Entrevues

First Lady américaine

L’une de ces femmes sera la prochaine First Lady américaine. Portraits croisés.


 

Michelle Obama

Michelle Robinson, 44 ans, épouse de Barack Obama, candidat démocrate à la présidence des États-Unis, est pragmatique, spontanée, glamour. La future Jacky Kennedy ? Sa franchise a parfois donné de l’urticaire aux conseillers de son mari, mais elle a séduit les foules avec son franc-parler.

Quand on observe l’aisance avec laquelle Michelle Obama s’exprime en public, adapte ses discours – qu’elle écrit elle-même – à son auditoire, il est difficile d’imaginer qu’elle s’était d’abord opposée à la candidature de son mari, Barack Obama, à la présidence des États-Unis.

Avant de donner son feu vert, elle avait, pour lui et ses conseillers, une avalanche de questions loin des thèmes de l’espoir ou du changement si chers à la campagne. Quelles seront les conséquences de cette aventure pour leur famille ? D’où viendra l’argent ? Son époux a-t-il une chance réelle de battre la machine des Clinton ? « Elle ne voulait pas qu’il se lance dans un effort inutile », confie David Axelrod, le génial stratège de la campagne de Barack Obama, à l’hebdomadaire Newsweek.

Michelle nourrissait aussi des inquiétudes par rapport à la sécurité de son mari – il bénéficie maintenant de la protection des services secrets, que ses filles, Malia (10 ans) et Sasha (7 ans) appellent « les gens secrets ». Elle craignait enfin que la férocité des campagnes n’étouffe son idéalisme. Mais, finalement, rassurée par les réponses obtenues à ses questions, elle a dit oui. Ah ! une condition encore : Barack devait cesser de fumer. Ce qu’il a fait. Même s’il a troqué un vice contre un autre. Il mâchouille désormais des chewing-gums à la nicotine.

Michelle Obama s’est adaptée aux exigences de sa nouvelle vie. Elle passe 80 % moins de temps à son poste de chef des relations publiques de l’Hôpital de l’Université de Chicago, où elle gagnait 275 000 $ par an, le double de son sénateur de mari. Si elle consacre deux ou trois jours par semaine à faire campagne, elle tient la promesse faite à ses filles : ne pas dormir plus d’une nuit par semaine en dehors de la maison. Ses horaires se construisent autour des récitals des enfants, de leurs matchs de foot, d’un concert de Beyoncé auquel elle a promis de les emmener.

· Née en 1964 à Chicago, illinois
· Milieu pauvre
· Jeune, a souffert de racisme
· Un frère aîné
· Diplômée en droit

 


 

Cindy McCain

Cindy Hensley, 54 ans, épouse de John McCain, candidat républicain à la présidence des États-Unis, est conventionnelle, secrète, généreuse. La future Nancy Reagan ? Derrière la façade lisse se cache une femme passionnée, dont la vie n’est pas exempte de coups durs et de mensonges.

Les qualificatifs désobligeants, « femme-trophée », « poupée Barbie », « réplique de cire de la femme parfaite », ont rarement épargné Cindy McCain, l’épouse de John McCain, candidat républicain à la Maison-Blanche. Serait-ce la coiffure figée sans la moindre mèche rebelle, le sac Prada emporté en mission humanitaire au Kosovo, les tenues griffées (elle avoue un penchant pour Escada) ou ce sourire inaltérable qu’elle arbore invariablement pendant les réunions électorales de son mari ?

On a pourtant tenté d’« humaniser » la rigide Cindy McCain, 54 ans. En juin, elle a posé pour Vogue. Des photos sublimes : on la voyait allongée, lascive, sur une chaise longue en jean Lucky Brand (taille 0, précise-t-elle) et t-shirt Michael Kors, sa chevelure blonde au vent, les ongles d’orteils vernis de rouge. Le message se voulait clair : « Je peux aussi être décontractée. »

Mais l’opération séduction n’a pas marché. « Il n’y a rien de particulièrement naturel ou nonchalant dans le portrait de Vogue. On se demande combien de temps elle a dû se tenir la tête dans une position aussi inconfortable », note, assassine, Robin Givhan, chroniqueuse mode au Washington Post.

La première responsable de l’acharnement des médias à son endroit ? Probablement Cindy McCain elle-même. Car il y a chez elle une rigueur et un besoin de conformité qui ne sont pas sans rappeler le personnage de Bree Van de Kamp, la rousse de la télésérie Beautés désespérées. La même obsession des apparences, la même manie du secret. « Les parents de Cindy étaient très protecteurs, elle ne jouait pas avec les enfants du quartier », confie à Time Magazine Sally Auther, une voisine de jadis qui vit toujours dans la même rue que Cindy McCain à Phoenix, en Arizona. Comme Bree, Cindy McCain cache, derrière une façade lisse et sans histoire, un caractère passionné, têtu et généreux ainsi qu’une vie tumultueuse, non exempte de coups durs et de mensonges, petits et grands.

