J’ai en mémoire une vieille chronique de Pierre Foglia. L’ex-chroniqueur-vedette de La Presse y dressait une brillante analogie entre le vélo et la vie : dans le peloton d’une course, il y a le premier, toujours encensé, et les autres, anonymes, derrière. Foglia, toujours à contre-courant, y faisait l’éloge du travail, de la détermination, du cran… et des deuxièmes.
La belle idée. J’ai alors compris où j’allais me situer. Je deviendrais une deuxième. Pas une fainéante qui traîne ses savates. Une bonne deuxième qui pédale avec acharnement.
J’ai donc passé une partie de ma carrière à épauler des dirigeantes de grand talent – elles se reconnaîtront. Fidèle complice, je n’ai jamais envié leur place. J’étais sur mon X et heureuse de m’y trouver.
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Alors quand, en mai dernier, ma boss a décidé de « relever un nouveau défi », j’ai pris peur. Aïe ! Avec son départ, j’allais devoir prendre la tête de ce magazine en intérim. Oh ! bien sûr, c’est un privilège. Mais quel défi ! En toute humilité, je crois en avoir les compétences : pédaler derrière, ça ne développe pas seulement les mollets. Tout de même, les doutes m’étranglaient. « Il me manque ci et ça… », que je me disais.
Vous aussi, vous avez déjà vécu ça ? Abdiquer avant même d’essayer. Je répétais à qui voulait l’entendre : « Je suis une bonne deuxième », comme pour m’excuser de mes nouvelles responsabilités.
Au même moment, l’équipe et moi, nous étions en train de préparer notre dossier sur l’ambition des femmes. Assez ironique, non ? Plutôt et… très formateur.
Les résultats du sondage exclusif de Châtelaine et de L’effet A, réalisé par Léger, m’ont jetée à terre. Pas moins de 7 Québécoises sur 10 se disent ambitieuses ! Elles ne souhaitent pas toutes diriger Hydro-Québec ou la caisse populaire de leur coin. Elles ont envie de s’accomplir, de s’épanouir, de se surpasser. Bref, de donner le meilleur d’elles-mêmes, qu’elles soient devant des bambins du service de garde ou le conseil d’administration d’une grande entreprise.
Je m’y reconnais. Et vous aussi, j’en suis persuadée.
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Fait réjouissant, ces femmes se jugent plus ambitieuses que l’était leur mère. Si ma génération est un peu gênée de rêver grand, les Y, elles, le crient haut et fort. Alors, nous avançons ! Nous prenons davantage notre place sur le marché du travail avec un plus grand appétit de réussites. Des modèles émergent et nous guident. Pensons à cette initiative qu’est L’effet A, née sous l’impulsion de formidables leaders – dont Isabelle Hudon, chef de la direction de la Financière Sun Life Québec – qui cherchent à stimuler l’ambition féminine. Jusqu’à présent, plus de 600 Québécoises ont suivi le Défi 100 jours L’effet A, programme de formation ouvert à toutes les travailleuses d’ici.
Ambition, le mot ne fait plus peur. Et c’est tant mieux. Maintenant, à nous de nous l’approprier un peu plus. Avec fierté. Nous avons un devoir envers nous-mêmes… et les autres.
Voilà comment toutes les « bonnes deuxièmes » peuvent devenir ambitieuses.