
Femmes, autochtones et engagées!
Natasha Kanapé Fontaine, guerrière et poétesse
25 ans, innue, écrivaine, peintre et comédienne, Montréal
Natasha, visage de jeune louve, s’est photographiée conduisant sur les routes de la Côte-Nord – une terre qu’elle chante inlassablement dans ses poèmes et ses slams. Son surnom en innu – Petite louve – témoigne de son obstination, de sa quête de liberté et de son attachement à sa communauté. La poète, finaliste du prix Émile-Nelligan 2014, est invitée partout, au-delà de sa région natale, la Côte-Nord. Au cours de 2015, elle est allée en France, en Haïti, en Écosse, en Allemagne... Ici, elle donne des conférences sur sa poésie ou sur le réveil de la jeunesse autochtone ; là, elle participe à un concert de musique contemporaine dont ses textes sont le socle. En avril dernier, grâce à un simple billet de blogue relayé par les médias sociaux, elle a fait débaptiser l’émission de télévision Pow‑wow, devenue Stéréo pop (ICI Radio-Canada). « J’ai été pendue au téléphone pendant trois jours à accorder des entrevues », dit-elle en éclatant de rire. Pour elle, les pow-wow sont précieux. Longtemps interdits par le gouvernement fédéral, ils permettent aux communautés autochtones, et notamment à leurs jeunes, de renouer avec leur culture. Elle a donc simplement expliqué qu’une émission de variétés ne pouvait pas porter ce nom – et ça a marché !
« Je me demande comment j’ai pu faire tout ce chemin », dit-elle en ouvrant de grands yeux incrédules. Une petite enfance dans la réserve de Pessamit, où elle est trimballée d’une grand-mère à l’autre, faute de logement pour la jeune famille ; une enfance et une adolescence éprouvantes à Baie-Comeau, « dans un milieu familial difficile ». La découverte de sa culture amérindienne, qu’elle fait à 15 ans en tombant sur des contes écrits en innu par sa grand-mère décédée, est un choc sismique. Plus tard, au cégep, une amie française lui offre un recueil de poèmes de Joséphine Bacon. « Moi qui ne connaissais que Rimbaud et Nelligan, je découvrais une grande poétesse issue du même village que moi ! » Joséphine est devenue sa mentore. À Paris, Natasha l’a accompagnée à l’Académie française lors du couronnement de l’écrivain québécois Dany Laferrière. Quand elle sera « grande », Natasha veut être prof dans un village autochtone, pour « retransmettre ce qu’on [lui] a appris ». En attendant, elle rigole beaucoup, écrit fiévreusement, vit à cent à l’heure et fait bouger les mots.
Recueils de poésie de Natasha Kanapé Fontaine
N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, Mémoire d’encrier, 2012 et Manifeste Assi, Mémoire d’encrier, 2014