· Née en 1954 à Phoenix, arizona
· Milieu de Riches industriels
· Jeune, a souffert de solitude
· Fille unique, deux demi-sœurs
· Diplômée en pédagogie


 

Michelle Obama

« Sa vie de famille en a pris un coup, mais elle participe encore aux collectes de fonds en vendant des gâteaux », affirme son amie Yvonne Davila au magazine US. Sa mère, Marian Robinson, à la retraite, garde ses petites-filles pendant les absences de leur maman. « Michelle et Barack aimaient aller au cinéma et dîner ensemble. Maintenant, c’est l’un ou l’autre, car ils sont trop fatigués », raconte Valerie Jarrett, ancienne patronne de Michelle Obama à la mairie de Chicago et conseillère de Barack.

Même quand elle est loin de Malia et de Sasha, Michelle Obama ne cesse d’en parler. Rares sont les discours où elle n’évoque pas le défi posé aux femmes qui jonglent entre vie professionnelle et vie familiale. « Les gens me demandent comment je tiens. Ce n’est pas facile, mais j’essaie de faire de mon mieux, je continue à aller aux réunions de parents à l’école. À l’exception de la campagne, ma vie n’est pas très différente de la vôtre », dit-elle à un audi­toire d’entrepreneures à la Historical Society de New York. « Les femmes restent le pilier des ménages. »

Elle ne tient pas à entrer dans les détails de la politique. Son rôle, affirme-t-elle, est de maintenir un semblant de normalité. Mais elle est parfois tellement « normale » qu’elle en devient trop familière. Au début de la campagne, elle insistait sur les défauts de Barack : les chaussettes qu’il laisse traîner, sa mauvaise haleine au réveil, son incapacité à ranger le beurre au frigo. Les critiques ont grincé des dents. Maureen Dowd, la caustique chroniqueuse du New York Times, l’a qualifiée de « castratrice » ! Michelle s’explique : elle voulait illustrer par là que Barack « n’est pas le messie qui va tout régler. Il va trébucher, faire des erreurs », dit-elle au quotidien USA Today.

Sa franchise l’a desservie plus d’une fois, au point d’en faire la cible des républicains. Un soir, au Wisconsin, elle déclare : « Pour la première fois de ma vie d’adulte, je suis vraiment fière de mon pays. » Certains crient au crime de lèse-patriotisme ! « Il est vrai que ses remarques nous donnent parfois des aigreurs d’estomac. Elle ne choisit pas toujours ses mots de façon politiquement correcte , sourit David Axelrod. « Elle a toujours eu beaucoup de tempérament, mais on l’a quand même gardée », plaisante sa mère.

· Revenu du couple en 2007 : 4, 2 millions $
· Mariée depuis 1992
· Nombre de propriétés : 1
· Style : glamour

 


 

Cindy McCain

Cindy Lou Hensley est née à Phoenix en 1954. Elle est la fille unique de Jim et de Marguerite Hensley, un couple de St. Louis débarqué dans le Sud-Ouest pour y faire fortune. Avec succès ! Jim Hensley emprunte 10 000 $ à des amis pour lancer un réseau de distribution de bière. « Vendre de la bière en plein désert, c’était une mine d’or », commente Sally Auther.

À 14 ans, Cindy gagne un concours de reine du rodéo. À l’école secondaire, elle est une élève appliquée, toujours prête à secourir les plus démunis. « Elle s’impliquait beaucoup dans les activités d’aide à la communauté, comme le nettoyage des parcs municipaux ou le soutien aux personnes âgées et aux sans-abri », relate David Silcox, ancien directeur de son école.

Alors que les photos de cette époque montrent ses jeunes camarades de classe en jean, chemise à fleurs et cheveux longs, Cindy porte déjà les tailleurs stricts qui lui valent d’être élue « élève la mieux habillée ». Elle poursuit ses études en pédagogie à l’Université de Californie du Sud – une école que son futur mari qualifiera plus tard d’« université d’enfants gâtés ».

Son diplôme en poche, elle étonne son entourage en allant enseigner dans un établissement spécialisé pour jeunes trisomiques dans un des quartiers les plus pauvres de Phoenix. « Les enfants l’adoraient », se souvient Okay Fulton, directrice en ce temps-là de l’école Agua Fria.

