Dans les pages de La Revue moderne, qui deviendrait officiellement Châtelaine en octobre 1960, des femmes « gaies », « distinguées », « honnêtes » désiraient correspondre avec des hommes « catholiques », « instruits » et « de bonne apparence ». La rubrique « La Petite Poste » permettait aux célibataires de découvrir l’âme sœur par l’entremise du courrier.
René Lévesque, qui venait de se lancer en politique après une brillante carrière journalistique, signait une chronique mensuelle intitulée « La Terre est ronde ». En février 1960, dans un texte mordant sur Fidel Castro venu nous rendre visite, il écrit : « Sa binette prestigieuse s’étalait jour après jour à la TV, à la une des journaux – et grâce à elle, d’innombrables dames et jeunes filles se découvraient brusquement un intérêt immodéré pour la chose internationale ! »
Hautement qualifiée dans le domaine, la journaliste Rollande St-Germain, qui tient chaque mois la rubrique « Le désir d’être belle », nous conseille entre autres de « ne pas garder de crème toute la nuit, c’est inutile et ce n’est pas toujours plaisant pour le mari ». Il faut dire que, très épaisses, les crèmes pénétraient beaucoup moins bien dans la peau qu’aujourd’hui.
Toujours en octobre 1960, Châtelaine offre à ses lectrices un long reportage intitulé « L’accouchement sans douleur est possible ». Le professeur Nicolaiev, un Russe, a mis au point une technique d’accouchement psychoprophylactique… visant à supprimer la crainte et la douleur par « une éducation rationnelle (avant l’accouchement) et un conditionnement sain du cortex, et en créant chez la parturiente des réflexes conditionnés », comme pour le chien de Pavlov. Plus loin, c’est décrété, le collant neige triomphera sur les pentes de ski cet hiver…
Parcourir les Châtelaine de 1960, c’est aussi réaliser la gigantesque évolution de la gastronomie québécoise. En ces temps où le fromage Velveeta, les saucisses Hygrade et les cornichons se transformaient en chics hors-d’œuvre, on se souciait peu de compter ses calories ! Déguster des pompons au riz et au jambon ou un riz à l’orange et à la guimauve était chose parfaitement normale.
Les publicités, elles, nous vantaient les mérites des nouveaux appareils ménagers si pratiques, des téléphones de Bell disponibles en une foule de couleurs… et de la cigarette. Ainsi, après un travail de jardinage, « vous avez bien mérité un moment de répit… une tasse de café – et une Matinée ! » La teinte Sweet Fire, des rouges à lèvres Pond’s, nous promettait d’être ensorcelante… Elizabeth Arden annonçait déjà ses crèmes, V8 affirmait surpasser le goût des jus ordinaires et les sachets de thé Red Rose n’étaient pas une « extravagance », mais assuraient une infusion « parfaitement réussie ».
C’était une autre époque et, pourtant, c’était hier. Comment évolueront les préoccupations de notre société dans les 45 prochaines années ?
Parions que Châtelaine sera encore là pour en témoigner.