Entrevues

Dominique Michel

Elle est montée sur scène pour la première fois en 1956. Presque 60 ans de télé, de cinéma, et elle est toujours dans nos vies. Et dans le cœur des Québécois. Mais comment elle fait?


 

La maladie vous a tenue éloignée de la vie publique pendant un an. Quand vous êtes revenue, vous avez reçu une très grande dose d’amour et d’affection… Avez-vous été étonnée?
Ça m’a fait du bien, ça m’a fait plaisir. J’ai pensé à Gaétan Labrèche [le père de Marc] qui m’avait dit un jour: « Les acteurs, on les respecte, mais les humoristes, on les aime. » Je savais que les gens m’aimaient, mais pas autant que ça. Je ne savais pas qu’ils s’étaient ennuyés de moi. Moi aussi, je me suis ennuyée d’eux. Mais il faut dire que le temps em-bellit les choses: les Bye Bye, ils deviennent meilleurs avec le temps. J’en ai fait des mauvais, mais le monde oublie. On ne se souvient que des bonnes affaires! Tant mieux.

C’est quoi la différence entre les artistes qui durent et les autres? Qu’est-ce qu’ils ont, les gens qui, comme vous, comme Michel Louvain et quelques autres, sont capables de traverser cinq ou six décennies?
Le travail, je pense. Denise Filiatrault et moi, on était des travailleuses. Michel Louvain, lui, est toujours impeccable dans le travail. Un spectacle, une émission de télévision, ça coûte cher. Mais il y a des artistes incapables d’arriver à l’heure. Moi, si on me dit d’arriver au studio à 8 heures du matin, je suis là à 7h30. Des fois, la porte est barrée, mais je suis là.

Et puis, on n’a pas ce que j’appelle des états d’âme. C’est le résultat qui compte. La ligne de texte est plate? On l’enlève. Sans état d’âme. Même si c’était mon idée. II faut être très exigeant, surtout dans la comédie.

Des fois, on passe à côté. Ça arrive, on n’est pas parfaits. On a fait des mauvais sketchs, on a eu de moins bons succès. Mais on travaillait, on répétait, on s’arrangeait pour que ça ne soit pas mauvais. Elle est là, la réponse, je crois. Le travail. Et le respect. Les gens dépensent leur argent – si difficilement gagné – pour venir nous voir en spectacle. Ils veulent en avoir pour leur argent et ils ont raison. Et ils savent reconnaître le respect qu’on a envers eux. L’artiste qui n’est pas sérieux, qui prend un coup fort, qui n’arrive pas à faire son spectacle, il ne peut pas durer longtemps…



 

Dominique Michel : la séance photo
Dominique Michel a peut-être l’air angélique, vêtue de blanc, mais ne vous fiez pas aux apparences! La grande dame de l’humour est une vraie démone!

À la suite de sa guérison, Dominique Michel a décidé d’appuyer la Fondation HMR (Hôpital Maisonneuve-Rosemont) dans la création d’un centre de cancérologie. Visitez son site internet pour en savoir plus : www.jappuiedodo.com.

Dans toute votre vie, vous n’avez jamais eu un job ordinaire…
Non, jamais. J’ai commencé à chanter au Faisan doré à 17 ou 18 ans. Je n’avais même pas le droit d’entrer là! Mon père venait me conduire; il m’attendait à la porte parce qu’il ne voulait pas que je reste dans le club entre les sets.

Ça ne vous a jamais empêchée de « connecter » avec le monde, de comprendre ce qu’est une journée de travail difficile ou plate.
Denise et moi, on vient d’un milieu pauvre. Mon père était chauffeur de taxi, ma mère était coiffeuse et faisait des ménages. Personne ne nageait dans l’argent chez nous. Se lever le matin pour aller faire des choses dont on n’a pas nécessairement envie, on connaît ça aussi…

Au Québec, vous ne devez pas pouvoir vous promener dans la rue sans être constamment abordée par les gens. Mais si vous allez à Prague ou à Saskatoon, plus personne ne vous reconnaît. C’est difficile de passer d’un état à l’autre?
Pantoute, ça ne me dérange pas. Moi, tu sais, dès que je dépasse le boulevard Saint-Laurent, on ne me connaît plus tellement! De toute façon, les gens sont gentils. « Bonjour, ça va mieux? » Un coin de rue plus loin: « Bonjour! On a eu peur pour vous… » Encore un peu plus tard : « Bonjour, comment ça va? » On répète, mais c’est pas grave. Si tu ne veux pas être reconnue, reste chez vous…

Vous avez été enfant unique à une époque où c’était très rare. Est-ce que ça a eu un effet sur vous?
Ma mère a été très malade et a subi très jeune ce qu’on appelait « la grande opération ». J’ai eu la même chose et j’ai dû moi aussi me soumettre à une hystérectomie. C’est pour ça que je n’ai pas eu d’enfants. Je ne crois pas que ça ait changé quoi que ce soit. Sauf peut-être que je ne m’ennuyais jamais. Encore aujourd’hui, c’est pareil. Je fais mes choses, je marche, je regarde la ville. Les gens se plaignent de la pluie. Moi, ça ne me fait rien. Je m’habille pour la pluie. C’est tout.



