Au Québec, près de 1 femme sur 5 a acheté un exemplaire de la scandaleuse trilogie d’E.L. James. Les chiffres sont ahurissants: 100 millions de copies vendues dans le monde, dont 800 000 au Québec et au Canada francophone. Au plus fort de la folie «Fifty Shades», il se vendait même un livre à toutes les deux secondes. De toute évidence, ces romans au parfum de souffre ont fait vibrer une corde sensible chez les lectrices, dont beaucoup se disent féministes… tout en revendiquant haut et fort leur droit d’avoir des fantasmes de soumission.
Le film inspiré des livres n’a pas encore pris l’affiche (il sort au cinéma ce samedi, jour de la Saint-Valentin) qu’il cause déjà la controverse. Une campagne intitulée Fifty Shades is Domestic Abuse a même été lancée pour encourager les gens à le boycotter, et à verser plutôt l’argent de leur billet à des centres d’aide aux femmes victimes de violence conjugale. On s’entend, c’est nettement moins réjouissant comme programme. Sauf que le problème est de taille.
Selon Natalie Collins, la créatrice de ce mouvement de protestation qui s’amplifie, Fifty Shades banalise la violence faite aux femmes et brouille les cartes sur la question du consentement. Le film raconterait «l’histoire d’un agresseur type, qui manipule et force sa partenaire à faire des choses dont elle n’a pas envie», a-t-elle expliqué au journal anglais The Independent.
«Ainsi que plusieurs adeptes expérimentés de BDSM me l’ont expliqué, il y a des manières saines, éthiques et consensuelles de combiner sexe et douleur, écrit pour sa part la journaliste Emma Green dans The Atlantic. Mais pour que l’expérience soit sécuritaire et mutuellement satisfaisante, elle doit reposer sur une bonne connaissance de soi, une excellente communication entre les partenaires, et une certaine maturité émotive. Le problème est que Fifty Shades associe le sexe et la violence sans donner de contexte. Parfois, Ana consent à une relation qu’elle ne désire pas vraiment parce qu’elle n’ose pas exprimer ce qu’elle ressent, ou parce qu’elle a peur de perdre Christian; d’autres fois, elle consent à être dominée par lui, même si cela la blesse.»
Deux siècles après les contes sulfureux du marquis de Sade, soixante ans après Histoire d’O, le sado-masochisme choque encore. Est-ce du puritanisme? Ou un réflexe prudent, considérant tous ces agresseurs qui misent sur le flou entourant la question du consentement (un certain Jian Ghomeshi nous vient en tête)?
Et vous, qu’en pensez-vous? Irez-vous voir Fifty Shades of Grey?