Entrevues

Presque tout sur Louis Morissette

Longtemps, il a été « le chum de Véro », le beau gars à côté de la star. Mais avec C.A., Le verdict et ses tas de projets à la télé et au cinéma, Louis Morissette a trouvé sa place au soleil.

« Les gars, on a un ego. J’ai un ego. Sortir avec Véronique Cloutier-la-personnalité-publique, c’est pas évident tous les jours. Il faut avoir assez confiance en soi. » Louis donne l’exemple d’une récente balade aux Promenades Saint-Bruno. « Tout le monde se garroche sur elle : “T’es belle ! T’es fine ! On t’aime !” Véro, ça la nourrit beaucoup, beaucoup. » Et lui ? C’est à peine si on le remarque, dit-il, sourire en coin, plus amusé – et habitué – qu’agacé. Très cool. Peut-être aussi que le houblon fait effet : l’auteur, comédien, humoriste, producteur et moitié du couple le plus célèbre au Québec termine sa deuxième bière.

Barbe de trois jours, sans doute quatre, casquette, t-shirt et jean troué : dans cette taverne de l’avenue du Mont-Royal au cœur du Plateau branché, Louis Morissette le banlieusard se fond dans le décor. Je ne sais pas si la barmaid l’a reconnu, mais elle n’a d’yeux que pour lui. Une cliente, assise au fond de la salle, rassemble son courage et vient lui avouer qu’elle est une « fan finie de C.A. », ce qui lui vaudra un bécot sur la joue et un souvenir impérissable qu’elle ajoutera sur sa page Facebook. Quand le proprio s’approche de nous, c’est à « monsieur Louis » qu’il demande gentiment de changer de table parce que la projection d’un match de hockey sur écran géant va commencer. Eh ben, et moi ? C’est comme si j’étais invisible. Tout d’un coup, je le comprends, le chum de Véro…

Depuis bientôt 10 ans, et malgré tout ce qu’il a pu accomplir sur scène, à la télé et même au cinéma, Louis Morissette est encore perçu comme le prince consort. Le fait que Véronique Cloutier dirigeait (jusqu’en octobre dernier) la compagnie de production Novem – qui embauchait Louis comme auteur et comédien, notamment pour C.A. – ajoutait au décalage entre les amoureux. « Il faut dire les vraies affaires : j’ai une belle carrière, je suis content, j’ai du talent. Mais Véro, elle, a une chose qui ne s’achète pas, elle a un charisme, elle a… Oui, c’est une star. »

Louis Morisette : la séance photo

Témoin privilégié de la fascination qu’exerce cette étoile blonde qui partage sa vie, son lit et trois beaux enfants, Louis s’en est inspiré, il y a quatre ans, pour créer une fausse téléréalité à partir des situations cocasses qui pimentent son quotidien. (Dans un centre commercial, à une femme qui demande à Louis pourquoi les enfants portent le nom de Morissette plutôt que Cloutier, il répond : « Ben, c’est mon nom, c’est moi le père… » sans la convaincre du bien-fondé de la chose.) « J’ai décidé d’en rire. N’empêche que, au second degré, je pourrais le prendre mal, comme si moi, je n’étais rien, je n’étais pas intéressant. » Divisées en capsules, les scènes des Morissette étaient diffusées pendant Véro, un talk-show animé par… Véro (on peut les revoir sur dailymotion.com). Pour brouiller encore plus les cartes, les deux vedettes y tenaient leur propre rôle, et deux jeunes acteurs jouaient leur progéniture (leur troisième enfant, Raphaëlle, « une belle surprise », aura un an le 6 octobre).

