Je travaillais en design de l’environnement, à la conception de commerces de détail. J’ai exercé ce boulot pendant une dizaine d’années, jusqu’à 32 ans, âge où je suis retournée étudier dans le domaine qui me passionnait vraiment, l’architecture.
Je suis fabricante de chocolat. C’est ce qui me définit le mieux. À ne pas confondre avec le métier de chocolatière, qui consiste à confectionner des chocolats fins. Moi, je fais plutôt des tablettes avec le chocolat que je tire des fèves de cacao que j’ai torréfiées dans mon atelier de Mont-Tremblant. C’est ce qu’on appelle le chocolat bean-to-bar, ou « de la fève à la tablette ».
Par hasard, en fouillant sur le web. Je suis tombée sur la vidéo d’un couple qui faisait du chocolat bean-to-bar dans sa cuisine. Je n’y connaissais rien, mais ma curiosité était piquée. Appelons ça la curiosité féminine. De fil en aiguille, j’ai découvert le mouvement qui se cache derrière ce type de production. Une fois, j’ai même passé une demi-journée au comptoir d’une chocolaterie bean-to-bar, à San Francisco, à regarder les chocolatiers travailler pendant que ma famille était à la plage. J’étais fascinée. Je me suis renseignée, j’ai lu sur le sujet, et je me suis rendu compte que ce mouvement n’existait pas à Montréal. J’étais lancée!
Rien de particulier, en fait. Je suis une femme de projets. À 40 ans, à la naissance de mon troisième enfant, je me suis consacrée à un nouveau projet: gérer mes trois enfants à temps plein. C’était ça, mon travail. Finalement, à la fin de la quarantaine, j’ai senti que le moment était venu de passer à autre chose.
Lents! À l’automne 2013, j’ai commencé par faire quelques tablettes à la maison, avec mon chocolat que je torréfiais dans ma cuisine. À Noël, j’en avais juste assez pour gâter ma famille. Puis, pendant l’hiver 2014, j’ai continué à en fabriquer, mais toujours en petites quantités. Jusqu’à ce que je fasse une folie, lors d’un séjour en Floride au printemps de la même année. J’ai acheté mon premier gros équipement. À l’été, je suis passée d’une vingtaine de tablettes par semaine à 40, 50, 60, puis 100! Aujourd’hui, je produis environ 20 000 tablettes par année, distribuées dans une vingtaine de points de vente.
Curieusement, ce n’est pas le chocolat! Quand je me suis lancée, en 2013, je cherchais un projet que je pourrais mener à terme. J’aurais pu tout aussi bien choisir l’ébénisterie, par exemple. J’aime la matière, le bois, l’acier… Alors ce qui me plaît? C’est de partir d’une chose aussi simple qu’une fève de cacao et d’en faire un bon produit. Un produit qui fait sourire, qui rend les gens heureux.
Je suis minutieuse. Dans ce métier, il n’y a pas de recette. Pour faire un bon chocolat, il faut de bonnes fèves – et je suis capable de les trouver –, de bons équipements et de la patience. Et il y a certainement quelque chose que je fais bien, car depuis plusieurs années, je remporte des médailles d’or aux International Chocolate Awards, un concours mondial qui couronne les meilleurs chocolats.
J’ai dû me rendre à l’évidence, je ne suis pas une bonne femme d’affaires. J’aime mettre un projet sur pied et le réaliser, mais assurer la distribution, tenir la comptabilité, gérer les commandes, bof. C’est beaucoup moins dans mes cordes. Il faut que j’apprenne à bien m’entourer. J’ai déjà deux employées très compétentes pour fabriquer le chocolat avec moi, elles sont mes mains, ni plus ni moins. Et même si je n’aime pas la paperasse, je dois m’en occuper, je n’ai pas le choix. Il me faudrait un bon gestionnaire!
En 2017, le bâtiment où se trouvait mon atelier, à Mont-Tremblant, a été rasé par les flammes. J’ai tout perdu! J’aurais pu abandonner la partie à ce moment-là, sauf que je n’étais pas allée au bout de mon trip. Il fallait que je continue. Jamais, après l’incendie, je n’ai pensé à lâcher. L’avantage, c’est que même si je n’avais plus rien, je savais exactement ce dont j’avais besoin pour me relancer, où trouver mes fèves de cacao, les machines, etc. Bien des gens du coin m’ont d’ailleurs donné un coup de pouce en m’achetant à l’avance 100 tablettes de chocolat par année, pour les trois prochaines années! Ça m’a aidée dans mon financement.
Moins éparpillée, beaucoup plus concentrée. Mais le revers de la médaille, c’est que, depuis cinq ans, mon entreprise est devenue très accaparante. Je dois trouver une façon de prendre du temps pour moi, de m’offrir des vacances.
Je leur dirais de foncer. Mais de s’assurer de bien s’entourer. Moi, j’ai été super chanceuse, j’ai eu le soutien de ma famille. Même ma mère vient me donner un coup de main à l’atelier de temps en temps. Être entrepreneure, c’est exigeant! Surtout dans le secteur de l’alimentation. Les pauses sont rares…
À lire aussi: J'ai changé de vie: du marketing à l'origami, Pauline Loctin alias Miss Cloudy
Inscrivez-vous aux infolettres de Châtelaine
Journaliste depuis plus de 30 ans, Daniel Chrétien se passionne pour les magazines. Il a notamment mis sa plume au service de Québec Science, de L'actualité et de Châtelaine, où il a travaillé comme rédacteur en chef adjoint pendant cinq ans. Au cours de sa carrière, il a remporté une dizaine de prix de journalisme, dont le prix Jean-Paré, remis au journaliste magazine de l'année au Québec. Aujourd'hui journaliste indépendant, il continue à collaborer avec Châtelaine sur une base régulière, en signant des reportages culturels ou traitant de sujets sociaux qui touchent les femmes.