La gagnante : Renée Daoust
Architecte, associée chez Daoust Lestage
Elle pense la ville de demain
Architecte n’est pas précisément un métier public. Ces dernières années, pourtant, les médias en pincent pour Renée Daoust, devenue malgré elle une ambassadrice de sa profession. Toute menue et discrète comme un battement de cils, elle travaille, en tandem avec son associé Réal Lestage, à d’immenses chantiers. Le plus récent, la Place des Festivals (un amphithéâtre à ciel ouvert à l’angle des rues Jeanne-Mance et Sainte-Catherine, à Montréal), donne à la métropole un air de fête avant-gardiste?: jets d’eau illuminés, lampadaires aéroportuaires et deux vitrines habitées – ces pavillons largement fenêtrés abritant chacun un resto – dont elle s’est particulièrement occupée.
Trend-setteuse, Renée Daoust? L’étiquette la fait sourire. Sa pratique «terre à terre» consiste à ériger des bâtiments et des espaces publics conçus pour durer… et attirer les gens. Les plus connus ici, couronnés de prix?: le Quartier international de Montréal et le Centre CDP Capital, pour lequel elle a été chargée de projet. «Le Québec découvre peu à peu l’architecture et le design urbain», remarque cette fille de médecin qui
embellit nos villes depuis près de 25 ans pour «le confort des usagers». «Nos créateurs se démarquent, ici comme ailleurs. Mais nous manquons de vision, nous ne nous donnons pas les moyens de nos ambitions.»
Si l’architecte et urbaniste (elle a la double formation) a accepté cette tribune, ce n’est ni pour se mettre en valeur ni pour s’attribuer les honneurs. Elle n’a de cesse de rendre à César (César étant ici son associé, son équipe, les firmes amies, les clients…) ce qui lui appartient. «Ce sont les projets qui importent, insiste-t-elle. Si j’en parle, c’est pour faire valoir l’architecture. Ce qu’on ne fait pas assez.»
Dès qu’il est question d’investissement au Québec, on préfère souvent des projets à moindre coût à d’autres plus haut de gamme. Dommage. «Beaucoup de mauvaises décisions ne se rachètent pas», dit-elle, qui n’hésite pas à faire reprendre des travaux de construction quand la qualité laisse à désirer.
Mordue d’architecture jusque dans ses voyages, la dame aux yeux perçants en est arrivée à un constat?: le Québec a besoin d’un ministère de l’Architecture et du Design ou d’une commission à laquelle siégeraient des experts venus du monde entier. «L’échangeur Turcot, les grands hôpitaux, l’autoroute Ville-Marie… Ces ouvrages sont construits pour les 50 ou 75 prochaines années. Souvent, les architectes sont absents des grandes discussions. Il faut établir une ossature qui nous permette d’avoir voix au chapitre.»
Se porterait-elle à la tête d’un tel organisme?? «J’aime beaucoup trop la pratique et la réalisation.» Mais elle
serait volontaire pour esquisser les modalités de sa mise sur pied.
À 50 ans, sa passion «de l’urbain à l’objet» (la pierre angulaire de la firme) ne tiédit pas. Cette épicurienne, qui n’a ni mari ni enfants, a de belles années devant elle et des projets, dont trois à Toronto – le Centre d’excellence Glendon de l’Université York, l’artère principale du campus de l’Université Ryerson et possiblement deux bâtiments résidentiels liés aux Jeux panaméricains de 2015. «L’architecture est une profession extraordinaire pour les femmes, se réjouit-elle. Plus on vieillit, plus on a d’expérience et de projets à présenter.» Et ça ne fait que commencer!
Pour voir le portrait vidéo de Renée Daoust, rendez-vous à ?femmesdelannee.ca/videos?.
Nathalie Bondil
Directrice du Musée des beaux-arts de Montréal
Elle fait jazzer le musée
Le Musée des beaux-arts de Montréal inaugure ces jours-ci un nouveau pavillon et une salle de concert adjacents au vénérable édifice d’origine. «Pour moi, ce musée est sans limites.» En 2007, quand elle a été nommée directrice, Nathalie Bondil annonçait ainsi son programme pour les années suivantes. Et elle a tenu parole. De l’art cubain à celui du jazzman Miles Davis en passant par Otto Dix – un peintre allemand trash censuré par Hitler – et le message de paix de John Lennon et Yoko Ono, elle a constamment surpris la galerie et emballé le public. Née à Barcelone, élevée au Maroc puis en France, diplômée entre autres de l’École du Louvre, spécialisée dans l’art du XIXe siècle, Nathalie Bondil est entrée au Musée des beaux-arts de Montréal en 1999. L’année suivante, elle en est devenue la conservatrice en chef, fonction qu’elle assume toujours. Brillante et cultivée, mariée et mère d’une fille de 12 ans, elle ne se cache pas d’aimer la mode?: à preuve, les récentes expositions sur Yves Saint Laurent, Denis Gagnon et, bien sûr, Jean Paul Gaultier, un triomphe sur toute la ligne. Ce n’est pas fini. Nul doute qu’avec son nouvel espace, Madame la directrice repoussera encore les limites.