 

Dominique Michel : la séance photo
Dominique Michel a peut-être l’air angélique, vêtue de blanc, mais ne vous fiez pas aux apparences! La grande dame de l’humour est une vraie démone!

À la suite de sa guérison, Dominique Michel a décidé d’appuyer la Fondation HMR (Hôpital Maisonneuve-Rosemont) dans la création d’un centre de cancérologie. Visitez son site internet pour en savoir plus : www.jappuiedodo.com.

Et le fait d’avoir été élevée, dans les années 1940, par une mère qui travaillait, ce qui était vraiment rare… C’était aussi très particulier, non?
Ma mère marchait de chez nous, sur la rue Rivard [dans le Plateau-Mont-Royal], pour aller à son salon de coiffure sur Sainte-Catherine, près de Papineau. Et de là, elle allait faire des ménages sur la rue Crescent. Disons que j’ai appris à travailler! Et à être indépendante. Je ne me suis mariée qu’une fois, avec un joueur de hockey. J’avais payé la maison et beaucoup de choses. Mais à cette époque-là, tout était au nom du mari. Quand je me suis séparée, je n’ai rien demandé. Pas une cenne. Par la suite, quand j’ai vécu avec un homme, on payait toujours tout moitié-moitié.

Vous avez eu et vous avez encore des coups de foudre, des coups de cœur. Et vous les suivez toujours. Les hommes, c’est important dans votre vie? Vous aimez séduire?
Oui! Mais quand je vais à un party, j’ai du plaisir, je ne pense pas à la séduction. Et puis, à un moment donné, il y a des regards. Tu trouves toujours quand tu ne cherches pas… J’ai toujours dit ça, puis c’est vrai. Mes vraies histoires d’amour ont toutes été des hasards. Et j’ai toujours eu plus de succès auprès des Européens. Peut-être que les Québécois avaient un peu peur de moi. Parce que je faisais rire les gens, ils avaient peut-être peur de faire rire d’eux!

Dans votre autobiographie, vous dites pourtant ne plus croire à la fidélité…
J’ai fini par me rendre compte que les hommes ont besoin de séduire et de dominer. Ce n’est pas grave. J’ai quitté, j’ai été quittée mais, dans l’ensemble, j’ai été très heureuse. Et je me suis habituée à être seule. Mais, très bizarrement, avec le temps, ceux qui m’ont laissée sont tous revenus!

Et maintenant, vous avez des projets?
Aucun! Moi qui aimais tellement voyager, j’en ai beaucoup moins envie. Je veux profiter de la vie, de la tranquillité de la vie. De mes amis. C’est important, les amis. C’est le plus important, je pense…

Ce qu’elle a appris

Il ne faut pas toujours pardonner. J’ai déjà été flouée financièrement par un « ami ». Mon père m’avait dit de mettre ça derrière moi pour ne pas m’empoisonner la vie. Il avait raison. Alors, je ne me lève pas tous les matins en haïssant mon escroc, mais je n’ai pas pardonné.

Occupe-toi de tes affaires toi-même. J’ai un comptable, un avocat. Mais je m’administre moi-même. Je fais mes chèques, je surveille mes placements. Il faut être respon­sable de ses finances.

Ta maison, c’est toi. La maison reflète beaucoup la personne. J’ai eu 26 maisons dans ma vie. Mais je vis au même endroit depuis 23 ans et je n’en bougerai plus. Chez moi, c’est le blanc et la lumière.

Hier, c’est fini. Demain? On ne sait pas. On peut mourir. On le dit, mais on ne le sait pas. La maladie me l’a fait comprendre. Et ça change tout. La vie, c’est aujourd’hui.

Il faut se faire plaisir. Je ne faisais pas beaucoup ça avant. Maintenant, oui. Exemple: je voyage en classe affaires. Ça me coûte 300 dollars de plus, mais je suis plus à l’aise. Il m’a fallu atteindre 79 ans et être malade pour y penser!



 

Dominique Michel : la séance photo
Dominique Michel a peut-être l’air angélique, vêtue de blanc, mais ne vous fiez pas aux apparences! La grande dame de l’humour est une vraie démone!

À la suite de sa guérison, Dominique Michel a décidé d’appuyer la Fondation HMR (Hôpital Maisonneuve-Rosemont) dans la création d’un centre de cancérologie. Visitez son site internet pour en savoir plus : www.jappuiedodo.com.

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