Entrevues

Femmes de l’année : les tops entrepreneures

Elles ont lancé leur entreprise. Et ça marche!



 

La gagnante: Marie gosselin
Présidente-directrice générale des Serres du St-Laurent

Madame Savoura
L’anecdote est révélatrice. Dans l’ascenseur qui nous menait au restaurant pour l’entrevue, Marie Gosselin jasait affaires, parts de marché et, bien sûr, tomates. «Nous produisons 60?% de toutes les tomates de serre du Québec», disait-elle, entre autres, sans préciser le nom du produit. Un inconnu qui suivait la conversation n’a pas pu se retenir?: «Vous parlez de Savoura??» Il avait deviné la marque.

Une telle reconnaissance fait la fierté de la présidente-directrice générale des Serres du St-Laurent, plus connues sous l’appellation de Savoura. Marie Gosselin a participé à chaque étape de l’évolution de cette entreprise familiale au chiffre d’affaires de 30 millions de dollars. Et dont les produits se vendent aussi en Ontario et jusque dans l’est des États-Unis.

Elle était à Portneuf en 1989, l’année où son père, un agriculteur qui avait travaillé toute sa vie «dans les patates», comme elle dit, a investi dans un nouveau champ d’activité?: la tomate de serre. C’est elle qui, à titre de directrice des ventes et du marketing, a eu l’idée d’accoler une marque à un produit qui n’en avait jamais eu (en publicité, cela s’appelle branding). Elle a associé ce nom à la fraîcheur (les fruits sont en grappes, pour rappeler qu’ils viennent d’être cueillis), ce qui justifie un prix plus élevé. Et elle était au Mexique il y a quelques mois, lors de l’inauguration d’une serre Savoura au pays de la téquila. «Le Mexique, c’est mon idée?; j’y pensais depuis sept ou huit ans», explique l’agronome de formation qui dirige depuis 2008 les destinées de Savoura. Les premières tomates mexicano-québécoises égaieront cet automne les marchés du sud des États-Unis, de 24 à 48 heures après la cueillette.

Malgré leur réputation de machos, les Mexicains n’ont pas de problema à avoir una mujer comme patronne, assure-t-elle. «C’est d’ailleurs une femme qui est responsable sur place, une Québécoise qui a déménagé là-bas.» Marie, élevée dans une ferme, n’a pas de mal à évoluer dans un monde de costumes-cravates. «Les fruits et légumes, c’est très masculin. Je fais partie de quelques regroupements de chefs d’entreprise. La plupart du temps, je suis la seule femme autour de la table.»

Un mot revient souvent dans la conversation?: plaisir. Le plaisir qu’elle a à se lever tôt pour aller courir ses 5 km. «Ensuite, j’arrive au bureau en feu.» Celui qu’elle vit en famille, avec son mari et leurs deux ados, une fille et un garçon. «Je veux leur transmettre ma passion des affaires, pas nécessairement celle des tomates.»

Sans oublier le plaisir de produire un aliment santé, sans pesticides, avec l’empreinte écologique la plus faible possible (en chauffant les serres au biogaz, par exemple). Et, surtout, en donnant du boulot à plus de 400 personnes. «Je veux que mes employés m’appellent Marie et me tutoient. Je ne les connais pas tous par leur prénom, mais je sais que chacun d’eux a une famille, une vie. Des fois, on doit prendre des décisions qui ont des répercussions directes sur eux. C’est le genre de chose qui m’empêche de dormir. Pas de devoir jeter des tomates trop mûres ou de constater qu’une bibitte est entrée dans la serre.»

Pour voir le portrait vidéo de Marie Gosselin, rendez-vous à ?femmesdelannee.ca/videos?.



 

Christiane Germain
Coprésidente du Groupe Germain

La femme de l’hôtel
La chaîne hôtelière Germain est une affaire de famille. Mais les hôtels – sept au Canada – portent clairement sa griffe. Succès d’estime. Succès d’affaires. Toutefois, la patronne refuse de se reposer sur ses lauriers. «Il n’y a rien d’acquis, constate Christiane Germain, 55 ans. Il faut se battre au quotidien. Pour réussir en affaires, mieux vaut éviter les états d’âme. Et savoir se tenir droite. Je suis une femme forte.» Forte et inventive. Elle qui a fait sa marque grâce à ses élégants hôtels-boutiques (on peut acheter de la literie, un peignoir ou des chandelles pour recréer l’ambiance chez soi) se démarque aujourd’hui avec ses hôtels ALT, des trois étoiles super design à bon prix. Des petits nouveaux arrivent dans la famille Germain. Après Québec et Brossard, voici que Montréal, Toronto, Winnipeg et Halifax auront le leur d’ici deux ans. Tout cela en conciliant étroitement travail et famille. Christiane Germain bosse avec ses frères et sa grande fille de 29 ans, nouvelle maman. «J’ai voulu lui transmettre mon Photo : Groupe Germain                                    assurance. Elle l’a», dit-elle avec fierté.



