Entrevues

Femmes de l’année : les citoyennes engagées

Des femmes qui croient qu’on peut améliorer la vie et le monde. Et qui y travaillent.



 

La gagnante : Nahid Aboumansour
Directrice générale de Petites-Mains


L’alliée des nouvelles Québécoises

Nahid Aboumansour connaît de l’intérieur la réalité des immigrantes. En quittant le Liban, en 1990, elle croyait que sa profession d’architecte, pratiquée avec succès à Beyrouth, lui ouvrirait toutes les portes au Québec. Elle s’est plutôt butée à un problème bien québécois?: l’absence de reconnaissance des diplômes étrangers…

Personne ne lui a ouvert de porte. Mais une religieuse d’origine gaspésienne, sœur Denise Arsenault, lui a ouvert les bras. Nahid Aboumansour s’était inscrite, à titre de bénévole, au comptoir alimentaire que tenait cette dernière dans un petit local du quartier Côte-des-Neiges, à Montréal.

«Je vois de grandes choses dans tes yeux», lui a un jour confié la religieuse de Sainte-Croix. En 1995, les deux femmes ont fondé l’organisme social Petites-Mains. Sa mission?? Venir en aide aux immigrantes fraîchement débarquées.

«Je voulais offrir mon soutien à ces femmes, pour la plupart sans emploi, faciliter leur intégration et les guider dans l’apprentissage du français, que, très souvent, elles ne maîtrisaient pas», précise Nahid Aboumansour.

«Sœur Denise répétait que la clé de l’intégration, c’est le travail», aime-t-elle à rappeler. Nahid et la religieuse ont eu l’idée d’offrir des cours de couture industrielle. «Nous savions qu’il y avait de grands besoins de main-d’œuvre dans ce domaine à Montréal.»

Les deux fondatrices ont eu du flair. Depuis, bon an, mal an, une soixantaine de femmes suivent la formation. Le taux de placement en entreprise s’élève à 85 %. L’organisme fournit du travail à 24 personnes. Il offre également de l’accompagnement et des programmes de francisation.

«Quand une mère ne parvient pas à lire le bulletin de ses enfants, comment peut-elle s’intégrer à sa société d’accueil??» demande Nahid.

Sœur Denise est décédée il y a quelques années?; Nahid a continué. En 2007, Petites-Mains a acquis un immeuble, boulevard Saint-Laurent, dans le quartier Villeray. Ç’a été l’occasion d’élargir ses activités. Le local abrite désormais un café-resto, un service de traiteur et un comptoir de vente. On y fabrique des vêtements de travail, des uniformes et des t-shirts associés à certains événements. «Les gens qui les achètent sont conscients qu’ils aident les immigrantes», dit Nahid Aboumansour. Petites-Mains ouvrira prochainement une garderie.

Boulimique de travail, sa directrice a su préserver un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. La plus grande fierté de cette citoyenne engagée? Ses quatre enfants. «Tous ont fréquenté l’université. J’ai pu leur transmettre mes valeurs tout en faisant de longues heures», s’enorgueillit-elle. L’une de ses deux filles, diplômée de HEC, travaille dans une importante entreprise. L’autre sera bientôt avocate. L’un des fils est ingénieur et l’autre étudie en mathématiques pour devenir actuaire.

«Il y aura de la relève pour assurer l’avenir de Petites-Mains», lance-t-elle à la blague. Pour la femme de 54 ans, la vie n’a de sens que si on la consacre aux autres.

Pour voir le portrait VIDÉO de Nahid Aboumansour, rendez-vous à ?femmesdelannee.ca/videos?.



 

Rhéa Fontaine
Directrice de Nouveau Parcours, organisme de soutien aux jeunes

Maman secours
Les jeunes en difficulté ont trouvé en Rhéa Fontaine une alliée. Aujourd’hui que ses trois enfants sont grands, cette fervente croyante consacre temps et argent à aider son prochain. Elle était consternée de voir tant d’enfants et d’ados opter pour le suicide – comme s’il s’agissait d’une solution. «Je ne suis pas psychologue. Je suis une femme de cœur», dit-elle. Il y a quatre ans, elle a donc créé un organisme de soutien en s’entourant d’une douzaine de bénévoles. Nouveau Parcours travaille au cas par cas. À petite échelle. L’équipe visite des enfants et des adolescents du Centre jeunesse de la Montérégie. Pour les écouter, les conseiller. On les invite à une partie de hockey, on les convie à un camp de vacances ou on leur offre une bourse d’études… La famille de Rhéa Fontaine assume presque tous les frais, les autres sources de revenu de l’organisme étant les soupers-bénéfice et les tournois de golf. «J’embellissais des maisons. Maintenant, j’essaie d’embellir la vie des enfants oubliés!» dit cette ex-designer. Rhéa Fontaine s’attaque désormais à un nouveau projet : l’ouverture de la Maison Nouveau Parcours, à Longueuil, un lieu de transition pour les jeunes obligés de quitter les centres jeunesse à 18 ans. La maroquinerie Joanel s’est associée à l’initiative en signant un sac de golf branché qui devrait être lancé cet automne. Tous les profits de la vente iront à la future Maison. (?nouveauparcours.com?)



