Chaque année, sur fond de fanfares, de feux d’artifice et de parfum de jasmin, des dizaines de milliers de couples s’unissent, dans le cadre d’un véritable marathon de mariages, qui dure des mois. Accompagnées de leur futur époux, les femmes − magnifiques, parées de leurs diamants − font la queue pour « attacher le nœud » dans de somptueuses salles thématiques, à travers la ville.
Presque la moitié de l'Inde a moins de 25 ans, et dans les centres urbains, c’est surtout cette jeunesse éduquée qui alimente le rythme effréné de la modernisation du pays. Malgré une réelle fascination pour les valeurs occidentales, la tradition du mariage, elle, reste intouchable, et pour les Indiennes, il s’agit d’un événement d’une grande importance.
En Inde, l’industrie du mariage représente 42 milliards de dollars annuellement − soit l’équivalent du P.I.B. du Mozambique −, et ce commerce lucratif continue sa croissance au rythme de 20 % par année. Le mariage d’un fils ou d’une fille est un moment de fierté et un accomplissement pour une famille indienne, qui sera prête à dépenser jusqu’à 70 % de ses économies pour l’événement, dont plus des deux tiers en bijoux.
La jeune mariée choisit toujours ses bijoux avant son sari ou ses robes. Elle en aura besoin d’au moins trois ensembles (colliers, boucles d’oreilles et de nez, bracelets et bagues) pour les différentes cérémonies. Ici, le couple Bushan et Prati commence ses préparatifs de mariage chez WH Pette’s, le joaillier de famille. Il s’agit de la plus vieille chaîne de joailliers de Mumbai, et puisque les générations d’une même famille se sont suivies pour y acheter et vendre leurs bijoux, la relation avec le bijoutier y est aussi importante qu’avec un médecin de famille.
Bushan et Prati se sont rencontrés au collège et sont tombés amoureux. Bien que leur mariage ne fût pas arrangé, leurs familles doivent tout de même s’entendre sur les préparatifs, car, en Inde, l’union de deux personnes est aussi celle de deux familles. Chaque ensemble de bijoux, s’il est fait d’or ou de pierres précieuses, peut coûter de quelques centaines à quelques milliers de dollars. Cet achat symbolise à la fois la fierté et la bonne volonté des deux familles.
La veille de son mariage, Antony (Anand) reçoit les vœux de bonheur de son entourage qui, dans le cadre de la cérémonie haldi, l’enduit de pâte purificatrice de curcuma. Cette préparation est propre aux Kolis, une communauté de pêcheurs dont le village, logé en plein cœur de Bombay, est à la croisée de la tradition et de la modernité. Plutôt que de s’isoler, cette communauté indigène a choisi de s’intégrer, si bien que ce mariage entre un chrétien (Antony) et une hindoue (Vatyana) y est perçu comme normal, alors qu’il serait tabou dans le reste du pays.
La danse tient un rôle prépondérant dans les rituels de mariage, et les Kolis ont une grande réputation de danseurs. Le matin du mariage d’Antony et de Vatyana, la famille de celle-ci chante et danse, escortant la mariée de sa maison au lieu de cérémonie.
La cérémonie du mariage est un véritable marathon, qui dure une journée entière, avec des photographes, des musiciens et de la nourriture en permanence pour les centaines d’invités, qui ne cessent d’arriver, au fil des heures. Shrutika et Rutuparna se sont aussi rencontrés à l’université. Elle étudiait l’allemand classique, lui, l’informatique. Ils auraient pu opter pour un mariage civil, comme d’autres couples commencent à le faire, mais Shrutika tenait au rituel de sorte « qu’à la fin, [elle] sente vraiment mariée ».
Shrutika, resplendissante, s’accorde une brève pause, à mi-chemin des six heures du rituel. Elle en est à son troisième changement de robe, et chaque sari, chaque bijou sont une variation un le thème traditionnel. À la fin de la cérémonie, le couple fera sept pas et récitera une prière à chacun d’eux : pour la nourriture, la force, la prospérité, la sagesse, la fertilité, la santé et l’amitié.
Devant l’entrée de sa maison, la famille d’Himanshu attend son nouveau gendre pour l’escorter vers la réception. Si la cérémonie du mariage est importante, la réception l’est encore plus, puisque c’est à ce moment que la famille peut briller et s’afficher. En Inde, tous sont les bienvenus dans un mariage... collègues, amis, amis d’amis ou simples passants : personne n’est refusé!
Dès le matin, les organisateurs créent des décors élaborés, dont les grands favoris sont le palais mongol et le temple himalayen. Avec ses sculptures en papier mâché, baignées de lumières et tout en draperies, ce somptueux décor sera, dès le lendemain, aussi vite détruit que monté pour laisser place au prochain mariage de rêve.
Himanshu et Komal sont à la fois débordants de bonheur et timides l’un envers l’autre. Tous deux âgés de 22 ans, ils ne se sont vus qu’une fois, trois mois plus tôt. Les familles s’étaient rencontrées par l’entremise d’une lointaine relation de Komal, l’année précédente. Dans ce pays de plus d’un milliard d’habitants, le mariage sert à affirmer les positions sociales et financières de chaque famille, et les unions arrangées sont encore la norme.
Himanshu et Komal appartiennent aux jaïns, une communauté religieuse minoritaire connue pour être végétarienne et… très habile en affaires! Elle a d’ailleurs mainmise sur la totalité de l’industrie du diamant dans le pays. Pour ces familles habituellement discrètes, le mariage est une occasion parfaite de s’exposer sans retenue. « Les diamants sont à la mode maintenant », confie Sravan, le frère du marié. C’est pour ça qu’on les porte. »
Si Himanshu a accepté de marier l’homme que ses parents ont retenu pour elle, elle a insisté pour choisir elle-même sa robe et ses bijoux. Les diamants qu’elle porte ont été achetés dans les nouvelles chaînes de diamantaires à la mode, qui ciblent la classe moyenne montante et ambitieuse.
Reine et roi d’un jour, Himanshu et Komal passent une grande partie de la soirée assis sur le trône de velours rouge à recevoir des enveloppes d’argent et des vœux de bonheur de leurs invités.
L’Inde est l’une des économies les plus florissantes du monde, et Mumbai en est le centre et le moteur. Sur le bord de l’eau, admirant le soleil couchant, les jeunes amoureux partagent enfin un peu d’intimité, entre amis. Un moment dont ils doivent profiter avant d’être rattrapés par le chaos de la prochaine saison des mariages…
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