Lâchée lousse

Peur, pas peur, j’y vais!

Aller voir ailleurs ; un puissant moteur qui nous amène à nous dépasser.

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Un jour, un premier hominidé s’est hissé sur ses pattes de derrière pour mieux voir jusqu’au bout de sa savane. Une première plutôt, parce que, bien sûr, ça devait être une femme : elle cherchait son petit dernier, toujours en train de manigancer un coup pendable quelque part.

C’était il y a six millions d’années environ. Depuis, des millliards d’Homo sapiens ont rapaillé leurs cliques et leurs claques pour aller voir à l’autre bout du lac, au fond de la vallée, sur l’île d’en face ou de l’autre côté de la grande mer. Des aventuriers ? Quelques-uns peut-être. Mais la majorité d’entre eux cherchaient un lac plus poissonneux, une forêt plus riche en fruits, une plus grosse harde à chasser. Bref, ils prenaient des risques dans l’espoir d’améliorer leur vie. C’est comme ça que, au fil des millénaires, l’humanité a traversé le détroit de Béring pour coloniser les Amériques jusqu’à la Terre de Feu, a affronté le Pacifique en pirogue pour découvrir toute l’Océanie jusqu’en Australie.

Aller voir ailleurs est un moteur tellement puissant que, même quand on pourrait rester tranquillement chez soi – comme c’est le cas pour la majorité des Occidentaux –, on s’invente des défis et des aventures.

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Photo : Thomas Pickard / Stocksy

Robyn Davidson, une Australienne ordinaire, a fait à 27 ans un trek de 2 700 km à travers le désert de son pays, toute seule avec quatre dromadaires et un chien (Seule dans les déserts d’Australie, Flammarion). Le Québécois Jean Béliveau (non, pas le hockeyeur) a mis 11 ans et usé 54 paires de chaussures pour faire le tour du monde à pied (L’homme qui marche, Flammarion). Mylène Paquette, comme quelques autres, a ramé l’Atlantique en solitaire (Dépasser l’horizon, Les Éditions La Presse). Cheryl Strayed, une jeune Américaine un peu paumée, a parcouru 1 800 km de la Pacific Coast Trail, un sentier de randonnée qui court au sommet des Rocheuses, du Mexique à la frontière canadienne, avec, comme unique arme, le sifflet « le plus puissant du monde » (Wild – Marcher pour se retrouver, Arthaud). Certaines semaines, il y a des embouteillages au camp de base de l’Everest. La moitié du Québec a « fait » Compostelle. L’autre moitié, je crois bien, se prépare pour l’an prochain.

On s’entend, participer au Rallye Aïcha des gazelles du Maroc, courir le Marathon de Montréal ou effectuer l’ascension du Kilimandjaro équipée de pied en cap par Mountain Equipment Co-op, c’est de la rigolade à comparer à ce qu’ont vécu nos ancêtres. Mais ça permet tout de même de se sentir en vie, de se prouver qu’on est capable, de se trouver.

Et de dompter la peur, la satanée peur qui traîne au fond des tripes de millions de femmes. Et qui nous empoisonne la vie, encore aujourd’hui.

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