Société

Le Web, nouveau lieu d’intimidation

Courriels et textos menaçants, photos, commentaires embarrassants postés sur les réseaux sociaux… « La cyberintimidation, c’est de l’intimidation sur la place publique par des gens trop innocents pour se rendre compte que tout le monde les voit. »

Maude Chauvin

16 h 30. La Commission scolaire de la Rivière-du-Nord reçoit un coup de fil alarmant. Alertée par le Service de police de la Ville de Montréal, qui surveille les réseaux sociaux, la police de Saint-Jérôme l’informe d’un complot. Sur sa page Facebook, un de ses élèves propose à ses 839 visiteurs d’inscrire le nom des profs qui méritent la mort – et de quelle manière! Date d’exécution : le 13 octobre. Nous sommes le 12! L’instigateur, qui étudie à l’École secondaire des Hauts-Sommets, est arrêté sur-le-champ. Tous les représentants de l’école sont convoqués d’urgence. Bilan : 25 jeunes des Hauts-Sommets écopent de trois jours de suspension pour être devenus « ami », avoir émis un commentaire (bonhomme sourire compris), ou simplement cliqué sur « J’aime ». Leurs parents doivent participer à une formation sur la cyberintimidation. Et pour être réadmis, les jeunes doivent participer avec leurs parents.

Courriels et textos menaçants, photos, commentaires embarrassants postés sur les réseaux sociaux… tout message virtuel qui a pour but de ridiculiser des camarades de classe porte ce nom.

« La cyberintimidation, c’est de l’intimidation sur la place publique par des gens trop innocents pour se rendre compte que tout le monde les voit », commente Marc St-Pierre, directeur général adjoint à Commission scolaire de la Rivière-du-Nord.

Et ses ravages sont plus désastreux encore. En un clic, 200 personnes sont incitées à croire qu’une telle est « une conne »… « L’information » voyage de façon exponentielle et suit la victime jusque dans le confort de sa chambre à coucher.

Le phénomène est si récent que les écoles peinent à suivre. Doivent-elles interdire les cellulaires, iPod et cie? Bloquer l’accès aux réseaux sociaux? Comment baliser les comportements sur Internet et quelles stratégies d’intervention adopter? « Ces questions nous prennent de court, Sophie Bourque, conseillère pédagogique à la Commission scolaire de Montréal. Le milieu scolaire commence tout juste à apprivoiser les nouvelles technologies. »

D’un côté, il y a les jeunes branchés qui baignent dedans depuis leur première dent, de l’autre, les adultes déconnectés. Les premiers communiquent par la voie des réseaux sociaux, les seconds les perçoivent comme un danger lancinant.

Si ces réseaux s’avèrent un formidable outil de reconnaissance qui brise l’isolement, beaucoup d’éducation reste à faire. À commencer par expliquer aux jeunes que Facebook n’est pas un espace privé. On ne peut pas y dire n’importe quoi ! « Les jeunes ont une responsabilité, au même titre que lorsqu’ils sont dans la rue, avance Marc St-Pierre. Et si la cyberintimidation survient à la maison et que ses impacts se font sentir à l’école, bien sûr qu’on doit s’en occuper! »

En plus d’apprendre aux jeunes les habiletés sociales, on aurait intérêt à développer chez eux l’empathie, une éthique personnelle et à faire appel à leurs valeurs, insiste Sophie Bourque. « Il faut les amener à se demander : “Ce que j’écris risque-t-il de nuire à quelqu’un ou de le blesser? Est-ce que ça contrevient aux lois?” »  

Sans l’appui des parents, l’école ne pourra pas vaincre le fléau. Un conseil : négocier le temps passé en ligne. Surveiller ce qui se passe, justement, dans le confort de la chambre à coucher…

Dans ce dossier :

L’intimidation, ça va faire!

L’intimidation : Alors, on fait quoi?

Intimidation : ça n’arrive pas qu’aux jeunes…

Les jeunes se mobilisent contre l’intimidation

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