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Entrevues

Les défonceuses

Quatre dynamos fracassent les barrières.
Par Mylène Tremblay et Marie-Hélène Proulx
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Les défonceuses

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Daniele Henkel
« Vouloir de l’argent,c’est ok ! »

Dragonne aguerrie, Daniele Henkel a érigé un petit empire médico-esthétique à coups de volonté et d’investissements. Sans jamais renier la femme en elle. Maintenant, parlons affaires !

La première question à se poser : Pour-quoi j’en veux ? Si c’est pour ne pas avoir à travailler pour d’autres, ça ne marchera pas. On travaille toujours pour quelqu’un – un patron, un client… Si c’est pour assurer ma sécurité et celle de ma famille, étudier, voyager, m’offrir ce que je veux sans avoir à le demander, d’accord. Mais il faut aussi penser à l’avenir.

Arrêtons d’avoir peur. L’argent, ça va, ça vient. C’est correct d’en perdre, mais l’important est de ne pas répéter ses erreurs. Pour cela, il faut s’informer. Les femmes sont tiraillées. Parce qu’elles ont peur. « Je ne suis pas capable. Je n’y arriverai pas… » J’entends ça tout le temps ! À cela, je réponds : « Tu es au point A et tu veux atteindre le point Z. Vise d’abord le point B ! La bouchée sera plus facile à avaler. »

Ne jamais dire : « Occupe-toi de mes affaires, tu as toute ma confiance. » Ça prend des spécialistes pour nous aider. Mais attention ! on doit savoir où est placé notre argent, ce qu’il rapporte. Posons des questions, demandons des explications. On doit apprendre à compter, à gérer, à planifier.

On a le droit d’être dure. Avec quelqu’un qui nous manque de respect, par exemple. Les femmes sont aussi bonnes en affaires que les hommes. Mais il faut qu’elles s’exercent à dire les choses avec conviction. Quitte à hausser la voix ! Dès qu’on s’assoit avec quelqu’un, cette personne doit comprendre qu’elle négocie avec une égale. L’offre ne me convient pas ? Laissez-moi y réfléchir !

Si t’as envie de pleurer, pleure ! Ça ne te fera pas perdre ta crédibilité. On doit apprendre à s’exprimer, tout en restant fidèle à soi, à ses peurs et à sa logique. Qui a dit qu’il fallait se dénaturer ? Il n’y a rien de plus beau que de regarder une personne dans les yeux et de se sentir femme jusqu’au bout des ongles ! Même si tu as le menton qui tremblote et l’œil humide, si tu as été vraie et que tu n’as pas lâché le morceau, on va te respecter. N’ayons pas peur de dévoiler la femme en nous : Voici qui je suis. Maintenant, parlons affaires !

Il faut se positionner. Sans jamais manquer de respect. À la télé (Dans l’œil du dragon, à Radio-Canada), je prends ma place au même titre que les autres dragons. Les femmes ont davantage de diplômes que les hommes. Qu’est-ce qui les arrête ? Elles ont l’impression de devoir jouer un rôle. Or, si on s’accepte telle qu’on est, avec ses forces et ses faiblesses, sa beauté et sa complexité, on n’aura pas à se battre pour prendre sa place. Changeons nos perceptions. Ensuite, on agira différemment.  

On peut joindre l’utile à l’agréable. Plus personne ne tique quand un homme et une femme partagent la facture au resto. Une égalité acquise de haute lutte ! Quand on pense qu’il y a 50 ans on n’avait même pas le droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’accord de son mari ! Cela dit, on peut être indépendante financièrement et rester femme – se faire gâter, tirer la chaise, inviter au restaurant… Laissons les hommes être des gentlemans !

Par Mylène tremblay

Photo: Benoît Camiran

Les défonceuses

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Monique Jérôme-Forget
« Cessez de vouloir tout contrôler... »

Le plafond de verre, la « dame de fer » l’a fracassé à coups de sacoche. L’ex-ministre des Finances et présidente du Conseil du trésor, celle à qui on doit la Loi sur l’équité salariale, est convaincue qu’une maman peut décrocher un job au top.

