C’était à Vancouver, lors d’un congrès libéral, je crois, il y a quelques années. Chantal m’avait dit qu’elle m’emmènerait dans un bon restaurant chinois. Elle me demandait de ne pas inviter trop de monde surtout ; qu’on serait mieux en petit groupe pour discuter et manger. Chantal n’aime pas les parades et les artifices. Aux bruits des grandes tables, elle préfère les longues discussions à trois ou quatre. C’est plus sympathique. Et moins faux.
Il n’y a rien de faux, justement, chez Chantal Hébert. Pas de théâtre avec elle, elle ne se donne jamais en spectacle. Elle dit ce qu’elle a à dire comme, à une autre époque, on sortait des flèches et on tirait. Je l’ai souvent vue en action avec des politiciens. Je croyais être moi-même assez direct durant ce genre de rencontres mais, à côté de Chantal, je suis totalement déclassé.
Ce qui la sauve des représailles de ce milieu d’hommes-machos-qui-n’aiment-pas-la-critique, c’est qu’elle vise juste. Elle est précise, lucide. Et Chantal tire là où ça fait mal, quel que soit le sujet. Elle est libre. Et indépendante.
Elle ne « s’écoute » pas écrire, comme plusieurs le font dans ce métier. Elle écrit pour informer. En plus de signer ses chroniques, de prendre le micro à la radio et à la télévision, elle a rédigé un livre intelligent sur le rendez-vous qu’avait Stephen Harper avec le Québec. En deux mots, elle donne un sens à la politique canadienne. Gros contrat. Faire tout cela en français est déjà un accomplissement. Le faire dans les deux langues, c’est exceptionnel. Elle est « écoutée » par les deux solitudes. J’en ai été témoin à l’occasion de campagnes électorales que nous couvrions ensemble. Elle est une vedette, autant dans des petites villes du nord de l’Ontario qu’à Vancouver, Sept-Îles ou Montréal...
Pour tout cela et pour sa discrétion, son intelligence, et malgré nos différends parfois houleux, j’aimais beaucoup nos rendez-vous à Ottawa chez l’Indien. On mangeait vite et on parlait longtemps – ce même goût de la discussion à coups de hache pour mieux voir la forêt. Ces dîners me manquent.
Nous devrons trouver notre restaurant indien à Montréal.
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