Société

La grande résilience de l’artiste peintre Marie-Sol St-Onge

Elle consultait pour une gastro, elle a plutôt été plongée dans un coma, puis amputée de ses jambes et de ses bras. La bactérie mangeuse de chair avait fait son œuvre. Malgré tout, l’artiste peintre Marie-Sol St-Onge n’a jamais perdu foi en la vie. Et a réinventé la pratique de son art.

Ce que je faisais avant

J’ai été peintre scénique pendant 10 ans dans des ateliers de fabrication de décors, à Montréal. Puis, j’ai déménagé à Trois-Rivières avec mon conjoint et mes deux fils, et j’ai lancé mon entreprise de peinture artistique en 2011. Dès le départ, j’ai décroché plein de beaux contrats, notamment des murales chez des particuliers.

Ce que je fais aujourd’hui

Je suis toujours artiste peintre… mais avec une autre technique ! J’ai été victime de la bactérie mangeuse de chair et amputée de mes quatre membres. J’ai appris à vivre différemment, et peindre avec des prothèses ne m’a pas empêchée de poursuivre ma carrière! Je dirais même que je suis devenue une artiste plus accomplie. Je ne peins plus ce qu’on me commande, mais je crée des toiles inspirées par mon imagination.

Ce qui m’est arrivé

J’ai été hospitalisée le 8 mars 2012, car j’avais de la difficulté à respirer et des symptômes de gastroentérite. Un streptocoque A circulait dans la classe de maternelle de mon fils, et on pensait que je l’avais attrapé. J’étais si affaiblie que les médecins m’ont plongée dans un coma artificiel. À mon réveil, trois jours plus tard, ils m’ont expliqué que la bactérie s’était développée de façon fulgurante dans mon corps et que mes membres étaient complètement nécrosés. J’ai dû rester plus de quatre mois à l’hôpital. J’ai subi 14 opérations d’amputation.

Comment j’ai surmonté cette épreuve

J’ai compris la gravité de mon état dès mon réveil, dans les yeux de mon conjoint. Ma famille a vraiment cru que j’allais mourir. De leur frayeur est née ma résilience ! Bien sûr, j’ai eu des moments de tristesse, mais la joie d’être encore auprès de mon amoureux et de mes enfants les a effacés.

Mon processus d’acceptation

Je me suis peu attardée sur le « pourquoi c’est arrivé », j’ai plutôt enclenché le mode « comment on va s’en sortir ». J’avais hâte de recevoir mes prothèses et je les ai accueillies comme des outils qui allaient me permettre de refaire plein de choses. Quand j’ai quitté l’hôpital, c’était déjà clair dans ma tête : maintenant, c’est comme ça, pleurer n’y changera rien, j’ai 34 ans et je veux vivre.

Un trait de caractère qui m’a aidée

Mon humour ! J’essaie toujours de rire pour dédramatiser. Mes fils avaient 5 et 8 ans quand c’est arrivé. Le plus jeune ne me reconnaissait pas, il n’osait pas s’approcher de mon lit. Un jour, mon mari leur a dit : « Levez vos chandails, maman va vous chatouiller ! » L’aîné m’a montré son bedon. Je l’ai chatouillé avec mon moignon, c’était doux, il a éclaté de rire. Alors, son frère l’a imité. La peur et le malaise sont partis à cet instant.

Marie-Sol St-Onge

Photo : Marjorie Guindon

Ce qui m’a poussée à reprendre les pinceaux

Je ne pensais pas repeindre. Mon mari, lui, était convaincu du contraire. Un jour, il a attaché un crayon à mon moignon avec du duct tape et m’a laissée face à une feuille blanche. Fébrilement, j’ai dessiné une petite fleur. Wow ! C’était pas si mal. Ç’a été le déclic.

Comment mon art a évolué

Au début, le trait était flou, car je ne contrôlais pas bien mon pinceau. Maintenant, je suis capable de tracer droit, mais j’ai choisi de conserver ce style. Il me caractérise. Je peins beaucoup de petites îles – ma façon de représenter la solitude que les gens vivent parfois à cause de leur handicap. Mais ces îles ont toujours une pointe de couleur, pour symboliser l’espoir et rappeler que la vie est belle quand même.

Une marque de soutien que je n’oublierai jamais

Mon conjoint m’a demandée en mariage à mon réveil du coma. J’étais intubée, mais comme dans les films, il m’a dit de cligner des yeux : un coup pour oui, deux coups pour non. J’ai cligné une fois, puis je les ai gardés bien écarquillés. [Rires] Il n’a jamais cessé de me regarder avec amour et d’aimer mon corps tel qu’il est.

Ce que cette épreuve m’a appris

Le besoin de partager. Je n’avais jamais éprouvé ce sentiment si fort qu’on vit à travers les autres. En me relevant, j’ai aidé d’autres gens à traverser eux aussi des épreuves. Je me nourris de ça.

Comment je vis le regard des autres

La première fois que j’ai vu mon reflet, j’ai été choquée. Alors je m’attendais à ce que les autres aient minimalement la même réaction. Mais je ne me suis jamais cachée. Je suis trop heureuse de vivre pour rester enfermée chez moi ! Passé l’effet de surprise, les gens m’adressent des sourires et des regards admiratifs.

Un rêve que je nourris

J’aimerais animer une émission de télévision qui ne tourne pas autour du handicap. Pourquoi pas sur l’art ? En fait, je rêve du jour où les personnes handicapées seront invitées pour parler de leurs idées, pas de leurs difficultés. Nous voir davantage dans les médias contribuerait à créer une société plus inclusive et tolérante.

Ce dont je suis le plus fière

Chaque petit gain en autonomie me rend fière, mais au-delà de ça, vous l’aurez compris, je ne peux que rendre hommage à mon amoureux et à mes enfants.

L’exposition de Marie-Sol St-Onge, L’art d’avancer, est présentée au Musée Pop de Trois-Rivières jusqu’au 13 mars 2022.

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