Entrevues

Ce que Alain Gravel a appris

Braquer les bandits et les pourris, rien de tel pour tuer les illusions. L’animateur d’Enquête, à Radio-Canada, est un homme réaliste, certes, mais heureux.

Photo: Radio-Canada

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Quand tu es certain de quelque chose, tu te pètes la gueule.  Chaque fois, il y a une belle grande leçon de modestie qui t’attend au coin de la rue. Alors, le jour où tu te crois en haut de la montagne, ne lève pas les bras. Baisse la tête et mets-toi en petit bonhomme. Parce que la flèche s’en vient.

On est tout seul dans la vie.  Nous sommes tous des îles désertes. Vivre en société, c’est construire des ponts vers les îles des autres. Ces ponts sont très importants, mais c’est une illusion de croire qu’on peut sauver les autres ou être sauvé par eux. Le soir, quand on se couche, on est tout seul sur son île.

Les enseignants devraient être nommés Personnalités de La Presse chaque semaine.  Ces gens-là aiment des enfants souvent difficiles, leur donnent des outils qu’ils ne pourraient peut-être pas obtenir autrement. Ils bâtissent des gens. Or, le meilleur enseignant de la planète n’aura jamais le titre de prof sénior et gagnera toujours 60 000 $ par an. Il va être prof, that’s it.

La vie est un escalier roulant que tu montes à l’envers.  Le jour où tu t’arrêtes, tu te mets à descendre. Si tu cesses d’être en activité, tu t’ennuies, tu tombes malade, tu es mort. Il faut toujours que je me batte. Courir des 10 kilomètres, traverser le Canada à vélo, me bagarrer contre moi-même. Ça me permet de rester vivant.

Donner ou recevoir un pot-de-vin sans se faire pincer, c’est un jeu d’enfant.  J’avais toujours pensé que la collusion et la corruption demandaient une organisation minutieuse. Ce n’est pas vrai. Plus on creuse, plus on voit que le système est gangrené de partout. Et pas seulement au Québec. En Europe, au Canada, c’est la même chose.

Nous sommes tous des animaux.  Il y a des gens qui pensent que les êtres humains naissent fondamentalement bons. Je pense au contraire qu’à la base on est tous des prédateurs. C’est l’éducation qui nous met des freins et nous transforme en êtres sociaux respectueux des autres.

La justice n’est pas la vérité.  Le droit est un système. Qui fonctionne, mais un système quand même, défini par une dynamique entre des groupes d’intérêt. Et le groupe qui prédomine est celui qui a le plus de poids. Au fil des générations, le système se raffine. Mais c’est toujours un système. La vérité ne commence pas dans un tribunal.

La tranquillité d’esprit n’a pas de prix.  Être assis sur un tas d’argent, mais passer des semaines à redouter que ça sonne à la porte à 5 h du matin ? Non merci. Les gens qui sont venus raconter leurs magouilles à la commission Charbonneau ont tous fondu en larmes en parlant de leur famille. Je préfère dormir sur mes deux oreilles. Sans compter que l’argent sert, entre autres choses, à mesurer la valeur qu’on accorde à ton travail. Mais l’argent que tu as volé ? Il ne vaut rien.

Une bonne façon de garder un secret, c’est de le partager. Je ne crois pas qu’on puisse vivre avec un gros secret toute sa vie. Alors, tu trouves une personne en qui tu as une confiance absolue et tu le lui confies. Comme ça, tu t’en libères. Et vous le gardez ensemble.

Chaque personne est un package deal. Tu ne peux pas t’empêcher d’être ce que tu es ni empêcher les autres d’être ce qu’ils sont. La vie finit toujours par te rattraper. Chaque personne est le résultat d’un équilibre fragile. Être en lien avec quelqu’un implique de respecter cet équilibre. Et de te souvenir que, si tu gagnes aujourd’hui, l’autre gagnera demain.

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