À bien y penser

Le plus beau cadeau aux mamans a 20 ans (et c’est la naissance des «garderies à 5 $»)

En ce surlendemain de fête des Mères, je continue de croire que l’un des plus beaux cadeaux que le Québec ait pu faire aux mamans, c’est la création (il y a 20 ans cette année!) de services publics de garde à contribution réduite: les fameuses garderies à cinq dollars. Quelle erreur que d’avoir changé les règles du jeu!

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Vous ne le savez pas, car peu de médias en ont parlé, mais les centres de la petite enfance (CPE) ont souligné avec éclat leurs 20 ans au début de mai, en tenant une grande rencontre au Palais des congrès de Montréal. C’était la conclusion d’une opération d’envergure: la Commission sur l’éducation à la petite enfance.

Avec le soutien de l’Institut du Nouveau Monde, l’Association québécoise des centres de la petite enfance a mis sur pied cette commission il y a plusieurs mois, histoire de tirer un bilan de ces 20 ans d’existence. Trois commissaires indépendants ont été nommés, et tout l’automne, ils ont mené des consultations, en se rendant notamment dans 14 villes du Québec, en réalisant un sondage auprès de 5 000 parents, en recueillant des mémoires, etc. Un exercice nécessaire pour voir ce qui peut être amélioré, mais aussi une reconnaissance de cette formidable avancée sociale que sont les CPE.

Bebes-Garderie

 

C’est pourquoi je me pince quand je tombe sur des articles qui les dénigrent encore.

Pas plus tard que le mois passé, un chroniqueur du Globe and Mail soutenait que le système de garde public du Québec n’était pas un modèle et que les autres provinces devraient s’en tenir loin. Il reprenait des critiques entendues depuis la mise en place du système: ça coûte trop cher à l’État, ça ne répond pas à tous les besoins, c’est nocif pour les enfants (jusqu’à augmenter la criminalité chez les garçons, disait le journaliste en citant une étude très controversée faite en 2015 par des… économistes!).

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Quelle vision étriquée, que de sottises!

Moi, je me rappelle parfaitement l’arrivée de la nouvelle politique familiale, promise lors du Sommet sur l’économie et l’emploi de l’automne 1996 qu’avait organisé le gouvernement du Parti québécois de Lucien Bouchard. Ça n’avait pas traîné (en soi un exploit gouvernemental!): dès janvier 1997, la ministre responsable du dossier, Pauline Marois, en avait dévoilé les détails et le 1er septembre suivant, le réseau des CPE commençait à se déployer, et le tarif réduit, fixé à 5$ par jour, à s’appliquer – tarif qui grimpera à 7$ à l’arrivée des libéraux de Jean Charest en 2003.

En 1997, j’avais trois enfants et ça faisait déjà plusieurs années que je vivais le cycle très coûteux d’avoir deux enfants à la garderie en même temps. Notre formidable garderie avait beau être sans but lucratif, elle nous coûtait chaque mois plus de 1 000$. Plus cher que notre loyer!

On payait sans états d’âme, car ma participation au marché du travail allait de soi. C’était serré, mais on faisait avec, en attendant le remboursement d’impôt de fin d’année. Je comprenais toutefois qu’une mère travailleuse – oui, les mères, parce que c’est d’elles qu’il s’agit! – mette dans la balance son salaire net par rapport aux coûts de transport, de lunch et surtout de garderie. Combien lui restait-il pour finir? En fait, dans la vraie vie, c’était souvent le chéri qui faisait remarquer à sa douce que, franchement, pour le trouble que ça donnait, est-ce que vraiment, vraiment, ça valait la peine qu’elle ait un emploi? Posée de cette manière, l’envie de maman de travailler à l’extérieur ne pesait pas lourd.

Les garderies à 5$ ont complètement changé la donne.

Chez nous comme ailleurs, des frais de garde ramenés à 100$ par mois par enfant ont apporté un soulagement immédiat. Pour le Québec, l’effet a été encore plus structurant. Les mères pouvaient envisager leur retour sur le marché du travail sans stress financier en étant en outre assurées que le service de garde était dûment encadré – la recherche d’une gardienne de qualité étant un autre facteur de stress. La popularité des CPE a dès lors été si grande qu’y avoir accès était un casse-tête, preuve du besoin qu’on en avait!

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D’ailleurs, et des études l’ont vite démontré, leur mise en place a entraîné une arrivée importante de mères de jeunes enfants sur le marché du travail. Les détracteurs idéologiques des CPE disent que dans les autres provinces aussi, plus de mères sont allées travailler à l’extérieur. Mais dans une moindre mesure. Et jamais ces critiques ne font mention de la tranquillité d’esprit que procurent aux familles de faibles coûts et un service de qualité pour leurs enfants. On ne mentionne pas non plus que la création des CPE a eu un effet direct sur la diminution du taux de pauvreté au Québec.

Depuis quelques années, les gouvernements libéraux ont limité l’expansion du réseau public des CPE au profit des garderies privées, où la qualité varie grandement. Et depuis deux ans, le gouvernement de Philippe Couillard a mis un terme au tarif universel des CPE: les parents paient selon leurs revenus. Bonjour les dégâts, ont signalé bien des familles devant la facture!

Mais le fond du cadeau demeure, et les CPE continuent de revendiquer leur nécessité comme service public, visant même la gratuité. Tellement d’accord: soutenir les enfants et leurs parents, les mères au premier chef, c’est soutenir toute la société.

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Photo: Canufel / Annick mh.

Journaliste depuis plus de 30 ans, Josée Boileau a travaillé dans les plus importants médias du Québec, dont au quotidien Le Devoir où elle a été éditorialiste et rédactrice en chef. Aujourd’hui, elle chronique, commente, anime, et signe des livres.

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