 

Carole Robert
Présidente et cofondatrice de la Fondation Biotechnologie pour le développement durable en Afrique

La femme d’affaires qui fait du bien
Tous les jours, Carole Robert se lève aux aurores. Elle habite Blainville mais son business est en République démocratique du Congo! Business, c’est une façon de parler. Car, croit-elle depuis longtemps, LA manière d’aider l’Afrique, c’est de lui donner les outils qui lui permettent de développer ses richesses. Le continent africain recèlerait le tiers des plantes médicinales de la planète… mais est absent de ce gigantesque marché de près de 60 milliards de dollars. C’est dans cet esprit que Carole Robert a créé, en 2006, la Fondation Biotechnologie pour le développement durable en Afrique (BDA). Avec de multiples partenaires, elle forme des entrepreneurs congolais à la culture et la transformation de l’or vert. Comme l’armoise, qui traiterait le paludisme. Ou le moringa, un arbre dont les feuilles auraient des vertus contre l’hypertension artérielle et le diabète. Un premier laboratoire, construit par des étudiants de l’École de technologie supérieure de Montréal, niche déjà dans une forêt congolaise. Et une première cohorte de 20 écoentrepreneurs termine une rigoureuse formation de trois ans. «On peut aider sans faire la charité. Le développement doit passer par le commerce», dit-elle. Pari réussi pour cette ex-infirmière qui s’est convertie en femme d’affaires – elle a présidé le conseil d’administration du Centre de commerce mondial de Montréal de 1996 à 2002. «À 30 ans, jamais je n’aurais pu faire ce que je fais maintenant. Je n’avais pas la force ni la maturité. Je suis la somme de toutes mes expériences passées…»



 

Hélène Cyr
Fondatrice de Mentoring Africa

Du flair et du cœur
Elle a quitté un gros poste (une vice-présidence chez CAE) pour travailler dans l’humanitaire au Rwanda. «Aider et changer la vie des gens, ça vaut plus que l’argent que je faisais avant», dit-elle. L’avenir de ce pays africain passe par l’entrepreneuriat, croit-elle. Les Rwandais ont des idées, mais peu accès au crédit – les banques imposent des taux d’intérêt de 20?%?! Hélène Cyr veut donc leur donner «les moyens de leurs ambitions» à travers Mentoring Africa, qu’elle a fondé en mars 2010. Elle y examine les plans d’affaires qu’elle reçoit avant de partir à la recherche d’investisseurs – jusqu’ici, que des proches… et elle-même, qui a mis de sa poche 15 000 dollars dans six entreprises en démarrage et 200 000 dollars dans une école d’hôtellerie. Elle veut créer des ponts entre les entrepreneurs d’ici et ceux de là-bas – et aider ces derniers à devenir plus autonomes. «Ce que je cherche, ce sont des coachs!» s’exclame-t-elle. Son approche a retenu l’attention du Rwanda Develop­ment Board, qui l’a embauchée comme consultante. D’ici 2020, l’État rwandais veut s’affranchir de l’aide internationale. Hélène Cyr compte bien y contribuer!



 

Phoebe Greenberg
Fondatrice de DHC/ART et présidente du Groupe PHI

La mécène discrète
Vous ne la connaissez peut-être pas. Normal. Elle fuit les honneurs. Et pourtant. Phoebe Greenberg utilise la fortune familiale pour financer des expo­sitions. Combien ça lui coûte?? «Je n’aime pas les chiffres», dit la mécène. La réponse est 1,5 million par année, depuis 2007. Son engagement?: rendre l’art contemporain accessible à tous. Sa fondation, DHC/ART (Les Créations Diving Horse), est un lumineux édifice du Vieux-Montréal accueillant les œuvres d’ar­tistes de renommée internationale. L’entrée est gratuite. En mars 2012, un second bâtiment, situé dans le même quartier, abritera le Centre PHI. Ce lieu de création et de diffusion avant-gardiste (payant, celui-là) réunira une salle de cinéma, une salle de concert, un resto et des studios. Phoebe Greenberg est aussi chef d’entreprise. Le Groupe PHI, sa boîte de production, est derrière le court métrage Next Floor (2008), de Denis Villeneuve, et a coproduit Incendies, mis en nomination pour un Oscar!

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