Entrevues

L’Assemblée nationale est-elle sexiste? 

Dans une enquête du magazine L’actualité, le journaliste Naël Shiab révèle qu’à l’Assemblée nationale du Québec les hommes détiennent non seulement le pouvoir décisionnel, mais aussi le pouvoir économique. Entrevue.

À l’aide d’un logiciel, tu as compilé le temps de parole de tous les députés et députées qui ont siégé entre mai 2014 et juin 2016. Selon les données analysées, les hommes prononcent en moyenne 32 % de mots de plus que les femmes dans le Salon bleu, soit 185 mots par séance pour les députées et 245 mots pour les hommes.

C’est en m’intéressant de plus près aux transcriptions officielles des séances de l’Assemblée nationale que je me suis rendu compte du fossé qui existe entre les hommes et les femmes. J’ai aussi compris l’importance des mots dans l’exercice du pouvoir. En s’exprimant au Salon bleu, on occupe un territoire politique, oral, et c’est cette incarnation du pouvoir dans les mots qui m’a guidé dans ce reportage.

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Photo: L'actualité

Photo: Naël Shiab/L’actualité

Pourquoi les politiciennes s’expriment moins que leurs collègues, à la fois en termes de nombre de mots prononcés, d’interventions ou de projets de loi déposés? Avais-tu une hypothèse de départ?

Je n’avais pas d’hypothèse, sauf l’impression que les femmes parlaient moins, toute proportion gardée. Si les chiffres nous prouvent qu’effectivement, elles prennent moins la parole ou interviennent moins souvent, j’en suis venu à la conclusion que le nombre de mots est directement lié à la fonction occupée. Comme les femmes détiennent des portefeuilles et occupent des fonctions moins importantes que les hommes, elles « parlent » moins. « C’est systémique. Ce n’est pas que les gens pensent qu’on ne pourrait pas le faire. C’est parce qu’ils voient des hommes d’abord », m’a dit Agnès Maltais qui s’est battu pour exercer d’avril 2014 à mai 2015 les fonctions de leader parlementaire. C’est aussi la femme qui « parle le plus » selon mes données, on peut donc dire que c’est directement lié au fait qu’elle remplissait une fonction plus importante.

Selon ton analyse, 90 % des budgets du cabinet Couillard sont gérés par des hommes, est-ce qu’on peut interpréter ça comme une mise à l’écart des femmes?

Je trouvais le titre de mon article brutal : « L’Assemblée nationale est sexiste et en voici la preuve »… Mais depuis sa parution, selon les commentaires et réactions reçus, certains ne veulent pas croire les conclusions auxquelles je suis arrivée, et ce, malgré tout ce qui a été compilé. Pourtant, les données des deux dernières années indiquent qu’il y a peu de nuances possibles. Selon moi, il faudrait se demander si c’est quelque chose de conscient de la part du Parti libéral d’offrir les postes et portefeuille d’importance à des hommes? Ou est-ce le système politique qui impose ce modèle?

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Illustration: Pascal Blanchet

Illustration: Pascal Blanchet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tu as discuté avec des députées et des expertes de la questions. Ces personnes pensaient-elles que la situation allait s’améliorer, qu’un jour les femmes occuperaient plus 30 % des sièges?

En  2003, le nombre d’élues a atteint 30 %, mais ce chiffre a stagné depuis. Par contre, d’autres avancées se sont faites : en 2007, Jean Charest nommait pour la première fois un conseil des ministres paritaire, la même année Pauline Marois est devenue la première chef officielle d’un parti politique et est élue en 2012 première ministre, une première au Québec. Certes, si le plafond de verre a été brisé, il reste à se soucier du nombre de candidatures féminines. Les députées avec qui j’ai parlé (Agnès Maltais, Françoise David, Nathalie Roy  et Stéphanie Vallée) sont très optimistes et croient beaucoup en l’arrivée d’une nouvelle génération de politiciens et politiciennes. Le Conseil du Statut de la femme a une position très claire sur ce sujet. Selon lui, il faudrait forcer les partis à présenter un minimum de 40 % de candidates, ainsi le changement pourrait s’imposer de lui-même.

Notre rédactrice en chef numérique, Annabelle Moreau, posera des questions à Naël Shiab lors d’une entrevue en direct sur Facebook, le 8 août à 12 h. facebook.com/chatelaineqc

Pour lire l’article complet et découvrir les conclusions du reportage.

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