Entrevues

Rencontre avec une Mitsou zen

Elle a créé l’émoi en décrivant ses années de combat pour contrôler son poids. Aujourd’hui, elle concentre ses efforts sur un objectif : être bien, tout simplement.

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Tu es un modèle de beauté pour une foule de gens. Or, récemment, sur ton blogue, tu as raconté tes 25 ans de bataille contre ton bedon et ton côté « pulpeux », tous les régimes possibles, l’entraînement féroce et même, une fois, le bistouri. Le texte a eu un impact énorme. Ça t’a étonnée ?

Oui. Il y a deux ans, Léa Clermont-Dion [blogueuse et militante féministe] m’avait approchée pour que j’apporte mon témoignage dans son essai La revanche des moches. À ce moment-là, je n’étais pas prête à faire ce coming out. Mais quand le livre est sorti en avril, j’ai voulu, un peu à retardement, joindre ma voix à celles des autres. Tout en appréhendant un peu des réactions du genre « Pour qui elle se prend, elle ? », qui, finalement, ne sont jamais venues. Peut-être parce que, quand on part de la douleur humaine et non de la revendication froide, on peut toucher des cordes sensibles.

On ne parle pas beaucoup des femmes qui ont passé leur vie au régime, à se battre contre elles-mêmes et contre leur génétique et qui, à 40, 50, 60 ans, angoissent encore devant la nourriture. Nous sommes toutes pareilles, nous vivons toutes les mêmes malaises.

Tu t’es pesée tous les matins pendant des années. Tu dis aujourd’hui avoir fait la paix avec ton corps. On peut guérir d’une vie de régimes et de privations ?

À 43 ans, je ne suis pas encore arrivée au laisser-aller complet. Plus tard, peut-être. Je ne me pèse plus qu’une fois tous les 10 jours environ : je m’améliore ! Je m’entends et je m’écoute. Je me suis reconnectée à moi-même. Ce n’est pas que je ne fais plus attention, ou, à l’inverse, que je ne fais jamais d’excès. Mais j’ai moins l’impression de vivre sur la corde raide, entre contrôles et débordements.

Cet armistice a changé des choses dans ta vie ?

Ma définition du bien-être a évolué. Aujourd’hui, moi qui suis une mère au travail, je me sens complète quand il me reste assez d’énergie (et de temps) pour créer, pour écrire. La méditation, entrée dans ma vie il y a plus d’un an, m’aide à connecter avec l’être que je suis. Et me fait comprendre que, à défaut de gérer le stress qui m’entoure, je peux au moins gérer la façon d’y faire face. Donc temps de création pour soi et connexion. Les deux, je pense, vont de pair.

Comment en es-tu arrivée là ?

Je voulais gérer mieux mes émotions. Je voulais être bien dans ma peau, mieux me centrer par rapport à mon travail. Nous avons tous des boulots stressants. Le mien, c’est d’être en direct à la radio depuis 14 ans. Je vivais un beat effréné, je dormais mal, je n’arrivais plus à décrocher. Je ne savais plus comment avancer.

La méditation m’a permis de faire du ménage dans ma vie. Ainsi, j’ai diminué ma consommation de télé pour reprendre la lecture, la grande passion de mon enfance, que j’avais oubliée en cours de route. Lire est presque une forme de méditation pour moi. Et comme je suis une solitaire, ça m’aide à me retrouver, à retourner à mes racines. On ne peut lire à deux, c’est une activité très personnelle. Alors, je ne suis plus du tout à jour dans les téléséries américaines mais je m’appartiens davantage.

La santé physique n’a plus la même importance ?

C’est important, mais ce n’est pas nécessairement synonyme de bonheur. Il y a des gens qui ne sont pas en santé mais qui arrivent à être bien. Le bien-être émotif est aussi essentiel que le bien-être physique. Et je pense que la santé est aussi le prétexte politiquement correct que nous, les femmes, utilisons pour cacher notre gestion de poids.

On dit qu’on s’entraîne et qu’on surveille son alimentation pour être en forme et en santé. Mais on triche un peu. Parce qu’on le fait beaucoup pour le pèse-personne. Je m’entraînais jusqu’à cinq jours par semaine, je suis passée à quatre. Et je n’ai pas pris un gramme.

Pourquoi une journée de moins ?

Parce que je n’avais plus de temps ! On peut bien être une machine à gérer le temps, mais quand le couvercle de tes journées ne ferme plus, eh bien, ça ne rentre plus. Le plus important, c’est l’équilibre. En tout cas, c’est devenu ma quête.

Si on soustrait un peu de culpabilité – comme bien des filles et bien des mères, j’ai mon bac en culpabilité et je l’ai obtenu avec mention – et qu’on additionne de l’équilibre, on peut arriver à une recette pas pire du tout.