C’est connu, Louis est pudique. Parler de ses états d’âme ou de la santé de son couple le rend mal à l’aise : « À la limite, je deviens désagréable. » Mais, cet après-midi-là, il en dit plus que jamais, inspiré qui sait par les lieux. À l’époque où les tavernes étaient réservées à la gent masculine, les hommes se confiaient aisément en levant le coude. Sujets de prédilection : le hockey et les femmes. « Je ne mettrai pas de gants, je le vis au quotidien : Véro est contrôlante. Voilà, c’est dit. »

Louis Morisette : la séance photo

Le « non » nécessaire
Quand j’ai interviewé Véro pour Châtelaine, l’an dernier, elle m’a prévenu qu’il y avait une question quétaine à laquelle elle n’avait aucune envie de répondre : « C’est quoi la recette de votre bonheur ? » Je l’ai posée à son Louis, mais autrement, juste pour voir.

« Pourquoi votre couple fonctionne-t-il ? 
– Parce qu’on est complémentaires. Je me plais où elle ne se plaît pas, elle est bonne où je ne le suis pas. Moi, j’aime travailler à un concept, le développer, voir avec qui on va le faire, l’habiller, trouver la musique… C’est ce que j’ai fait avec Le verdict. Elle a zéro intérêt pour tout ça. [Même qu’elle ne voulait pas l’animer. Il a fallu deux ans à Louis pour la convaincre. Le jour où elle a dit oui, Radio-Canada a embarqué aussi…] Ce que Véro veut, c’est performer. Tant mieux, parce que c’est la meilleure.
– On a l’impression que vous êtes une équipe…
– On fait souvent référence à ça. Je l’appelle Sydney Crosbie, c’est la Crosbie du show-business québécois.
– Et toi ?
– Je suis un fabricant de jeu, un Mike Ribeiro [joueur de centre des Stars de Dallas] qui va aller dans le coin, monter la rondelle, la passer devant le but. Et Véro va compter. Je vis bien avec ça. En tant que parents aussi, on est une équipe. Elle a une approche douce, maternelle. Moi je suis le bad cop. C’est “Dis-le pas à papa”.
– Dur, de dire non aux enfants ?
– Nécessaire. J’ai tellement peur qu’ils soient gâtés, qu’ils n’apprécient pas ce qu’ils ont. »

Louis Morisette : la séance photo

Le père de Louis, un homme d’affaires très prospère, a vendu son entreprise pour plusieurs millions dans les années 1990. De là à déduire que le chum de Véro a grandi dans la ouate à Westmount, il n’y a qu’un pas. C’est un faux pas. Il a été élevé dans un bungalow à Drummondville. Quand il a fondé Venmar, Jacques Morissette avait deux jeunes enfants, était au chômage, limite aide sociale.
« Mon père a travaillé comme un damné, ma mère aussi. On jouait au hockey dans la rue. C’était ça, ma réalité. Ce n’est pas celle de mes enfants, qui pensent que tous les parents passent à la télé. Même leur oncle est connu [José Théodore, gardien de but des Capitals de Washington, vit avec la sœur de Véro]. Et ça m’angoisse. J’ai peur qu’ils ne deviennent pas des adultes curieux, qu’ils n’aient pas de passion. »

Le destin a voulu que Louis ne suive pas les traces de son père, même s’il a fait à l’Université McGill des études en marketing et commerce international qui devaient le mener à la tête de l’entreprise familiale. Il est par contre très conscient du syndrome de la fille ou du fils de… qui pèse doublement sur sa progéniture. « Je ne sais pas ce qu’ils choisiront comme métier, mais je sais que je vais tout faire pour qu’ils développent un intérêt autre que le show-business. Pour qu’ils n’aient pas à vivre avec les comparaisons. » Ou dans l’ombre de ?…

« Plein de gens avaient gagé que je ne resterais pas avec Véro. Que la pression de réussir serait trop forte sur moi. On peut difficilement être son chum et mordre la poussière. Et ça, j’y pense chaque jour de ma vie. Surtout que, quand je me plante, et c’est arrivé, je me fais tout de suite dire : “Une chance que tu l’as !” »