Apprenez à déléguer à la maison. C’est la condition pour « tout avoir » : une belle carrière et des enfants. Même si les gars ont évolué, c’est encore surtout la femme qui gère la PME familiale. Les hommes doivent en faire plus à la maison. Mais vous, les filles, arrêtez de viser la perfection ! C’est ça qui vous épuise. On s’en fout si votre chum a mis au petit des mitaines dépareillées…  
 
Pensez à long terme. Aujourd’hui, les femmes ont leurs enfants au moment où on commence à prendre du galon au boulot. Beaucoup freinent alors leurs ambitions. Certaines cessent même de travailler pendant que leur conjoint poursuit son ascension. Cette entente peut leur con­venir sur le coup… sauf que 50 % des couples éclatent. Bien difficile alors de rattraper le retard professionnel et financier accumulé. Oui, c’est du sport, investir dans sa carrière en étant jeune mère, mais la période de pointe ne dure qu’un temps. Cela dit, les employeurs ont aussi leur bout à faire : horaires flexibles, télétravail… C’est dans leur intérêt, car ils ont souvent beaucoup investi dans ces travailleuses qualifiées.

Dites à vos patrons que vous voulez une promotion. Quand vous revenez d’un congé de maternité, vos supérieurs doivent comprendre que votre rôle de maman n’entame pas votre intérêt au travail. Il y en a aussi qui ne nous imaginent pas dans certaines fonctions – ministre des Finances, par exemple ! Détrompez-les. Au Québec, bien qu’elles soient sur le marché du travail en grand nombre, les femmes occupent moins du cinquième des postes de direction. Pire, elles gagnent en moyenne 20 % de moins que les gars, peu importe le métier. Il faut que ça change.

Laissez donc faire la modestie ! Personne n’ira vanter vos mérites à votre place. Alors organisez-vous pour mettre vos patrons au courant de vos bons coups. Combien de femmes à qui j’offrais une promotion ont voulu la refuser sous prétexte qu’elles n’étaient pas prêtes ? Aucun homme ne m’a servi cette excuse en carrière ! Pour reprendre une expression de la femme d’affaires Isabelle Hudon : « On a tous un parachute dans le dos. » Alors foncez.

Par Marie-Hélène Proulx

Les défonceuses

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Chantal Rouleau
« Si on se trompe, on recommence... »

Elle a été la première à dénoncer la corruption et la collusion dans le milieu de la construction. La mairesse de Rivière-des-Prairies — Pointe-aux-Trembles, Chantal Rouleau, n’a pas peur de dompter le pouvoir. Elle nous dit comment.

La première chose à faire, c’est de s’impliquer. Siéger aux conseils d’administration, en apprendre les rouages. De tout temps, je me suis investie – C. A., comités de travail, chambre de commerce… Être aux commandes, c’est savoir ce qui se passe et prendre des décisions en harmonie avec soi-même.

Décrocher le téléphone, aller au micro, ça s’apprend. Oui, ça peut paraître intimidant. Mais si on se trompe, on recommence. Pas besoin d’être parfaite ! La première fois que j’ai pris la parole au conseil de la Ville de Montréal, j’ai dépassé le temps alloué. Le président du conseil a fermé le micro. J’ai insisté pour continuer. Il m’a accordé 30 secondes de plus et j’ai obtenu gain de cause !  

Prenons les moyens de changer les choses. Mon arrondissement est un terreau particulièrement fertile pour le crime organisé. En devenant mairesse, en juin 2010, je voulais changer les choses. En entrevue, le journaliste Alain Gravel (Enquête, à Radio-Canada) m’a posé une question à laquelle je ne m’attendais pas. Et lui ne s’attendait pas à ma réponse, non plus !

« Vous venez d’octroyer un gros contrat à un entrepreneur lié à la mafia.

– Oui et je n’aime pas ça.
– Pourquoi le faites-vous ?  
– Parce que j’ai les mains liées par la règle du plus bas soumissionnaire conforme, peu importe ses affiliations. C’est la loi. »

Dès lors, les choses se sont enclenchées. J’ai martelé que ça ne pouvait plus continuer comme ça. L’occasion m’était donnée de prendre la parole, et je l’ai prise.

S’il faut sortir dans la rue pour se faire entendre, sortons!

Votez. Exprimez vos préoccupations. Au conseil d’arrondissement, pour inciter les gens à parler, j’ai laissé aux citoyens les premiers rangs de la salle. J’ai institué une période de commentaires. De plus en plus de femmes y participent. Elles prennent part aux consultations publiques, aux comités consultatifs.   

Ne lâchez pas. Souvent, les femmes s’impliquent au début d’un projet, quand c’est difficile et pas payant. Elles créent, organisent le terrain. Elles sont très minutieuses. Mais quand vient le temps de récolter, elles disent : « Non, je n’irai pas plus loin ! » Et c’est un gars qui prend la place. Moi, j’ai toujours continué. Sollicitez-en, des postes, acceptez-en ! T’es pas la meilleure ? C’est pas grave ! Il faut se lancer !

