Entrevues

La bulldozer de l’ombre

Bineta Diop fait bouger le monde.

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Bineta Diop fait bouger le monde. Assez pour être nommée parmi les 100 personnalités les plus influentes de la planète par le magazine Time (2011), aux côtés de Barack Obama, d’Aung San Suu Kyi et d’Oprah Winfrey.

Bineta Diop est la fondatrice et présidente de Femmes Africa Solidarité (FAS), une ONG qui vise à intégrer les femmes dans les processus de paix. « Les femmes sont les premières victimes de la guerre, dit-elle. Elles sont aussi le pilier de la reconstruction d’un pays. Vous voulez la paix et la sécurité ? Protégez les femmes et donnez-leur du pouvoir ! »

À 63 ans (on lui en donne 20 de moins !), Bineta Diop partage son temps entre le siège social de FAS à Dakar, au Sénégal, et ses autres bureaux – deux en Afrique, un à New York et un à Genève.

« Dans les villages, les hommes discutent pendant que leurs épouses labourent le champ, bébé sur le dos. Sans elles, l’Afrique tomberait. Et leur principale motivation est de construire la paix. »

L’exemple du Sénégal est éloquent. En 2012, le pays a frôlé la guerre civile, les élections présidentielles ayant été entachées par des tensions. Femmes Africa Solidarité a mobilisé citadines, paysannes, musulmanes, chrétiennes, riches et pauvres. « Elles se sont habillées en blanc, sont descendues dans la rue et ont crié : “Pas question d’une guerre !” raconte Bineta Diop. Elles ont forcé le dialogue et éteint le feu. » À peine élu, le président Macky Sall leur a rendu hommage.

Le téléphone de Bineta Diop ne dérougit pas. Au bout du fil, le secrétaire général des Nations unies, un président ou un dirigeant, des hommes comme des femmes, qui vivent dans une zone de conflit. Même Nelson Mandela l’a consultée lorsqu’il s’est impliqué dans le processus de paix au Burundi, en 2000.

En 2003, elle a réussi à convaincre les 53 chefs d’État de l’Union africaine (tous des hommes !) d’élire 5 femmes aux 10 postes de commissaires de l’organisation.

Née en 1950 à Guéoul, dans le nord-ouest du Sénégal, Bineta Diop est la fille d’une forte personnalité, Marème Lô, vice-
présidente du Conseil national des femmes de l’Union progressiste sénégalaise. Cette fervente féministe met Bineta et ses trois sœurs à l’école et leur dit de foncer dans la vie.

Mariée à 19 ans, Bineta Diop termine son bac en Éthiopie, où est affecté son mari diplomate, pour ensuite étudier à Paris. Elle se fait les dents en droit à Genève, en 1978, au sein de la Commission internationale de juristes. C’est là qu’elle acquiert la certitude que, pour garantir le respect des droits des femmes, il faut d’abord qu’on établisse des cadres juridiques.

Certains l’ont décrite comme une personne « effacée ». Ce n’est pas vrai. Bineta Diop est une bulldozer dans l’ombre, où se déchaînent la majorité des conflits africains. « Inclure les femmes dans la prévention de conflits aurait le potentiel de transformer le continent », dit-elle. Le monde ?

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