Société

J’ai changé de vie: du marketing à l’origami, Pauline Loctin alias Miss Cloudy

Il y a trois ans, Pauline Loctin a abandonné le monde de la musique et du marketing pour celui de l’origami. Depuis, Miss Cloudy – son nom d’artiste – repousse les limites de son art. Elle explore, invente, se lance dans des projets fous qui la mènent à créer des murales, des vêtements, des abat-jours… en papier. Et ses œuvres sont aujourd’hui exposées dans des musées et vendues partout sur la planète. Rencontre avec une anticonformiste.

Photo: Louise Savoie

Ce que je faisais avant

Je travaillais pour un label de musique jazz, à Montréal, ce qui cadrait bien avec ma formation de violoniste et de musicologue. J’ai fait mes études en France [elle est originaire de Bourges, au centre du pays] et je me suis spécialisée en rhythm and blues des années 1950. Chez Effendi Records, la boîte de production où je bossais, nous étions une petite équipe, alors nous faisions un peu de tout. Je cherchais de nouveaux talents et j’écoutais beaucoup de musique, bien sûr, mais je m’occupais aussi du marketing, des communications, etc.

Ce que je fais aujourd’hui

Je suis origamiste. C’est mon gagne-pain depuis 2017. Je crée des reliefs en papier selon la technique de la «tessellation» – l’une des nombreuses branches de l’origami –, qui consiste en une répétition de motifs. Je donne aussi des ateliers de pliage à l’occasion.

Une qualité qui m’a aidée à faire la transition

Je suis une personne très manuelle. J’ai toujours aimé le tricot, la couture. Et j’adore apprendre. Chez Effendi, je suis devenue, de fil en aiguille, assez compétente en marketing web. Lorsque j’ai quitté l’entreprise, il y a 10 ans, je me suis lancée à mon compte, comme consultante en stratégie web. Mais la réalité m’a vite rattrapée: j’avais horreur d’être assise devant un ordinateur toute la journée. J’avais besoin de créer.

La révélation de l’origami m’est venue…

Il y a cinq ans, grâce à un ami. Il m’a prêté un livre qui traitait de la façon d’intégrer le papier et le pliage dans le design. Je l’ai dévoré de la première à la dernière page. J’ai fait tous les ateliers proposés, et j’ai aimé ça. Mais peut-on parler de révélation? Non. Je suis quelqu’un de très «focussé». Ça me vient des cours de violon que j’ai suivis de 6 à 23 ans. À l’époque, je voulais devenir violoniste dans un orchestre symphonique. Apprendre un instrument à ce niveau-là, ça demande du temps et de la passion. Ça m’a forgée.

Un trait de caractère acquis à l’époque et qui me sert toujours

Je suis capable de travailler seule. Je sais me motiver. Tant dans le domaine de l’origami que dans celui de la musique. Si tu ne bosses pas, personne ne va le faire à ta place. Et je suis entêtée! Cela m’aide dans ma tâche de pliage. Si j’ignore comment faire un truc, j’explore, je suis toujours en recherche et développement. Ce qui vient avec son lot d’erreurs. Tous ceux qui explorent font des erreurs! Mais ça, ils ne le disent pas…

Ce que cette forme d’art m’apporte

C’est un art très méditatif. Lorsque je plie, je demeure concentrée pendant des heures, sans dire un mot. Ça permet de décrocher totalement et de se focaliser sur une tâche précise, ce qui fait un bien fou! Je prête à l’origami les mêmes vertus qu’au yoga et à la méditation.

Photos: Louise Savoie

Une qualité que je me suis découverte

Je suis plus forte et plus déterminée que je le pensais. Je suis travailleuse autonome et, comme c’est le cas pour la plupart d’entre nous, il y a parfois des périodes creuses, plus difficiles, où je n’ai aucun contrat. Malgré tout, je trouve la force de continuer.

Ce qui me rend fière

Vous savez, l’ouverture à la musique de Mozart ne se fait pas toute seule. On doit y être exposé. C’est la même chose pour le paper art. Il faut le montrer pour que tout le monde voie ce que c’est. C’est ce que je fais et j’en suis très fière. Je fabrique des murales dans des ruelles, je participe à la création de vitrines de magasins. Parfois, on me dit que mes œuvres sont chères… Je me rends compte que les gens ont perdu la notion de ce que vaut le travail manuel. Essayez, juste pour voir, de coudre vos propres t-shirts! Vous vous demanderez ensuite si vous voulez encore en porter un à cinq dollars! Pour moi, tout ce qui est fait à la main est de l’art. Je tiens cela de mes grands-parents, en France, qui fabriquaient tout eux-mêmes. Ils avaient leur potager, construisaient leurs meubles, confectionnaient leurs vêtements, débitaient leurs animaux de boucherie.

Ce qui me manque de mon ancienne vie

Peu de choses, car la musique est toujours présente. J’en joue encore de temps en temps et j’en écoute beaucoup. Elle fait partie de mon processus de travail. Depuis mon arrivée au Québec, il y a 13 ans, je me suis fait plein d’amis musiciens, je leur donne mon avis lorsqu’ils me le demandent. J’ai même créé un pliage coloré pour illustrer la pochette du prochain album de Kallitechnis, une chanteuse R&B montréalaise.

Un message que j’aimerais passer

Il n’est jamais trop tard pour suivre sa passion. Ma mère a pris des cours d’art à 40 ans. Aujourd’hui, elle fait de la peinture, de la sculpture et des collages. J’ai l’impression que nous, les femmes, sommes obsédées par l’âge. Mais c’est une obsession qu’on nous impose! J’ai 34 ans et je suis toujours célibataire et sans enfant. Je peux vous dire qu’on me le rappelle assez souvent… L’âge, pour moi, n’a aucune importance. Go!

Photo: Louise Savoie

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