Donnons-nous les moyens d’avancer. La conciliation travail-famille est au cœur de notre réussite. Nous sommes capables d’accéder à des postes décisionnels, à condition de mettre en place des mécanismes pour équilibrer vie professionnelle et vie privée. Travailler tout le temps et délaisser son foyer, ça ne peut pas marcher !
 
Le pouvoir des femmes est différent de celui des hommes. On a une vision périphérique, on voit ce qui se passe autour. Et on veut que ça se passe bien pour tout le monde.

La politique est un ring de boxe où les règles sont établies par les gars. Mais on peut modifier ce sport. Le boys club doit évoluer. Plus les femmes seront nombreuses à s’impliquer en politique, plus les règles vont changer. Et c’est déjà commencé !

Par Mylène Tremblay

Les défonceuses

Naomi Wolf, Good Weekend Magazine, September 1, 2012

Naomi Wolf
« Jouissez, les filles ! »

Auteure du célèbre essai The Beauty Myth, Naomi Wolf est une féministe américaine qui brasse la cage. Dans Vagina, elle en remet une couche en dénonçant la misère sexuelle des femmes. Châtelaine l’a rencontrée.

Il existe une « épidémie » de femmes malheureuses au lit en Occident. Une sur trois dit souffrir d’un manque d’appétit sexuel, contre un homme sur six. C’est énorme.

Atteindre l’orgasme régulièrement, en couple ou en solo, c’est bon pour la santé. Un déficit de jouissance peut conduire à la dépression, et même augmenter les risques de maladies cardiaques chez la femme. On devrait prescrire la masturbation aux célibataires !

Le plaisir sexuel favorise la créativité, l’affirmation de soi et le désir d’explorer. Notamment grâce à un neurotransmetteur, la dopamine. En somme, ça permet de maximiser son potentiel. C’est ce que j’ai découvert pendant mes recherches pour écrire Vagina – A New Biography (Harper Collins, 2012) et ça m’a jetée par terre. Des tas de chercheurs se consacrent à ce sujet, notamment aux universités McGill et Concordia, à Montréal. Mais qui en parle dans l’espace public ? Qui souligne l’importance de l’orgasme pour la santé mentale des femmes ? En revanche, on discute à profusion des troubles de dysfonction érectile.

Soyez fières de votre sexe. Quarante ans après la révolution sexuelle, alors que nous avons gagné en liberté sur tous les plans, c’est encore honteux de parler du vagin (j’utilise ce mot pour désigner l’ensemble des organes sexuels féminins). C’est associé à quelque chose de sale. Aux États-Unis, bien des libraires ont refusé de mettre mon livre en vitrine à cause du titre, Vagina.

On m’a aussi beaucoup critiquée. À mon avis, ce tabou vient du fait qu’une femme assumant sa sexualité ébranle la société patriarcale. Inconsciemment, on craint le pouvoir et la liberté que ça lui confère. Alors on évite de parler de plaisir au féminin. Encore aujourd’hui, beaucoup d’adolescentes sont incapables de situer le clitoris sur un schéma représentant la vulve, selon les éducateurs sexuels que j’ai consultés. Il est urgent qu’on aborde la sexualité dès le primaire, car le peu d’information qui y circule est dépassé.

Reconnaissez d’abord par vous-même ce qui vous fait grimper au septième ciel. Les organes sexuels féminins sont très nervurés, et pas deux « câblages » ne sont identiques d’une femme à l’autre. Ça explique pourquoi certaines jouissent par la stimulation du clitoris, d’autres par une pression sur le « point G » ou encore sur le col de l’utérus. Certaines ont plus de nerfs dans la région de l’anus, aussi. Si une femme ne jouit pas d’une façon ou d’une autre, ce n’est pas qu’elle est inhibée, c’est plutôt une question physiologique ! Mieux vous connaîtrez la « cartographie » de votre plaisir, plus vous serez capable d’aiguiller votre
partenaire. Ce n’est certainement pas la pornographie qui apprendra aux hommes comment vous toucher. Je reçois des tonnes de lettres de gars accros aux vidéos pornos qui avouent ne plus savoir comment faire l’amour dans la vraie vie. Cette situation ne les rend pas plus heureux que vous. Servez-leur de guide !

Par Marie-Hélène Proulx

Photo: Contour by Getty Images

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