Monique Leroux a 45 000 employés… et une fille de 17 ans.
Quand elle est entrée à l’université vers la fin des années 1970, les filles comptaient pour moins de 10 % des étudiants en comptabilité, comme dans la majorité des programmes d’ailleurs. Dans – presque – toutes les disciplines, la proportion dépasse désormais les 50 % ; les jeunes diplômées d’aujourd’hui n’ont jamais connu les inégalités. Monique Leroux s’en réjouit. Mais croit tout de même que sa fille, ainsi que toutes les autres de sa génération, pourrait tirer profit de quelques tuyaux…
1 Choisis ce qui te rend heureuse
Si tu fais un travail que tu aimes, ça va t’apporter de la joie, que tu partageras à ton tour avec ta famille. Très souvent, les gens qui connaissent le plus de succès, ceux qui s’impliquent le plus dans ce qu’ils font sont ceux qui ont choisi un domaine, non pour le titre ou la carrière, mais parce qu’ils se sont dit : « Moi, je souhaite contribuer à quelque chose. » Et qui ont été prêts à y mettre la fougue et le temps requis.
2 Fais-toi confiance
On a souvent plus de moyens et de possibilités qu’on ne l’imagine. Bien des gens m’ont donné un coup de main, m’ont fait confiance et je les en remercie. Mais en plus, ça prend cette confiance en soi qui permet de respecter ses engagements. Et ensuite, on doit à son tour donner confiance aux autres. Tout ça crée un « cercle vertueux » très puissant. J’ai travaillé avec bien du monde, hommes et femmes, dans des contextes différents. J’ai noté que l’ambition ne s’exprime pas de la même manière chez les deux sexes. La capacité de se dire qu’on est capable, il faut stimuler ça un peu plus chez les filles. Côté leadership, c’est aussi différent. De façon générale – plusieurs études le confirment –, les femmes gèrent le risque plus prudemment. Si on confie le même portefeuille de placements à un groupe d’hommes et à un groupe de femmes, ce dernier va être plus réservé, moins hardi que l’autre. Alors que le rendement idéal serait obtenu par un mélange des deux. Les femmes doivent prendre plus de place et avoir davantage d’audace.
3 Prends les moyens pour être en paix
Famille, carrière, conciliation, comment réussir ça ? Il n’y a pas de réponse universelle. Mon seul conseil : arrange-toi pour que ton conjoint, ta famille et toi soyez à l’aise avec vos décisions. La vie professionnelle va t’offrir des occasions qui pourraient t’amener à te développer mais qui parfois vont sembler en conflit avec les besoins de la maisonnée. Ce n’est pas une raison pour les laisser passer. À quoi sert de rester à la maison si tu n’es pas heureuse ? Il existe des moyens. Payer une aide familiale peut s’avérer un bon investissement, même si ça veut dire renoncer à autre chose, une nouvelle auto par exemple. Ça va coûter des sous, mais assurez-vous de tout faire pour qu’à la maison vous trouviez la paix. Il y a beaucoup de petites zones de stress qui proviennent des arrangements qu’on a pris chez soi.
4 Conserve un équilibre
Ne perds pas de vue que, une fois la carrière terminée, au moment de la retraite, il faut pouvoir retrouver ses amis, sa famille, avoir une vie. Alors, oui, travaille. Mais garde un équilibre. Je bosse dur, tu le sais. Mais tu sais aussi que je prends cinq ou six semaines de vacances par année.
5 Souviens-toi que tu n’es pas toute seule
Un leader, un chef d’entreprise, un chef politique, ça ne fonctionne jamais en solo. Ni au bureau ni à la maison. C’est souvent un couple, un noyau familial. Je l’ai vu chez beaucoup d’entrepreneurs, c’est vrai pour moi aussi. Sans ton père, sans mes parents, sans toi, je n’aurais jamais été capable de faire ce que j’ai fait. Impossible. Quand je me suis présentée à la présidence du Mouvement, rappelle-toi, ça a été une décision familiale qu’on a prise ensemble, ton père, toi et moi. Parce que ça impliquait un engagement de temps, une disponibilité, des contraintes, qui allaient vous toucher vous aussi. Vous avez dû faire des compromis. À certains moments, quand j’étais moins là, ton père prenait le relais. C’était, en fait, un travail d’équipe. C’est la même chose au travail. Je suis à la présidence du Mouvement Desjardins mais ma force et ma capacité à accomplir quelque chose dépendent de toute l’équipe qui m’entoure. Et puis, n’aie pas peur de demander conseil. Ce n’est pas toujours facile ; tu vas craindre d’avoir l’air fou, de laisser paraître une faiblesse. Mais ça vaut la peine. Moi-même, je sollicite des avis, j’écoute ce qu’on me dit. Ensuite, je rationalise et je prends ma décision.
6 Reprends le flambeau
Tu as de la chance. Au début des années 1980, quand j’ai suivi mon cours en comptabilité, on était 5 % ou 10 % de filles. Maintenant, on a dépassé les 50 %. Il a fallu 25 ans pour arriver là. Chez Desjardins, il n’y a pas si longtemps, les femmes représentaient 20 % des cadres supérieurs. Aujourd’hui, plus d’un dirigeant de caisse sur trois est une femme, ce qui est remarquable par rapport à la moyenne canadienne. Mais ça ne suffit pas. Une partie de mon travail consiste à inciter les femmes à poser leur candidature, puis, une fois qu’elles sont en place, à les aider à assumer leur rôle. Ma génération a fait un bon bout de chemin, mais on n’a pas terminé encore et c’est ta génération qui devra poursuivre. Dans un premier temps, il faudra s’assurer que les femmes soient correctement représentées tout au long du processus de sélection des cadres. Il n’est pas normal qu’elles forment la moitié du bassin de candidats mais seulement 10 % de ceux qui sont retenus en définitive. Il y a un biais dans le système. Et là, il reste du travail à faire. Comme aussi dans les pratiques responsables en matière de gestion de la famille. Les portes sont plus grandes ouvertes pour toi, tu te heurteras à moins de barrières que moi, c’est clair. Je crois que nous, les femmes, apportons beaucoup à la société. Reste à continuer.
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