« Une chance que tu l’as. » Une phrase que Louis a souvent entendue et lue dans les yeux de gens du métier, de madame Tout-le-monde, d’amis même. « Il y a des journées où je me dis que si je n’étais pas avec Véronique Cloutier, je l’aurais plus facile. D’un autre côté, parce que je suis avec elle, j’ai aussi des possibilités intéressantes. L’un dans l’autre, ça s’équilibre. Selon mon état psychologique, il y en a un qui l’emporte sur l’autre. Présentement, c’est moins pire. »

Louis Morisette : la séance photo

L’amour et l’équilibre
Ils se sont connus à l’été 2001. Le couple le plus médiatisé d’alors, Véronique Cloutier et Patrick Huard, venait de se dissoudre. Heureux hasard, Louis était célibataire depuis peu. « Je suis un gars hyperstable, je suis resté avec mon amour du secondaire de 16 à 26 ans. » Tout le contraire du Jean-Michel de C.A., un être cynique, blasé et baveux qui butine de fausses blondes en brunes siliconées et se dépêche d’oublier leur prénom. « Je connaissais Véro comme tout le monde, en tant que personnalité publique. Je la trouvais belle… »

Diplômé de l’École nationale de l’humour (promotion 1996), Louis était à l’époque membre des Mecs comiques. Il ne roulait pas sur l’or, mais dans « une vieille Jetta ». Véro, elle, payée une petite fortune pour rouler en Suzuki (et en faire la promotion), animait La fureur à Radio-Canada, Véronique dans l’trafic à la radio et, dans ses temps libres, tenait le premier rôle dans Music Hall, une télésérie de Fabienne Larouche. À 27 ans, elle était au sommet. « Jamais elle ne m’a fait sentir qu’il y avait un décalage entre nous, dans la notoriété ou dans le revenu annuel. Jamais, jamais, jamais, jamais. »

Une photo prise lors de l’une de leurs premières sorties, à La Ronde (tous les deux riant aux éclats dans la Pitoune), a trouvé son chemin jusque dans les pages d’Échos Vedettes. Ce que le cliché volé ne disait pas, c’est que les nouveaux tourtereaux avaient déjà eu une conversation sérieuse sur leur avenir. « Parce que Véro était connue, je savais que notre relation deviendrait vite publique. Je ne voulais pas vivre tout ça juste parce que j’avais envie de la frencher dans ma vieille Jetta. Alors, avant de l’embrasser la première fois, avant même notre premier rendez-vous, je lui ai demandé : “Veux-tu des enfants ? Sinon, nous deux, ça n’a aucune chance de réussir. Moi, j’en veux, des enfants. Et pas dans 20 ans. C’est important pour mon équilibre.” » Trois ans plus tard, Delphine naissait.

Louis Morisette : la séance photo

Des larmes et du succès
Véro et Louis, Louis et Véro : dans l’esprit de plusieurs, ce tandem est désormais indissociable. Il est le thé, elle est la tasse, lui la guitare et elle, la basse, pour citer Carla Bruni (Le toi du moi). Le Québec les a vus affronter un drame familial (l’arrestation de Guy Cloutier, père de Véro, pour pédophilie), des revers professionnels (dont l’annulation, après une seule émission, de V.I.P., un magazine humoristique animé par lui et produit par elle en 2004), sans oublier un ouragan de catégorie 5 (l’après-Bye Bye 2008). Louis est le premier à admirer la force de caractère peu commune de sa coéquipière. « Véro est née comme ça, capable de se blinder et d’aller au front. Elle a des couilles. » Et lui, qui en a aussi, ne craint pas d’affadir sa virilité en manifestant ses émotions. Comme lorsque ses yeux se mouillent quand il me montre une photo de sa petite dernière sur son BlackBerry. Et on ne se doute pas à quel point le Bye Bye qui a fait couler tant d’encre l’a aussi presque fait couler.