Marie Saint Pierre
Designer
Chic pour toutes
Déjà connue des fashionistas, la marque Marie Saint Pierre s’apprête à entrer dans des milliers de garde-robes?: la créatrice lance cet automne une minicollection exclusive et à prix d’ami (moins de 100?$) chez Reitmans. Et, détail non négligeable?: c’est fabriqué à Montréal. Vingt-cinq années après ses débuts, Marie n’est pas peu fière de cette alliance sans précédent avec «le plus gros détaillant du pays». Première designer canadienne à défiler à Paris, en 1994, elle s’est bâti une entreprise sur mesure, secondée par sa sœur Danielle, qui a quitté le monde de la finance pour l’épauler. Ensemble, elles multiplient les initiatives. L’une des plus récentes est un duo d’eaux de parfum, B et C. Qualifiée de «papesse de la mode québécoise» par le prestigieux quotidien français Le Monde, Marie Saint Pierre se voit plutôt comme une survivante. «Le milieu n’est pas facile. Quand les journaux parlent d’un designer québécois, c’est parce qu’il vient de faire faillite.» Mais aujourd’hui, si on parle d’elle, c’est que ses affaires roulent mieux que jamais.
Catherine Beauchamp
Reporter et productrice Web
Elle fait son cinéma
Avec le petit héritage légué par son grand-père, Catherine Beauchamp a changé de vie. Celle d’avant n’était
pourtant pas si mal?: employée dans une agence de pub, la trentenaire – et mère d’une fillette – gagnait un bon salaire. Mais elle avait un désir inassouvi?: faire du cinéma. Incapable de trouver un boulot dans ce domaine, elle s’en est fabriqué un sur mesure dans Internet en mars 2008?: animatrice-chroniqueuse-productrice de capsules consacrées aux films francophones. À une époque où la webtélé en était encore à ses premiers balbutiements. Le tapis rose de Catherine a été son sésame pour pouvoir braquer son micro rose bonbon sous le nez des stars, ici, à Paris, jusqu’à Cannes. Primée aux Gémeaux et même en France, Catherine a atteint cette année une belle notoriété hors ligne. Les revenus du Tapis rose de Catherine ne payant pas pour l’instant toutes les factures, elle accepte des contrats de pub pour boucler les fins de mois. Mais les rêves n’ont pas de prix.
Aurélia Filion
Chroniqueuse vin sur le Web
Elle a le vin joyeux
Son credo?: «Changer le monde, une bouteille à la fois.» Elle s’y applique avec passion, rigueur et humour. Dans Châtelaine (et ?chatelaine.com?), où cette fana de vins livre chaque mois ses derniers coups de cœur. Et dans Internet, sur ?busurleweb.com?. Aurélia, plus pétillante qu’un Veuve Clicquot, y décrit et déguste en direct du rouge, du blanc, du rosé ou des bulles, dans de courtes vidéos hyper léchées. Créé en 2010, son site est désormais une référence, ici et dans toute la francophonie. À preuve, elle faisait en septembre dernier la couverture de Terre et vins, un magazine spécialisé français, et y signe aussi une chronique. Qu’une Québécoise en impose aux cousins en matière de vin n’est qu’un début. Bilingue, Aurélia a déjà tourné en anglais des capsules dans lesquelles son charme et ses connaissances distillent la même saveur. Pourtant, quand elle étudiait en communication, elle ne se destinait pas à un parcours d’œnophile ou de sommelière (ce qu’elle a été), mais à «quelque chose en art». Le déclic a eu lieu à 20 ans, durant des vendanges en France. Par un concours de circonstances, elle a été élue Miss Sauternes 2000, découvrant au passage un monde fabuleux, quoique souvent imbuvable, car noyé dans le snobisme. «Moi, je veux le rendre accessible.» Une bouteille à la fois.