Chère Léa,
Fais-tu tes ourlets de pantalon toi-même?
Le chroniqueur Patrick Lagacé, de La Presse, a fait un coming-out récemment. Il est, avouait-il, incapable de peindre un cabanon ou de poser un luminaire. Capable de tweeter mais complètement démuni devant une toilette qui coule. Un Homo iPhonus, orphelin des habiletés manuelles de son père. Un homme décoratif, quoi.
Il m’a fait réfléchir. Moi qui mesure à peine 1 mètre 60, j’ai dû, dans ma vie, dépenser une fortune pour faire raccourcir des manches de veston ou des ourlets de jupe. Mais je n’ai jamais appris. Moi aussi, j’ai les mains pleines de pouces.
Je travaille? J’ai une carrière? Et après? Ma mère a travaillé dans des bureaux pendant 25 ans. Mais elle réussit sa pâte à tarte du premier coup et peut tricoter un pull-over en regardant Unité 9.
Elle voulait m’apprendre tout ça. J’ai résisté de toutes mes forces. Pour moi, comme pour beaucoup de filles de ma génération, apprendre à tricoter, coudre ou cuisiner, c’était se soumettre aux stéréotypes, ne pas avoir de réelle ambition. Pas cool pantoute.
Ça m’a un peu passé. J’ai appris, grâce aux Ricardo di Stasio de ce monde, à cuisiner raisonnablement. Je peux repeindre ma cuisine, planter des vivaces et repasser une robe. Mais je vais toujours porter mes pantalons neufs chez le tailleur, je ne sais pas réparer une crevaison sur mon vélo et je n’ai pas tout à fait élucidé la différence entre un volt, un watt et un ampère.
La connaissance, c’est la liberté, disait le sage. Il avait raison. Ma mère peut, avec 100 dollars, me faire un magnifique tailleur original dans un tissu de qualité. Moi, pour le même prix, je suis condamnée à enrichir un manufacturier cheap qui fait tout faire en Chine par des ouvrières mal payées.
Et en plus, je ne connais rien à Photoshop. Pas brillant, mon affaire.
Louise