En 1979, elle rencontre John McCain, de 17 ans son aîné, lors d’un voyage à Honolulu avec ses parents. « Ce fut le coup de foudre », raconte-t-elle au magazine Harper’s Bazaar. « J’ai adoré son intelligence, son humour, ses points de vue originaux. »

Ancien pilote de chasse, John McCain, qui a été emprisonné et torturé au Vietnam, est un héros national. À l’époque, il est séparé de sa femme Carol, mais encore marié, et père de trois enfants. Un an plus tard, Cindy et lui se marient. « Nous avons découvert que nous avions tous deux menti sur notre âge au moment de remplir les papiers. Je m’étais ajouté quatre ans, il s’était rajeuni de quatre ans », admet Cindy McCain.

· Fortune personnelle : 100 millions $
· Mariée depuis 1980
· Nombre de propriétés : 10 +
· Style : straight


 

Michelle Obama

Comme ses parents, les conseillers d’Obama l’ont « quand même gardée » et l’ont surnommée « la boucleuse », parce qu’au final c’est elle qui convainc les indécis. Elle l’a démontré en Caroline du Sud, en s’adressant à des publics afro-américains qui doutaient des chances d’Obama. Elle leur a parlé des «?meubles neufs qu’on ne sort pas de leur plastique pour ne pas les abîmer, alors que le plastique finit par jaunir et écorcher les jambes ». C’est à leurs doutes qu’elle faisait allusion : « Les gens croient que le monde n’est pas prêt pour Obama. Mais en fait, on préfère ne pas essayer plutôt que de courir le risque d’échouer. » Le message a passé. Obama a triomphé dans le Sud grâce au soutien des Afro-Américains.

Michelle Obama naît en 1964 dans une famille modeste du quartier noir de South Side à Chicago. Son père, Frasier Robinson, atteint de sclérose en plaques, travaille au Service des eaux de la Ville, sa mère est secrétaire. La famille vit à quatre dans un deux-pièces. Comme son frère Craig, de 16 mois son aîné, elle entre à l’Université de Princeton au début des années 1980. Un choc. Sur le campus, la ségrégation est évidente. « Quand ma mère a su que Michelle était noire, elle a tout fait pour qu’on me change de chambre », raconte, gênée, au New York Times Catherine Donnelly, sa première colocataire à l’université.

La question de l’intégration raciale touche tant Michelle qu’elle en fait le sujet de son travail de fin d’études. « Le chemin que j’ai choisi à Princeton fera en sorte que je m’intégrerai mieux dans le monde blanc, mais il me permettra seulement de rester à la périphérie de la société, jamais d’y participer pleinement », écrit-elle. Elle étudie ensuite le droit à Harvard. Sitôt son diplôme en poche, elle dé­croche un emploi dans le cabinet d’avocats Sidley & Austin, à Chicago. « Michelle aurait pu devenir une superstar du droit », dit Newton Minow, un associé du cabinet.

 

· Deux filles : 10 et 7 ans
· Religion protestante
· Militante politique
· Démocrate

 


 

Cindy McCain

Le couple s’installe en Arizona, où John McCain dé­croche rapidement un siège au Congrès en 1982. Les mauvaises langues disent d’ailleurs qu’il doit sa carrière à l’argent et aux relations politiques de sa femme.

En 1986, il est élu au Sénat. Une carrière qui ne convient que partiellement à Cindy. Ses premières années à Washington sont difficiles. Après sa première fausse couche (elle en aura trois), elle décide de rentrer à Phoenix ; John la retrouve là-bas tous les week-ends.

En Arizona, Cindy McCain se réinstalle dans la maison de son enfance, qu’elle transforme en ranch mexicain. Ses parents s’établissent en face pour la seconder. Elle donnera naissance à trois enfants, Meghan, Jack et Jimmy (respectivement 23, 22 et 20 ans), qu’elle élève seule, loin de Washington. « Je leur ai toujours dit que papa servait le pays à Washington. Je comparais ses absences à celles qu’aurait impliquées un déploiement militaire », dit-elle à Newsweek.

Elle fonde l’American Voluntary Medical Team, une équipe médicale bénévole, dont la mission est de pourvoir en infirmières et en médecins les zones les plus pauvres de la planète.

À la même époque, elle doit se faire opérer pour deux hernies discales. Pour contrôler ses douleurs intenses, on lui administre de puissants analgésiques. Elle y deviendra vite dépendante à l’insu de son médecin et de ses proches. Honteuse, elle multiplie les ruses pour obtenir des ordonnances, elle consulte cinq médecins. Elle finit par se servir dans les stocks de son association. Elle est obligée de tout avouer quand la police fédérale, alertée par un employé, enquête sur la disparition de médicaments. « C’est la période la plus noire de ma vie », déclarera-t-elle des années plus tard. Elle évite l’emprisonnement, mais est condamnée à des travaux communautaires. Dans la foulée, son association est démantelée.