Et quelle est ta recette ?

Je fais une journée de pilates, deux d’un entraînement qui comprend de la musculation et du cardio. Et je cours une ou deux fois par semaine, ça dépend du temps que j’ai. La course aussi fait partie, pour moi, de la méditation, de mon bien-être.

Et ton alimentation ?

Au lieu de constamment penser à enlever des glucides, des sucres, des gras, je travaille plutôt à ajouter des légumes et des fruits. Au travail, j’apporte mon lunch. Si on se bourre de fruits et légumes, qu’on traîne toujours des crudités avec soi, on est moins soumise à la tentation. Fini ces minicrises d’angoisse où on vide le frigo parce que, à force de s’empêcher de manger, on ne perçoit plus ses réflexes naturels.

Dernièrement, j’ai réalisé que je ne panique plus. Je peux entendre la petite voix qui me dit que j’ai eu du fun, que c’est OK mais que je n’ai plus faim.

D’après toi, quel est l’élément le plus important pour se sentir bien ?

Le sommeil. C’est ce qui permet à l’organisme de se régénérer. Mais tout le monde a coupé dans ses heures de sommeil : nous sommes tous en déficit chronique ! Je suis certaine qu’une grande proportion des dépressions vient de là.

C’est aussi pour cette raison que j’ai recommencé à lire. Parce que terminer sa journée devant un écran, c’est la recette parfaite pour mal dormir. Alors j’éteins tous les écrans au moins une heure avant d’aller dormir.

Merci à l’hôtel W Montréal où les photos ont été réalisées. Consultez les coulisses de la séance photo.

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Mon moment préféré de la journée  Quand mes filles arrivent de l’école à 16 h 30 après avoir passé une bonne journée. Et, aussi, quand je parviens à coucher tout le monde assez tôt et qu’il me reste suffisamment d’énergie pour faire quelque chose pour moi !

Mon petit rituel  Le matin, je fais des exercices de respiration et des salutations au soleil pour réchauffer mon corps. C’est ma manière de gérer mes maux de dos.

Les aliments qui me font du bien  Ceux avec lesquels je commence mes journées. Framboises, bleuets, noix, graines de lin, de chia et de chanvre.

Je ne peux pas me passer de…  Mon cellulaire et mon iPad, il n’y a rien à faire ! En alimentation, c’est mon café avec lait aux amandes le matin et mon thé par la suite.

Le conseil que je n’oublierai jamais  « Dès que tu ne cultiveras plus la peur, tu vas connaître le bonheur. » C’est de ma mère.

Mitsou se confie sur son blogue

« Adolescente, je décide de mon métier : chanteuse. Je fais une vidéo. Tous les premiers articles à mon sujet comportent un adjectif : pulpeuse, voluptueuse ou ronde. J’ai 17 ans. Je pèse 116 livres. Ça doit être les angles de mon corps. Tout en moi est rond. Mon visage, mes seins, mes épaules, ma taille… Il n’y a qu’une solution. Maigrir coûte que coûte. Régime après régime, année après année, jusqu’à m’évanouir, déshydratée, sur le plancher froid de ma salle de bains, rien n’y fait. Faudra passer au bistouri. Je serai sûrement heureuse, car je ne serai plus pulpeuse. La pulpe est restée, la liposuccion n’a pas amélioré grand-chose.

En rétrospective, j’avais un très beau corps ET c’était l’époque où manger des hydrates de carbone n’était pas encore un sacrilège, mais j’ignorais ces deux faits. J’aurais dû en profiter ! La période des protéines est arrivée peu de temps après. Juste après celle du low-fat. J’en ai mangé, des barres de protéines et des plats préparés de 800 calories. Pendant mon parcours dans le monde de la chanson, Madonna avait eu le temps de devenir une icône de minceur et de forme physique éternelle et Beyoncé est apparue avec ses courbes, mais à la bonne place, toutes proportionnées. Si seulement je pouvais être à la hauteur… Ou à la minceur… Peut-être que l’on m’aimerait encore ?

Avec le temps, j’ai définitivement fait la paix avec mon corps dans la vraie vie. Mais professionnellement, il m’arrive encore d’appréhender un gala où je devrai porter une robe pas de manches. Je veux ajouter ma voix au discours sur l’obsession de la minceur, en témoignant de la pression que l’on endure toutes et que j’ai endurée à ma manière, au nom de la beauté. Si 52 % des filles commencent un régime avant l’âge de 14 ans, si 62 % des Québécoises ressentent de la pression pour perdre du poids, le temps est venu de diriger le micro sur un mouvement libérateur, celui du partage. »

Trois autres icônes de bien-être, Jacynthe René, Nicole Bordeleau et Geneviève Guérard, nous racontent leur philosophie de vie.

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