 

Noémie Dupuy
Fondatrice et associée chez Budge Studios, boîte de développement Web

Elle fait lire les bambins
Les enfants n’aiment pas lire?? Noémie Dupuy a prouvé le contraire. Avec éclat. Ses fillettes de deux et trois ans lui ont inspiré des livres interactifs pour les iPhone, les iPad. Un principe simple, mais irrésistible. Un narrateur lit l’histoire, le texte défile, et les mots prononcés s’illuminent. L’enfant touche les images colorées et elles s’animent. Ces livres, destinés aux bambins, sont conçus par Budge Studios, l’entreprise que Noémie, 38 ans, a fondée l’an dernier avec Michael Elman et David Lipes. Pour sortir du lot, le trio a misé sur des célébrités enfantines?: Dora l’exploratrice et son cousin Diego. Puis il est allé voir le géant new-yorkais Nickelodeon, qui possède les droits d’exploitation de la série d’animation. «Ils ont adoré notre idée», dit cette diplômée de HEC. Quatre titres sont déjà en vente (de trois à six dollars). D’autres s’en viennent. Ils seront téléchargés plus de 2 millions de fois, estime Noémie. «On offre du contenu intelligent. Sans pub?!» Et ça plaît.



 

Cinzia Cuneo
Fondatrice et présidente du site Web SOSCuisine.com

Elle est dans 250 000 cuisines  
L’offre est alléchante… Dites à Cinzia Cuneo combien de personnes mangent à votre table. Elle planifiera vos soupers, dressera même votre liste d’épicerie. Sa promesse?: si vous cuisinez 90 minutes pendant le week-end, il suffira de 30 minutes chaque soir pour servir un repas équilibré, savoureux… et fait maison?! Un quart de million de familles, québécoises pour la plupart, ont mordu à l’hameçon. Pour les satisfaire, une dizaine d’employés leur concoctent des menus personnalisés à consulter en ligne – gratis?! – en tenant compte des aliments de saison, des rabais en magasin et de leur style de vie. Cinzia Cuneo a eu l’idée de ce site en constatant le désarroi de son mari alors qu’elle était en voyage?: il ne savait plus quoi manger. « J’ai senti qu’il y avait un besoin pour d’autres.?» En 2005, l’ingénieure chi­miste se lance en affaires. Elle tire ses revenus de la publicité. Et aussi des menus sur mesure, payants, pour les diabé­tiques, les arthritiques, les femmes enceintes… Ils se vendent partout, du Mexique à la Nouvelle-Calédonie?!



 

Mélanie Vincelette
Éditrice et directrice des Éditions Marchand de feuilles

La petite marchande de feuilles
Un restaurant, une boutique, d’accord. Mais une maison d’édition?? Quel projet d’affaires casse-cou?! Pourtant, Mélanie Vincelette en a créé une. À 26 ans. Et l’a fait grandir, depuis, avec l’aide de subventions de Québec et du maire de Montréal. Et d’un imprimeur patient. «J’en ai mis, du temps, avant de le payer», dit-elle. C’était il y a 10 ans. Déjà. En 2001, elle lançait Marchand de feuilles afin de publier son premier roman, Petites géographies orientales. Aujourd’hui, installée dans un édifice centenaire du Vieux-Montréal, sa micro-équipe (trois personnes) produit 10 ouvrages par année. «J’ai un pied dans la réalité, un pied dans la fiction», dit l’écrivaine. Dans la réalité, ça se bouscule au portillon?; Mélanie accepte 1?% des manuscrits qu’elle reçoit. Romans, essais, poésie, livres jeunesse, l’audacieuse éditrice n’hésite pas à miser sur de nouveaux auteurs. «L’avalée des avalés était le premier roman de Réjean Ducharme, se défend-elle. Un premier livre, on y travaille longtemps. Et on ne se censure pas?! C’est passionnant.» Mélanie Vincelette cherche avant tout à faire connaître notre littérature partout. En français. Sa protégée, Michèle Plomer, a reçu le prix France-Québec pour HKPQ. Et elle-même a publié Polynie aux Éditions Robert Laffont – elle préfère aujourd’hui ne pas éditer ses propres romans. Son bouquin décrivant le Grand Nord a été bien accueilli au Québec comme en France.

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