· Deux filles, deux garçons : 23, 17, 22, 20 ans
· Religion protestante
· Philanthrope
· Républicaine


 

Michelle Obama

C’est à cette époque que Michelle fait la connaissance de Barack Obama, un stagiaire de Harvard qu’elle doit superviser. Quand il se met à la courtiser, elle se rebiffe. Il lui propose alors de l’accompagner à une réunion de l’association qu’il parraine dans les quartiers pauvres de Chicago. Là, dans le sous-sol d’une église, elle est tombée sous le charme « quand [elle l’a] vu enlever son veston, retrousser ses manches et parler du monde, non pas tel qu’il est, mais tel qu’il devrait être », raconte-t-elle au Wall Street Journal. Deux ans plus tard, le jeune homme la demande en mariage.

Quand Barack Obama la présente en public, il dit qu’elle est « l’amour de sa vie et le rocher de sa famille ». Michelle est très consciente de l’ancrage qu’elle offre à cet homme sans véritables racines. Né d’un père kényan qui l’abandonne quand il a deux ans et d’une mère du Kansas régulièrement en voyage, Barack Obama trouve avec Michelle la stabilité qu’il n’a jamais connue.

Si Barack Obama est élu, Michelle Obama deviendra, à 44 ans, la première dame la plus jeune après Jackie Kennedy, à laquelle la presse la compare souvent, même si Michelle tempère : « Chaque chose en son temps. » Difficile quand même de ne pas remarquer les changements dans l’allure. Son collier à triple rang de fausses perles – comme une certaine Jackie – ne la quitte quasiment plus. Malgré ce ravalement d’image, Michelle Obama est une femme sans chichi. Vanity Fair, qui l’a ajoutée à sa liste des personnalités les mieux habillées de la planète, la trouve « pragmatique et glamour ». En tout cas, madame Obama prouve qu’on peut s’habiller chic sans les grands couturiers : elle a fait sensation sur un plateau de télévision dans une robe à 148 $ de chez White House Black Market.

Pour une femme que ses détracteurs dépeignent comme une dangereuse gauchiste, Michelle Obama se montre parfois bien traditionnelle. Elle parle avec nostalgie du temps où sa mère « n’avait pas besoin de travailler ». Elle écoute toujours Stevie Wonder, qu’elle a découvert à l’adolescence. Elle est surtout d’une réjouissante simplicité. Lorsqu’un serveur échappe son couteau pendant un chic dîner à la Historical Society où elle fait une allocution, elle se baisse et le ramasse, sous le regard ébahi des invitées !

 


 

Cindy McCain

Côté pile, depuis la mort de son père, en 2000, Cindy McCain est la seule héritière de l’empire Hensley : elle possède plus de 100 millions de dollars. Un sujet qu’elle n’aime pas aborder. Sous la pression médiatique, elle a publié sa déclaration d’impôt qui révèle pour 2006 des revenus de six millions de dollars.

Côté face, Cindy McCain est une femme généreuse, puisant dans sa fortune personnelle pour soutenir les causes qui lui sont chères : la lutte aux mines antipersonnel, les soins à la petite enfance. Elle est membre de plusieurs associations, dont Operation Smile (opération sourire), qui vient en aide aux enfants affligés d’un bec-de-lièvre.

Cette dernière cause lui tient particulièrement à cœur depuis un certain voyage au Bangladesh, au cours duquel elle a fait la connaissance de Bridget, une enfant née avec cette malformation congénitale. La petite était « destinée à mourir parce que personne n’arrivait à la nourrir », raconte Cindy McCain à Harper’s Bazaar. Déterminée à sauver la fillette, elle l’a ramenée aux États-Unis pour la faire opérer, sans prévenir son mari. Elle a fini par l’adopter légalement. Bridget a maintenant 17 ans.

En 2000, lors de la première course de John McCain à l’investiture du Parti républicain, la petite fille est devenue malgré elle l’objet d’une violente attaque de la part de l’équipe de George Bush. « Bridget est l’enfant naturelle de John McCain », persiflait la rumeur. Il a été battu aux primaires. Cindy était folle de rage. « J’ai mis beaucoup plus de temps que lui à pardonner, avoue-t-elle aujourd’hui. Prenez-vous-en à moi, pas à mes enfants ! »

Cet épisode est à l’origine de ses réticences à voir son mari briguer une deuxième fois la présidence. Au bout du compte, ce sont ses enfants qui l’ont convaincue, raconte-t-elle.

Et puis ses deux fils sont dans l’armée l’un d’eux revient tout juste d’Irak. « Mon mari est le seul qui comprend ce que veut dire envoyer des jeunes gens combattre sous les drapeaux et aussi le seul à savoir comment les ramener avec honneur et dignité dans la victoire , aime-t-elle répéter pour expliquer son soutien à cette nouvelle campagne.

 

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