Société

Potager urbain 101

Cet été, notre journaliste s’est lancé le défi de faire pousser des légumes dans son jardin. Mais comment faire fructifier un potager sur un carré de terre en pleine ville, et de façon écologique? Un expert vient à la rescousse.

Mon bout de jardin prêt à cultiver. Une terre argileuse désolée à l’ensoleillement limité (mon lapin lui tourne le dos).

J’ai toujours voulu un potager. Paraît que c’est bon pour la santé et que ça rend meilleure. Maintenant que j’habite une maison de fond de cour (en appartement, je me consolais avec les plantes vertes), la jardinière en moi peut enfin s’épanouir.

Mais par où commencer? Je veux dire, j’ai l’espace, un pas pire ensoleillement, un arrosoir de qualité et la meilleure volonté du monde. Côté expérience toutefois, c’est presque nul. Ma feuille de route se résume à avoir assisté ma grand-maman Béatrice quand j’avais cinq ans. Ma mère, très peu portée sur l’agriculture, lui avait donné carte blanche. Chaque début d’été, on allait à la pépinière Charbonneau, à Laval, choisir nos semences et nos annuelles dans des bacs en styromousse.

Ça m’amusait. Fallait d’abord « démouler » les fleurs avec un couteau à beurre puis les séparer. On creusait un petit trou, on l’inondait, on ajoutait du 20-20-20 puis on le refermait sur le plant avec de la « bonne » terre noire. La fois où une horrrrrible bestiole qui ressemblait à une main rampante (juré!) s’est pointée, ma grand-mère a pris sa pantoufle pour la mettre K.-O.

Ma platebande comprend céleri, bette à carde, salade frisée, persil, capucines, ciboulette et rue (plante à l’odeur fétide, qui devrait éloigner les écureuils).

Les méthodes ont bien changé depuis. Je l’ai compris en suivant la formation Jardin potager écologique à la Ferme Guyon, à Chambly, donnée en partenariat avec l’Université de Sherbrooke. Nous étions huit apprentis jardiniers assis dans une grange à écouter les enseignements de la star de l’horticulture Albert Mondor (Jardin du futur à Saint-Hyacinthe, Jardin de verre et de métal aux Mosaïcultures, Jardin de l’étang au Vieux-Port de Montréal). Pendant une journée, il nous a appris le b.a.-ba du jardinage écologique. Ses préceptes pourraient vous être utiles !

  • On prépare le sol avec du compost. Il y a deux types de terre : la sableuse (Laurentides et Appalaches) et l’argileuse (région de Montréal). La première ne retient ni l’eau ni les éléments nutritifs. La seconde, si. Mais mal structurée (particules minérales et organiques insuffisantes), elle devient compacte et se draine difficilement. Trop sèche, elle craquelle. Quelle que soit la terre, il est bon de lui rajouter du compost (un mélange de débris végétaux qu’on peut acheter ou faire soi-même) pour obtenir un potager digne de ce nom. Riche en humus, le compost retient l’eau, allège, ameublit et aère les terres argileuses. Il ralentit l’érosion et le lessivage des terres sableuses. En épandre 5 cm d’épaisseur à la grandeur du potager puis remuer la terre pour l’enfouir.

Bon à savoir : la terre noire, qui provient du fond des tourbières, est à proscrire, insiste Albert Mondor : « Elle est de si piètre qualité que même les mauvaises herbes refusent d’y pousser ! » Idem pour le peat moss (mousse de sphaigne), beaucoup trop acide et non nutritif. L’horticulteur déconseille aussi le paillis de cèdre qui repousse les microbes.

J’y suis allée avec des légumes-feuilles pour un succès assuré.

  • Il n’y a pas de limite à ce qu’on peut cultiver, hormis l’espace dont on dispose dans notre potager. Les légumes feuilles – bettes à carde, betterave, épinard, laitue, roquette, moutarde… – sont les moins exigeants (j’ai opté pour ceux-ci!). Les légumes racines doivent être semés tôt dans la saison. Pour les plants tropicaux, c’est fin mai, début juin, et on s’assure d’avoir un bon ensoleillement.
  • La monoculture, c’est révolu! La rangée de tomates cède la place à un joyeux méli-mélo de plantes, fleurs, fines herbes, fruits et légumes. En travaillant le potager comme une platebande ornementale, on favorise la pollinisation et on brouille les pistes pour les insectes nuisibles.
  • On décloisonne le potager. Il se cultive non plus seulement dans la cour, mais aussi en façade, sur le toit ou le balcon.
  • Les plantes voraces ont besoin de fertilisation. Les plants de tomates, poivrons, aubergines, concombres, courges, courgettes, maïs nécessiteront quelques poignées de fertilisant mélangé à la terre et au compost. Mais attention, pas n’importe lequel ! Surtout pas les engrais chimiques de type 20-20-20, particulièrement polluants et mal assimilés par les plantes. Albert Mondor privilégie les engrais à la formule 4-3-9, i.e. 4% d’azote (feuillage), 3% de phosphore (enracinement), 9% de potassium (floraison). Pour un sol vivant, on peut aussi ajouter au plant des semences de champignons (mycélium). Les plantes mycorhizées pousseront plus vite !
  • On arrose tous les 2 ou 3 jours, idéalement le matin. Donc seulement après avoir transplanté (ne pas inonder la cavité du plant!). Un arrosoir de qualité (avec bec verseur et large goulot) fera l’affaire pour un petit potager. S’assurer de déverser de 2 à 3 cm d’eau à chaque arrosage (pour atteindre cette quantité, placer un bocal mesuré et minuter le temps).
  • On laisse vivre les bestioles ! Surtout les prédateurs – araignées, coccinelles, fourmis, mantes religieuses, libellules, syrphes, vers de terre – qui bouffent les insectes nuisibles. Pour attirer les abeilles, on plante de l’échinacée, de la bourrache, du tagète et toutes sortes de fines herbes.

Mon bout de terre autrefois inhospitalier plaît maintenant à Lapinou!

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