Projet 97

Deux filles de 13 ans contre la culture du viol

Consternées par le programme d’éducation sexuelle de l’Ontario, deux jeunes Torontoises ont convaincu leur première ministre, Kathleen Wynne, qu’il fallait expliquer le consentement aux élèves.

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Dépassé ? C’est le moins qu’on puisse dire. Le programme d’éducation sexuelle de l’Ontario date de 1998, soit avant qu’Internet tienne une place importante dans la vie des jeunes. Une version modernisée de ces cours a bien failli voir le jour en 2010. Elle aurait entre autres permis aux élèves de première année d’apprendre le nom des parties de leur propre corps… mais le gouvernement McGuinty avait à l’époque dû reculer devant la levée de boucliers des groupes conservateurs et religieux.

Alors, quand la première ministre Kathleen Wynne a annoncé son intention de réactualiser le programme d’éducation sexuelle (ce qui est prévu pour septembre prochain), deux jeunes Torontoises en ont pris bonne note. Lia et Tessa, toutes deux âgées de 13 ans, ont lancé sur change.org We Give Consent, une pétition qui demande que la notion de consentement affirmatif (c’est-à-dire « oui veut dire oui ») soit spécifiquement abordée dans le nouveau programme et discutée dans les écoles. Victoire ! La pétition a récolté plus de 41 000 signatures.

Et les deux adolescentes ont reçu un tweet de Kathleen Wynne, première ministre de l’Ontario, qui voulait les rencontrer. Elle s’est engagée à ce que le consentement soit enseigné dans les salles de classe à partir de l’automne prochain.

Nous avons joint les deux jeunes filles. Voici ce qu’elles nous ont dit.

Friends Lia (left) and Tessa have campaigned to put consent in Ontario’s curriculum. Photo, courtesy of Lia and Tessa.

Friends Lia (left) and Tessa have campaigned to put consent in Ontario’s curriculum. Photo, courtesy of Lia and Tessa.

Comment est née l’idée de la campagne We Give Consent ?

Tessa : Dans le cadre de notre cours d’étude des médias, nous étions en train de réaliser un documentaire de 15 minutes sur la culture du viol dans les médias. Dans nos entretiens avec des experts, nous entendions constamment parler de la « culture du consentement » qu’il fallait instaurer pour mettre un terme à la culture du viol. Comme notre projet devait comporter un appel à l’action, nous avons décidé de créer la campagne We Give Consent et de lancer une pétition visant à faire inclure le consentement dans le programme.

Lia : En ce moment, on enseigne simplement l’abstinence. Il y a bien une introduction aux infections transmises sexuellement, mais ce qu’on apprend, essentiellement, c’est : n’ayez pas de relations sexuelles, ou sinon, mettez un condom. Il est peu réaliste, surtout à l’école secondaire, de prôner l’abstinence. Les ados nouent des relations, qui ne seront pas nécessairement saines, parce qu’ils ne connaissent pas le consentement.

Comment définir cette culture du consentement ?

Lia : Il ne s’agit pas seulement de dire : « non veut dire non ». Il faut aussi inculquer que « oui veut dire oui » – le consentement affirmatif consiste en un oui clair et enthousiaste de la part des deux personnes. On tient compte de son partenaire, de son plaisir et de son désir.  Il faut également que cet accord soit valable. Si votre partenaire a bu ou a pris de la drogue, ou s’il n’a pas l’âge légal, ce n’est pas valable. Le silence n’est pas une forme de consentement.

Tessa : « Je n’aime pas vraiment ça » n’en est pas un non plus. C’est pourquoi il est très important de mettre le programme à jour. On ne veut pas que les gars continuent à prétexter : « Je pensais qu’elle le voulait. » Vous devriez savoir qu’elles le veulent. Il faut que vous sachiez.

Qu’est-ce que vos camarades pensent de ce que vous faites ?

Lia : En général, ils nous appuient. Tout le monde, du moins parmi nos amis, semble souhaiter une éducation sexuelle pertinente, qui comprend de l’information sur le consentement, les relations saines, les droits des lesbiennes, des gais, des bisexuels et des transsexuels.

Pourquoi est-il si important qu’on commence à enseigner ces choses tôt ?

Lia : Nous n’allons pas nécessairement avoir des relations sexuelles immédiatement, mais siffler les filles et les intimider, ça se fait tout le temps – même dans les écoles. Alors, si on apprend aux gens à respecter les autres et à se respecter eux-mêmes, ça pourrait atténuer les problèmes. Ce n’est pas une question de sexe mais de respect fondamental.

Tessa : Une culture du consentement pourrait signifier que toutes les relations sexuelles sont consensuelles, mais aussi qu’il faut demander la permission avant d’embrasser ou de toucher quelqu’un.

Comment cette culture consistant à « prendre » au lieu de « demander » se manifeste-t-elle dans la réalité et dans les médias ?

Tessa : Il n’est presque jamais question de sexualité à l’école. Tout ce que les jeunes savent là-dessus vient des médias et de la télévision. Souvent, on voit un gars qui force la main à une fille ou qui essaie de l’amener à sortir avec lui. Cela se transpose dans les comportements des jeunes, par exemple des garçons qui crient des noms aux filles ou font des remarques sexistes. Ils n’apprennent pas à respecter les femmes – ni les hommes. Il y a un effet d’entraînement.

Quelle a été votre réaction quand vous avez su que la première ministre prévoyait d’inclure le consentement dans le nouveau programme ?

Tessa : J’étais vraiment contente ! Je me sentais un peu à l’origine de cette action, même si elle n’a pas mentionné nos noms. Puis, Mme Wynne nous a écrit sur Twitter et nous avons sauté de joie. Nous ne voulons pas que ce qui est arrivé en 2010 se reproduise. 

Quels résultats positifs découleront de l’éducation des jeunes au sujet du consentement affirmatif ?

Tessa : C’est bizarre de penser à la façon dont ça va changer la vie de tant de jeunes ainsi que le milieu scolaire ontarien. Il en résultera peut-être moins de viols et d’agressions sexuelles, ou un plus grand respect mutuel entre les personnes. C’est par des moyens comme celui-là qu’on peut réellement changer la vie des gens. Apprendre aux jeunes qu’il est important de demander la permission, ça ne s’applique pas qu’aux relations sexuelles. Ça concerne aussi la manière dont on traite les autres.

Cet entretien a été révisé et condensé. 

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