« Les cimetières sont des lieux particuliers créés par les hommes pour rendre hommage aux ancêtres. Ils sont agencés par le temps et le hasard, la plupart du temps sans plan préalable, mais ils révèlent souvent une unité architecturale impressionnante », observe Jean-Claude Garnier, un Français qui a photographié près de 2000 cimetières dans 80 pays pour illustrer le livre Cimetières autour du monde. À l’est de Londres, le joli cimetière Tower Hamlets a justement été transformé en parc afin de favoriser la visite de ce lieu hors du commun datant de 1841. (Photo par Marie-Christine Deschênes)
« Les peuples semblent plus en paix avec la mort en Afrique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud... Probablement parce que les gens y sont plus croyants et que, pour eux, il y a autre chose après la mort », observe Jean-Guy Vaillancourt, spécialiste des questions religieuses et enseignant à l’Université de Montréal, désormais à la retraite. L’île de Guadeloupe, où on festoie pendant une semaine en l’honneur des disparus, en est un bon exemple. En novembre, le pays s’arrête pendant plusieurs jours pour célébrer la Toussaint. Après un nettoyage complet des cimetières, on allume des bougies autour de chacun des monuments et on se réunit pour des célébrations teintées par les cultures française, africaine et indienne de l’île. Celles-ci sont agrémentées de goûters, de rhum local, de discussions animées et de prières. Et, ici, dans les cimetières de la ville de Saint-François, on orne les tombes de coquillages « pour que les morts puissent continuer à entendre la mer ».
Au Mexique, les gens se rappellent les disparus de manière festive puisque la mort fait partie de la vie. Pendant la période entourant le Día de los Muertos, en novembre, on célèbre avec de la musique, des bonbons, de la tequila, des décorations colorées et des représentations caricaturales de la mort. Pendant trois jours, on pense aux enfants décédés, aux personnes mortes de façon violente et finalement à tous les autres défunts. Lors de la fête, on mange, on danse et on chante dans les cimetières (ici, celui de San Cristóbal de las Casas), puis on laisse sur les tombes des fleurs, de l’alcool ainsi que les plats favoris des défunts.
« Les cimetières sont des lieux très différents selon les pays. Ils sont représentatifs de la région, de la religion, de la vie sociale et de la culture des pays où ils se trouvent », croit Jean-Claude Garnier. Le Cementerio de la Recoleta, avec ses airs de petite ville austère, en est la preuve. Premier cimetière public de la région de Buenos Aires, en Argentine, il comporte près de 5000 voûtes, dont certaines datent de 1822. Parmi celles-ci, une centaine a été déclarée monument historique national par le gouvernement argentin. (Photo par Marie-Sophie L'Heureux)
L’ancienne cité de Pétra, en Jordanie, rappelle les multiples façons qu’ont les disparus de laisser leurs traces. Construite dans l’Antiquité, au milieu de hauts rochers afin de permettre aux habitants de se protéger des ennemis, Pétra est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1985. Bien que l’attrait le plus populaire de l’ancienne cité soit le Trésor, l’immense tombeau d’un roi nabatéen, on trouve de nombreux autres tombeaux creusés à même la pierre partout sur le vaste site de 40 km².
D’après Jean-Guy Vaillancourt, c’est surtout la religion qui influence les rituels liés à la mort. Si, dans le christianisme, on pense que l’âme humaine se détache du corps lorsque la mort survient, on croit à l’immortalité, dans le judaïsme, et à des transformations, dans le bouddhisme et l’hindouisme. En Thaïlande, pays majoritairement bouddhiste, on considère la mort comme une partie intégrante d’un cycle de transformation. L’accompagnement du mourant et les rites funéraires s’inspirent donc de cette vision et visent à aider le défunt à accéder à un autre niveau.
À l’intérieur d’une même religion ou d’une même culture, les célébrations en lien avec la mort peuvent varier. La géographie des lieux, par exemple, peut jouer un rôle. Ici, dans le village flottant de Kompong Luong, au Cambodge, où les cérémonies religieuses, comme tout le reste du quotidien d’ailleurs, se déroulent sur l’eau. C’est dans cette petite église catholique que les vivants viennent saluer leurs morts.
« C’est un grand pari, la mort, c’est un grand mystère... La seule justice dans le monde, c’est que tout le monde passe par là », observe Jean-Guy Vaillancourt. En Afrique du Sud, la mort est perçue comme une étape plus qu’une fin en soi. Avec ses économies, celle que tout le monde au village de Bathlabine appelle Mosike peut enfin offrir une pierre tombale à son mari, 30 ans après son décès.
« Les peuples gèrent le deuil selon leurs croyances et leur culture, puis chaque personne le fait selon sa personnalité et ses expériences de vie. Selon ces facteurs, certains parlent aux morts, d’autres les oublient », observe Jean-Guy Vaillancourt. Par exemple, au Guatemala, on reste très près des disparus en organisant des pique-niques familiaux ou en prenant un verre sous les arbres des jolis cimetières colorés, comme ici, à Chichicastenango.
Le cimetière Notre-Dame-des-Neiges, âgé de plus de 150 ans, est le plus grand au Canada et le troisième en importance en Amérique du Nord. Il est aussi considéré comme l’un des plus beaux du pays. « Pour moi, les cimetières n’évoquent pas la mort, mais plutôt une esthétique particulière : les formes et les couleurs que ces sites peuvent acquérir sont multiples, surprenantes et souvent très jolies », croit Jean-Claude Garnier.
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