Entrevues

Roy Dupuis

Dans son dernier film, Chercher le courant, Roy Dupuis n’a rien du sex-symbol qui déclenche les passions.


 

Dans son dernier film, Chercher le courant, Roy Dupuis n’a rien du sex-symbol qui déclenche les passions. On l’a déjà vu plus à son avantage qu’avec ces verres fumés qui masquent son regard de feu, ce ciré bleu aux manches bouffantes, ce casque protecteur trop enfoncé et cette barbe poivre et sel hirsute. Il y tient pourtant l’un des rôles les plus importants de sa vie, celui de militant et de président de la Fondation Rivières, un organisme voué à la préservation du caractère naturel des cours d’eau.

Quand Guy A. Lepage, un peu frondeur, a demandé à Roy Dupuis si les artistes ne devraient pas se taire et abandonner aux spécialistes la tâche de discuter en public des questions de développement énergétique et d’environnement, sa réponse a étonné. « Oui, a-t-il dit, on devrait laisser la place aux spécialistes. C’est d’ailleurs ce que je fais. Toute l’information qui me sert dans ce débat me vient d’ingénieurs, de biologistes et autres experts. »

L’ingénieur Alain Saladzius, qui a créé la Fondation Rivières avec l’acteur, le confirme. Roy Dupuis n’appartient surtout pas à cette catégorie d’artistes qui prêtent leur nom à une cause à la mode pour en tirer un bénéfice personnel. « C’est purement altruiste, sa démarche. Le sort de nos rivières lui tient vraiment à cœur. Il assiste aux réunions du conseil d’administration de la Fondation et s’intéresse aux aspects économiques et scientifiques des projets de barrages. Il a étudié en sciences pures au cégep avant de faire l’École nationale de théâtre, et ça paraît! » Engagé? Pour vrai.

Récemment, Roy Dupuis signait lui-même dans Le Devoir un long texte dans lequel il haranguait le premier ministre Charest au sujet de la construction des petites centrales hydroélectriques privées. « N’abandonnons pas nos rivières aux promoteurs privés motivés par le profit! » clamait-il.

Il y a plus de 10 ans que Roy Dupuis se donne à fond à cette cause. Ses plus grands rôles au cinéma – de Maurice Richard au général Dallaire – n’ont rien changé à son implication. En 2001, il a été l’un des premiers, avec Paul Piché et Pauline Martin, à se joindre au mouvement « Adoptez une rivière », lancé par Alain Saladzius. Le ministère des Ressources naturelles du Québec venait de rendre publique une liste de 36 lieux où l’on construirait des minicentrales. Pour prouver son engagement, Roy a d’ailleurs descendu la Gatineau en radeau pneumatique en août de la même année.

Pour Chercher le courant, ce documentaire coup-de-poing dont il assure la narration, l’acteur de 48 ans s’est offert une randonnée de 46 jours en canot sur les 500 km de flots de la rivière Romaine, sur la Côte-Nord. C’est là qu’Hydro-Québec construira quatre barrages d’ici 2020, au grand désarroi des militants environnementalistes. Les réalisateurs, Nicolas Boisclair et Alexis De Gheldere, s’appliquent à montrer la beauté de la flore, de la faune et de tout l’écosystème menacés par le développement hydroélectrique, tout en donnant la parole à des experts.

Le film plaide en faveur d’énergies dites « alternatives ». « Plutôt que de sacrifier 280 km2 pour construire des barrages sur la Côte-Nord, on pourrait générer autant d’énergie en installant sur ce même territoire un parc d’éoliennes de 9 km2 », fait valoir Roy Dupuis. Il reste que, les militants en conviennent, la bataille est « perdue » dans la mesure où rien n’arrête le gouvernement dans sa volonté de développer l’hydroélectricité.

« La société d’État tente de montrer que c’est une énergie propre. On nous présente toujours comme seul autre choix les cheminées qui crachent du charbon. Mais il y a des énergies plus propres : les éoliennes, la géothermie. La construction des barrages n’a qu’un but : permettre à Hydro-Québec d’exporter sa production vers les États-Unis. Le pire? Ça coûte 10 cents pour produire un kilowattheure qu’on vendra 5 cents au Vermont. On finance les Américains! » déplore le président de la Fondation Rivières.

Le groupe de pression ne reçoit aucune subvention des gouvernements. Ses administrateurs misent beaucoup sur Roy Dupuis et sur le film Chercher le courant pour élargir le cercle de ses 400 membres. Et ça marche. « Même les Royettes [admiratrices de Roy Dupuis, pour la plupart des Américaines, qui alimentent le site royettes.com] nous ont écrit pour en savoir davantage sur ce film et sur le projet de la Romaine », dit Alain Saladzius. Pour les dons Quichottes des rivières, c’est déjà une petite victoire…



 

Roy Dupuis : la séance photo
À peine de retour d’un voyage en Inde, l’acteur Roy Dupuis s’est rendu en studio, où il a posé pour la couverture de notre numéro sur les hommes qu’on aime!

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