« Je ne voulais plus travailler, j’étais chez nous en boule et j’attendais que le temps passe. 
– Une dépression ? 
– Je ne sais pas, mais j’en menais pas large. J’écoutais Annie Brocoli avec les enfants dans les bras et je pleurais trois fois par jour. Ensuite, j’ai pleuré tous les trois jours, puis une fois par semaine, et j’ai fini par cesser. »

Le Niagara s’est tari quand il s’est remis au boulot, avec l’insistance de Radio-Canada (qui l’a toujours appuyé, précise-t-il). La société d’État voulait une quatrième saison de C.A., cette télésérie originale et audacieuse mettant en scène quatre trentenaires, deux gars et deux filles (interprétés par Louis Morissette, Antoine Bertrand, Isabelle Blais et Sophie Bourgeois), amis depuis leurs études aux HEC. Il a bien fait d’accepter : cette ultime fournée, servie jusqu’en mars dernier, a été couverte d’éloges. « Les intrigues se sont complexifiées, elles ont mûri, comme son auteur, qui a su jouer à merveille des codes du drame et de l’humour, du malaise et du sentiment authentique », a écrit le rarement dithyrambique Marc Cassivi dans La Presse. Louis savoure cette accolade méritée à juste titre. C.A., c’est son bébé.

Louis Morisette : la séance photo

« Quand tout à coup on parle de moi comme l’auteur d’une série qui aura marqué, je suis content. Pour moi, pour les comédiens. » C.A. a été vendue en France, en Bulgarie et au Kazakhstan. « Oui, au Kazakhstan ! » Les États-Unis sont intéressés. Et Le verdict, un concept inédit mis au point par Louis et le réalisateur Alain Chicoine, sera proposé aux télévisions étrangères. Sa carrière d’acteur est lancée depuis son baptême au cinéma dans Romaine par -30, coproduction France-Québec. Dernièrement, son nom a circulé dans la tour radio-canadienne comme animateur d’un talk-show de fin de soirée. Il a aussi dans ses tiroirs une autre télésérie et des idées de films.

Ce n’est pas demain qu’on va dire « la blonde de Louis », mais Louis Morissette a prouvé sans conteste qu’il était plus que « le chum de Véro ».

Le rôle qui nous l’a fait connaître
Le Macho dans l’émission 3 X Rien, présentée à TQS. Il partageait la vedette avec Jean-François Baril (dit le Jeune) et Alex Perron (dit le Fif). Louis les a rencontrés sur les bancs de l’École de l’humour, où il s’est inscrit sur un coup de tête après son bac. « J’avais 21 ans, je me sentais trop jeune pour aller m’asseoir derrière un bureau. Mon père était surpris et n’y croyait pas vraiment. C’est deux ans plus tard, quand je lui ai dit que je n’irais pas travailler avec lui, qu’il a été déçu. » On l’a aimé dans…

C.A., comme auteur et comédien. L’échantillonnage des personnages est-il le reflet de sa génération ? « On m’a souvent posé la question et non, je ne le crois pas. Il n’y a pas un Jean-Michel dans chaque famille, mais il existe. Je me suis inspiré de gens que je connais et certains le savent très bien… J’aime écouter les conversations, surtout celles des filles. J’apprends beaucoup. »

Une chose que vous ne savez pas
Louis a une sœur cadette, Ève, dont il est très proche. Atteinte de paralysie cérébrale, elle se déplace en fauteuil roulant, travaille, a un amoureux et une fille de trois ans.

On le verra bientôt dans deux films
Cabotins
, une comédie burlesque réalisée par Alain Desrochers (Les Bougon). Avec aussi Rémy Girard. Louis y joue un gérant de banque. Sortie le 23 juillet.

Reste avec moi, un film choral où plusieurs histoires s’entrecroisent signé Robert Ménard (Cruising Bar). Louis forme avec Maxim Roy un couple dans la trentaine qui vit des moments difficiles. Sortie à l’automne

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