultats très ouvertement. Ils sont tous publiés. » Selon elle, il est primordial que les femmes fassent davantage partie de cette grande révolution de l’intelligence artificielle. « Plus nos labos seront remplis de gens différents, plus la technologie créée reflétera cette diversité, avec ses caractéristiques et ses valeurs. » À McGill, fait-elle valoir, on a organisé une campagne afin d’augmenter les inscriptions au cours d’introduction à la programmation. « Maintenant, il compte la moitié de jeunes femmes. C’est fantastique ! » [C.R.P.]
Elle change le Québec… en utilisant son ingéniosité pour réduire les affres de la congestion routière.
Alors qu’elle travaillait pour la Ville de Montréal, celle que l’on surnomme la « reine des cônes orange » a été sidérée de voir que les travaux de réfection des infrastructures étaient gérés à l’aide d’un… fichier Excel. « Ça m’a donné l’idée d’un logiciel qui localise toutes les entraves à la circulation et propose des circuits de rechange aux usagers de la route. » Pour lancer ce projet, une initiative unique au monde, cette petite blonde de 31 ans dont le sport favori est de bouleverser le statu quo a largué sa sécurité d’emploi et cassé sa tirelire. Le tout sans connaître grand-chose en informatique ! « Mais je n’ai pas peur de m’entourer de gens meilleurs que moi. » Si on la prenait peu au sérieux au début – « jusqu’à ce jour, ça passe mieux auprès des investisseurs quand je suis accompagnée d’un homme… » –, aujourd’hui de gros acteurs la sollicitent, tels que Montréal et le ministère des Transports. L’Australie et plusieurs villes américaines l’ont aussi contactée. « Les travaux et les bouchons causent d’énormes méfaits environnementaux et financiers, notamment pour les petits commerçants. On n’a pas le choix de rénover, mais il y a moyen de réduire au minimum les impacts sur les citoyens ! » [M.-H.P.]
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